Le bourbier financier de l'UQAM

Éviter de créer un climat de peur

UQAM - scandale financier


Dans son rapport sur les problèmes financiers de l'UQAM, le vérificateur général du Québec a conclu que les pertes colossales de l'université dues aux projets de construction étaient inévitables compte tenu des comportements irresponsables et des mauvaises pratiques de gestion des trois responsables universitaires les plus impliqués dans le dossier. À cela, il faut ajouter l'échec de gouvernance à toutes les étapes, allant du conseil des gouverneurs de l'UQAM jusqu'au ministère de l'Éducation.
Après la divulgation de ce rapport, la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, a promis de présenter une nouvelle loi à l'automne en vue de prévenir ce genre de dépenses démesurées. Mais la solution n'est pas évidente dans un système où les lois privilégient une bureaucratie fortement centralisée entraînant des effets pervers. [...]
Des dégâts à venir
Le rapport du vérificateur général, qui ne manquera pas d'avoir des retombées sur la réputation et la situation financière de l'UQAM, donne à réfléchir. Mais ce qui est potentiellement plus grave, ce sont les dégâts susceptibles d'être causés par les solutions proposées [...].
Celles-ci pourraient enraciner les tendances qui sont à l'origine même des problèmes de gestion du secteur public au Québec: une forte centralisation, un niveau de contrôle élevé sur des choses sans importance (ou peu de contrôle sur des choses très importantes), une gouvernance institutionnelle de plus en plus sapée, une multiplication des niveaux d'approbation, des responsabilités de gestion mal définies et davantage de lois relatives aux déficits. Ainsi, si tout le secteur universitaire devait recourir à son budget déjà sous-financé pour résorber les pertes, l'enseignement supérieur au Québec et les générations futures d'étudiants en subiraient les conséquences.
Fuite en avant
La recherche de personnes sur lesquelles porter le blâme pousse les autorités à éviter de prendre des décisions ou assumer des responsabilités qui les rendraient vulnérables lors de futures enquêtes. Cependant, nous savons que le report de décisions constitue l'une des raisons pour lesquelles les projets publics importants dépassent les prévisions budgétaires et les délais impartis. La responsabilité devient de plus en plus difficile et ambiguë quand les gens ne l'assument pas personnellement. [...]
Le gouvernement du Québec doit éliminer certains des niveaux de contrôle et de responsabilité qui régissent les institutions publiques dans la province. Les principes fondamentaux de la gestion de projet exigent des points de responsabilité ainsi que des rôles clairement définis. Les conseils d'administration ont besoin de renseignements financiers fiables, opportuns et pertinents que les formats des rapports financiers au Québec ne peuvent pas leur offrir.
Un comité de vérification privé doit superviser une évaluation globale du risque et donner des conseils. Les cabinets ministériels et les ministères ne doivent intervenir qu'en proportion directe du risque -- et récompenser les institutions publiques les plus performantes en leur offrant plus d'autonomie et de souplesse financière.
Éviter la centralisation
Ce sont là des méthodes éprouvées pour améliorer la gestion des projets et des organisations; il faut éviter la centralisation à outrance. L'Office of Government Commerce, en Grande-Bretagne, a mis au point un système d'examens systématiques («gateway reviews») pour renforcer la gestion des projets de grande envergure, surtout lorsqu'ils touchent des intérêts commerciaux et publics sans but lucratif. Il s'agit là d'une expérience dont on peut tirer des leçons.
Les facteurs à l'origine des événements de l'UQAM et les réactions subséquentes laissent penser qu'il faudrait peut-être remettre en cause l'approche en matière de vérification au Canada. Sur le plan international, la vérification cherche à améliorer les systèmes et à concentrer les efforts sur les résultats à l'aide d'approches stratégiques axées sur le risque. Le nouveau régime réglementaire introduit en Grande-Bretagne s'appuie sur des données probantes voulant que la vérification axée sur le respect des normes soit de nature à repousser l'innovation et rendre la gestion conforme à des processus qui n'aboutissent pas forcément aux résultats escomptés.
Climat de peur
Il est normal de chercher les personnes responsables, dans un contexte où la confiance du public doit être rétablie. Toutefois, cette attitude risque de créer un climat de peur et de dissimulation plutôt qu'un esprit de leadership. Des tendances semblables ont été constatées dans la fonction publique fédérale pendant l'ère d'après-Gomery.
Prenons le temps de réfléchir à la façon de mettre en place les bons facteurs de motivation afin de favoriser une saine gestion et une prise de risque raisonnable de nature à générer une meilleure valeur publique.
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Wendy Thomson, Directrice de l'École de service social de l'université McGill, l'auteure a été directrice de la Commission de vérification en Grande-Bretagne et conseillère en chef sur la réforme de la fonction publique de l'ex-premier ministre Tony Blair


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