Fermez ce compte Twitter!

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Le flicage d'internet par les censeurs du politiquement correct


Les médias sociaux reçoivent quotidiennement des demandes pour supprimer tel ou tel contenu. Ces demandes se fondent parfois sur des motifs qui semblent parfaitement légitimes, tandis que d’autres reposent sur des accusations qui ne tiennent pas la route.


La semaine dernière, on apprenait que le compte Twitter de l’émission Tout le monde en parle avait été suspendu pendant quelques heures. La suspension faisait apparemment suite à une plainte émanant de gens hostiles aux idées et à ce que représentait un invité à l’émission. On accusait les responsables du compte de faire l’apologie du terrorisme !


Il y a quelques semaines, c’est le compte Facebook du chroniqueur Richard Martineau qui avait été suspendu pendant quelques jours. On reprochait au chroniqueur des propos qui auraient heurté des personnes issues de minorités sexuelles.


Dans ces deux cas, on ne voit pas en quoi les propos contestés auraient contrevenu à une quelconque loi en vigueur au Canada. Mais confrontés aux plaintes, les réseaux sociaux suspendent les comptes et tentent de départager le sérieux des lubies. De telles histoires témoignent de l’ampleur des difficultés de modérer ce qui se passe sur des réseaux comme Facebook, Twitter ou YouTube. Ceux-ci semblent naviguer à vue pour départager ce qui peut demeurer en ligne de ce qui doit être purgé.


Il est devenu de bonne guerre, pour les divers groupes engagés dans des controverses, de « signaler » les propos qu’ils désapprouvent en les taxant d’être diffamatoires, haineux ou autrement contraires aux lois. Par exemple, dans les débats récents au sujet de la loi restreignant les droits des personnes portant des signes religieux, on a vu de part et d’autre des accusations d’intégrisme ou d’islamophobie. Pour attaquer la crédibilité d’une prise de position, on lui accole une épithète péjorative. C’est dans un tel contexte que les réseaux sociaux et les autres intermédiaires d’Internet sont appelés à « modérer » ce qui est placé en ligne par les uns et les autres. À l’échelle d’un réseau planétaire, cela peut représenter plusieurs milliers de messages qui doivent être analysés.


Pour éviter de placer les réseaux sociaux dans l’inconfortable position de devoir déterminer a priori si un contenu est acceptable ou non, les lois de la plupart des pays démocratiques comportent des règles mitigeant la responsabilité légale de ces intermédiaires. Par exemple, la loi québécoise prévoit expressément qu’ils ne sont pas tenus de surveiller ce qui est affiché par des tiers sur leur site. La même loi prévoit que les réseaux sociaux et les autres intermédiaires ne peuvent être responsables à l’égard d’un contenu affiché par un internaute qu’une fois qu’il est établi qu’ils ont connaissance de son caractère illicite.


Délimiter le vrai du faux, le discours haineux du propos déplacé, l’injure diffamatoire du commentaire critique n’est pas et n’a jamais été une tâche simple. Cela n’est pas plus facile dans le contexte des réseaux sociaux. Par exemple, l’atteinte à la réputation ne se voit pas toujours au premier coup d’oeil. Écrire qu’une personne condamnée par un tribunal pour le meurtre d’un enfant est un tueur d’enfant n’est pas une faute au sens de la loi. Écrire le même propos, mais cette fois à l’égard d’une personne qui n’a pas été ainsi condamnée en est une.


Un second exemple encore plus difficile est celui de déterminer le caractère haineux d’un propos. Au sens de la loi canadienne, c’est un propos qui est de nature à porter une personne raisonnable à détester les personnes visées. Cela se distingue du commentaire critique, qui peut être blessant sans pour autant inciter à la haine. Mais les espaces publics regorgent de commentaires accusant les uns et les autres d’être « phobes ». Dans certains milieux, ceux qui critiquent les croyances ou les positions politiques des groupes sont désignés par divers vocables additionnés du suffixe « phobes ». Or, il ne suffit pas qu’un individu soit convaincu qu’un propos est haineux pour qu’il le soit au sens de la loi. Et si le propos ne contrevient à aucune loi, au nom de quelle norme devrait-il être supprimé ?


Les réseaux sociaux exploitent des espaces virtuels qui constituent les places publiques de notre époque. Mais ce sont des entreprises commerciales. Est-il opportun de leur laisser la tâche de départager ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas ? Dans un contexte démocratique, les seuls discours qui peuvent légitimement être supprimés de l’espace public sont ceux qui contreviennent à une loi.


Dans les cas clairs, il incombe certes aux modérateurs des réseaux sociaux de supprimer les messages qui contreviennent à la loi. Mais dans les débats publics, il existe forcément des zones d’ambiguïté. Des imprécisions qui compliquent la tâche de celui qui est appelé à distinguer le propos licite du propos illicite. Souvent, les tribunaux doivent mettre des années pour finir par déterminer qu’une image ou un message était effectivement une atteinte illégale à la réputation d’une personne ou un propos haineux à l’égard d’un groupe. C’est dire l’ampleur du défi posé par les espaces de débats publics que constituent désormais les réseaux sociaux.









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