Fini, le ni-ni?

France-Québec : fin du "ni-ni"?



Le président français, Nicolas Sarkozy, a semble-t-il l'intention d'abandonner la doctrine de «non-ingérence et de non-indifférence» qui a présidé aux relations entre la France, le Québec et le Canada.

Cette doctrine, énoncée en 1977 par Alain Peyrefitte, le «ni-ni» pour les intimes, visait à gérer la difficile relation triangulaire que la France entretenait avec Ottawa et Québec. Elle a été reprise depuis 30 ans par tous les dirigeants français.
Ce changement possible de doctrine a suscité une certaine inquiétude, particulièrement du côté du Parti québécois, où l'on craint que ce coup de barre rompe une situation d'équilibre qui présidait aux relations franco-québécoises.
On peut y voir tout à fait autre chose: l'aboutissement d'un processus qui n'est pas soudain, amorcé depuis plusieurs années, et qui n'est rien d'autre qu'un ajustement de la politique française à la réalité politique québécoise et canadienne, un retour à la normale qui nous amènerait à une nouvelle situation d'équilibre.
Il faut se rappeler d'où vient cette doctrine, qui s'accompagne d'une autre formule, reprise sous diverses déclinaisons par tous les politiciens français: «La France accompagnera le Québec quel que soit le chemin qu'il choisira d'emprunter.» Quelle en est la signification? Une façon pour la France d'être neutre dans notre grande bataille constitutionnelle, de n'appuyer ni le camp souverainiste ni le camp fédéraliste, et donc ne pas heurter les sensibilités canadiennes, mais aussi une façon de dire aussi que si les Québécois choisissaient la souveraineté, la France les accompagnerait.
Cette doctrine est le fruit d'un travail acharné des politiciens péquistes, qu'ils aient été au gouvernement ou dans l'opposition pour qui l'appui français était un élément stratégique du processus d'accession à la souveraineté. Un appui qui aurait permis d'amorcer le difficile processus de reconnaissance internationale du nouveau pays.
Ce travail acharné a donné naissance à toute une sous-culture: le pointage des politiciens français en fonction de leur sympathie à la cause souverainiste, les efforts pour solliciter des déclarations d'appui, le décodage des nuances protocolaire pour mesurer le succès des politiciens souverainistes dans leurs pèlerinages en France: par quelle porte entraient-ils, le président les raccompagnait-il à leur sortie, la longueur de la poignée de main, etc.
Au-delà de son caractère parfois ridicule, ce ballet diplomatique a eu des effets importants sur la nature et la qualité de nos rapports avec la France. D'abord, le fait que, pendant des décennies, ces rapports ont été monopolisés par les souverainistes, les «amis du Québec» étaient invariablement les politiciens français sympathiques à la souveraineté, et reflétaient donc très imparfaitement la réalité québécoise. Ensuite, cela a mis le Québec en quête d'appui et de sympathie, et donc en demande, dans une situation de dépendance face à son partenaire français. Enfin, cela a conféré une importance déraisonnable aux enjeux politiques au détriment des autres dossiers qui auraient pu être le ciment des relations.
C'est ça qui risque de changer. Louise Beaudoin, ancienne ministre péquiste des Relations internationales, au coeur de ces relations franco-québécoise, y voit l'influence de Paul Desmarais et sa famille, proche du président Sarkozy. Peut-être.
Mais il faut noter que le virage annoncé de la politique française n'est pas nouveau. Les appuis à la cause souverainiste se sont faits beaucoup plus rares, à l'exception de la sortie informe de la candidate socialiste, Ségolène Royal. On a pu noter la chaleur des rapports entre le président Chirac et le premier ministre Jean Chrétien. On a pu aussi noter la complicité que Jean Charest a pu établir avec les politiciens français.
Et il y a une raison bien simple à cela. Les analystes français peuvent lire des sondages aussi bien que nous. Si les Québécois n'ont pas appuyé la souveraineté et ne semblent pas avoir l'intention de le faire, au nom de quelle logique, en reprenant les termes de la formule, la France persisterait-elle à annoncer qu'elle les accompagnera sur un chemin qu'ils n'ont pas choisi d'emprunter?
Cela étant dit, le fait que la France abandonne sa neutralité bienveillante face au projet souverainiste ne devrait avoir aucun lien avec l'attitude qu'elle pourrait prendre face au rôle international du Québec. La place du Québec dans la francophonie, ses partenariats avec la France, ses efforts de représentation internationale s'inscrivent dans une logique d'affirmation que partagent depuis des décennies tous les politiciens de l'Assemblée nationale, indépendamment de leur option constitutionnelle.
Au premier abord, l'abandon du «ni-ni», en décrispant les rapports avec la France, risquent donc plutôt d'amener une bouffée d'air frais, qui permettra de bâtir des liens sur autre chose que des jeux politiques.


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