Fiasco

"Libérez Gaza" - 1ère Flottille humanitaire - le "Mavi-Marmara" -


En voyant les militants islamistes propalestiniens rentrer en Turquie avec le sourire aux lèvres, criant victoire et brandissant les doigts en forme de «V», il était difficile de ne pas éprouver un petit malaise. De quelle victoire voulait-on parler au juste? De celle qui a fait au moins une dizaine de morts et déclenché une crise politique internationale? Bien sûr, le malaise n'était pas aussi grand que celui éprouvé plus tôt en apprenant que des militants avaient perdu la vie en tentant de franchir un barrage maritime israélien pour atteindre Gaza.
L'opération militaire lancée contre l'un des six navires de cette flottille était d'une maladresse et d'une violence inouïes et inexcusables. Cela, tout le monde l'a dit et il n'est pas inutile de le répéter. Elle illustre mieux que tout l'insensibilité du gouvernement israélien de Benjamin Nétanyahou et le cul-de-sac dans lequel il a engagé son peuple et son pays face à l'opposition palestinienne et à la communauté internationale. Parmi toutes les façons d'arraisonner un bateau, Tsahal a choisi la plus violente et la plus dangereuse. Imagine-t-on quelles auraient été les répercussions si, par exemple, un député européen avait perdu la vie?
Mais cette affirmation serait incomplète si elle n'était accompagnée d'une mise en garde à l'égard de certains de ces militants «humanitaires» et «pacifistes». Plus le temps passe et plus il apparaît évident que l'opération montée par la Fondation des droits de l'homme, des libertés et de secours humanitaire (IHH) était en réalité une opération politique. L'IHH a été soupçonnée d'entretenir des liens avec les islamistes algériens et accusée par le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière d'avoir joué un rôle dans la préparation du complot d'Ahmed Ressam à Los Angeles. En Turquie, il ne fait pas de doute que cette organisation n'a pu agir sans l'autorisation du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, qui n'a pas caché son intention de devenir un joueur incontournable dans la région.
Avant que le Mavi Marmara ne prenne la mer à Antalya, en Turquie, le président de l'ONG avait évoqué «l'éventualité d'une descente des commandos d'Israël» et son intention de «résister contre une attaque éclair». Pourquoi des «humanitaires» refuseraient-ils de laisser inspecter leurs cales et d'obtempérer à une sommation leur enjoignant de faire escale au port d'Ashdod, comme l'ont d'ailleurs fait les cinq autres navires? Pourquoi des «pacifistes» accueilleraient-ils des militaires à coups de barres de fer? Certains militants étaient visiblement là pour en découdre.
Après l'Égypte, la Syrie, l'Iran et l'Arabie saoudite, qui jouent à ce petit jeu depuis 40 ans, c'est maintenant au tour de la Turquie de tenter d'instrumentaliser le conflit palestinien à son propre avantage. L'opération survient immédiatement après l'accord signé avec le Brésil afin d'enrichir l'uranium iranien. Premier pays musulman à reconnaître Israël, ce membre influent de l'OTAN est en train de se bâtir un véritable réseau d'influence dans le monde arabe qui passe dorénavant par Téhéran et le Hamas. Alors que l'Union européenne leur tourne le dos, les dirigeants turcs auraient-ils la nostalgie de l'Empire ottoman?
Ironiquement, c'est Israël qui pâtira le plus de cette faute grave, résultat logique des thèses du ministre des Affaires étrangères, l'extrémiste Advigor Liberman. Devant l'inefficacité des sanctions contre l'Iran et le nouveau soutien turc et brésilien à la bombe iranienne, Jérusalem ne sait que se raidir. Il y a trois mois, le premier ministre Benjamin Nétanyahou avait attendu la visite du vice-président Joe Biden pour annoncer la construction de 1600 nouveaux logements dans les territoires occupés, et cela, malgré les mises en garde d'Obama. Cette fois, Israël se retrouve isolé comme jamais.
Comme l'a si bien écrit l'écrivain juif David Grossen, «rien ne peut justifier ou absoudre le crime qui vient d'être commis». Le drame de ces derniers jours aura donné raison à l'analyse des signataires du JCall, cet appel des intellectuels juifs européens. Même les meilleurs soutiens d'Israël estiment que la politique des dirigeants actuels du pays met en cause l'idéal de ses pères fondateurs et qu'elle pourrait s'avérer catastrophique pour son existence même. Il n'y a pas d'avenir pour Israël avec les colonies palestiniennes, sinon celui d'un État surarmé vivant retranché derrière une forteresse et piétinant les droits de ses citoyens. Ce n'est pas de ce genre de pays qu'avaient rêvé les fondateurs du sionisme, ce nationalisme qui a su à certains moments être visionnaire et que les ennemis d'Israël s'amusent à tort à décrire comme le plus vil des racismes.
Coïncidence troublante, ce drame survient un an presque jour pour jour après le célèbre discours du Caire de Barack Obama, qui était censé inaugurer une ère nouvelle au Proche-Orient. Qui sait si la désapprobation générale ne fera pas exploser la coalition au pouvoir et ne redonnera pas vie à une gauche israélienne totalement anémique depuis le déclenchement de la seconde intifada? Elle pourrait même inciter les États-Unis à hausser le ton à l'égard du gouvernement de Nétanyahou. C'est aujourd'hui ce qu'attendent les amis d'Israël.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->