La nature humaine

Faire de la politique autrement

IDÉES - la polis

Est-il possible, comme ils disent ces jours-ci, de «faire de la politique autrement»? Avant de répondre à cette question, on nous permettra une parenthèse concernant le psyché québecois. Règle générale, elle n'est pas absolue, les Québécois ont un rapport discutable avec la réalité. Leur connaissance de la nature humaine est déficiente. Ils ont de la difficulté à saisir l'essence fondamentale des choses. Ils ne s'intéressent pas à la finalité intrinsèque des choses. Ils établissent mal les relations de cause à effet entre les phénomènes. Et, ils se montrent bien souvent incapables de réduire une situation complexe à ses variables les plus fondamentales. En raison de tout cela, leurs réflexions politiques prennent bien souvent le visage d'abstractions artificielles sans aucun rapport avec la réalité ambiante. Si les Québécois ne corrigent pas cet aspect de leur mentalité, ils risquent de payer un jour très cher leur refus de le faire.
À tout événement, revenons à notre propos initial. Toute réflexion politique doit être précédée de postulats fondamentaux vérifiables dans les faits. Parmi ceux-ci, il y a celui voulant que la condition humaine soit sordide. De cela découle la conclusion nous enseignant que dans les rapports humains, la corruption soit la règle plutôt que l'exception. La vertu au sens d'Aristote, existe, certes, mais elle est exceptionnelle.
Plusieurs nieront avec véhémence la véracité des propos qui précèdent. À ceux-là, nous répondrons que Machiavel, dans Le prince, et les auteurs de The Federalist Papers ont placé ce postulat à la base même de leurs réflexions politiques. On opposera, avec raison, que Machiavel n'est pas nécessairement un exemple à suivre. Dans la mesure où il avait abdiqué devant la médiocrité humaine, il faut évidemment se méfier de son enseignement. Mais, personne ne pourra nier son réalisme politique. Les auteurs de The Federalist Papers (James Madison, Alexander Hamilton et John Jay), par contre, ont préféré croire en la perfectibilité du genre humain. Ils ont donc avancé l'idée qu'il fallait légiférer en prenant pour acquis que la corruption était la règle plutôt que l'exception. Autrement dit les lois doivent être un éteignoir à la corruption plutôt qu'un accélérant. Prenons par exemple le fait de légiférer mollement contre les conflits d'intérêt au nom du principe voulant que les intéressés sauront faire la part des choses.
Mais, allons-y d'un exemple encore plus général, celui du rapport entre les pouvoirs Législatif et Exécutif. Dans la tradition constitutionnelle de type britannique, les détenteurs de ces pouvoirs sont en bonne partie les mêmes personnes. Autrement dit, la barrière n'est pas véritablement étanche entre ces deux branches de l'autorité étatique. Le premier ministre se retrouve donc de fait en plein contrôle des deux pouvoirs. Il peut donc grandement influencer le contenu des lois. Et de cela, découlent des conséquences plus ou moins heureuses. Nous y reviendrons.
Aux États-Unis, on a choisi d'éviter cet accélérant à la corruption. Les concentrations de pouvoir, privés ou publiques, étant incompatible avec l'existence de la liberté, les Américains ont séparé le Législatif de l'Exécutif. Le président ne siège pas au Congrès. Et, il ne peut y imposer une ligne de parti. Il est donc certaines promesses qu'il ne peut pas faire contre du financement électoral. Mais, est-ce que cela signifie que les parlementaires américains jouissent d'un meilleur droit de parole que leurs collègues des parlements de type britannique? Comptez sur la nature humaine pour revenir au galop. Là-bas, le régime des comités contribue grandement à museler les députés de moindre notoriété. La responsabilité ministérielle semblerait meilleure en régime britannique.
Mais, une fois un cadre législatif en place, il doit être appliqué. À quoi bon, en effet, donner des lunettes à un aveugle? À tout événement, revenons à l'idée de faire de la politique autrement et laissons le lecteur sur quelques questions. Est-il raisonnable de penser qu'un politicien «indépendantiste» puisse véritablement défendre les intérêts du Québec à Ottawa depuis la banquette arrière d'une jolie limousine fédérale conduite par un tout aussi joli chauffeur fédéral? Empêchera-t-on jamais certains, pour ne pas dire plusieurs, de voir la politique comme le chemin privilégié de l'ascension sociale? Et, peut-on, également oublier la précarité de la vie politique? Les humeurs de l'électorat changent. Et, un beau matin, c'est Ruth Ellen qui se retrouve sur la banquette de la limousine. Or, si l'on a écrasé trop d'orteils au nom de l'intérêt public alors que l'on occupait soi-même la banquette de la limousine, le retour à la vie normale pourrait être difficile. Enfin, peut-on oublier que personne n'arrive au pouvoir seul? Il faut de l'aide. Et, est-ce que cela ne sous-entend pas des retours d'ascenseurs? La condition humaine EST sordide. Mais, cela ne veut pas dire qu'il faille abdiquer.


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