Être ou ne pas être Jean Charest

Québec 2007 - PLQ - la suite


Brian Mulroney a déjà dit de Jean Charest: " C'est l'homme politique le plus talentueux que j'aie vu, plus talentueux que Bourassa ou Lévesque à son âge. "
La remarque devait être sincère puisque, en 1986, M. Mulroney avait fait de Jean Charest le plus jeune ministre fédéral de l'histoire.
Sauf qu'après avoir dit tout le bien qu'il pensait de ce politicien, Brian Mulroney ajoutait : " Mais il a un petit côté Hamlet. "
C'est tiré de l'unique biographie de Charest, écrite en 1998 par André Pratte, et qu'il intitulait non sans raison L'énigme Charest.
Après avoir réalisé des dizaines et des dizaines d'entrevues avec sa famille, ses amis, ses patrons, ses collègues, enfin des gens qui l'avaient connu sous plusieurs aspects, le journaliste s'était rendu au plus proche de son sujet... mais il restait une large part énigmatique.
Bien entendu, chaque être humain a ses mystères et, finalement, reste une énigme qu'on ne parvient jamais parfaitement à décrypter.
Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Il est question ici d'un aspect important de la personnalité de Jean Charest, dont plusieurs ont témoigné dans ce livre écrit il y a bientôt 10 ans. Son organisatrice pour la course à la direction en 1993, puis pour les élections fédérales de 1997, Jodi White, disait la même chose que Brian Mulroney.
L'homme a parfois l'air absent, disaient des proches collaborateurs; on ne sait pas où sa pensée s'égare; il paraît tourner et retourner les problèmes dans sa tête avant de décider.
Puis, soudain, il s'allume, il s'enflamme, il devient liant, il fait des blagues, il sait être combatif.
En remontant le fil des quatre années de pouvoir de Jean Charest, comment ne pas voir cet étrange trait de personnalité? Souvent, le premier ministre avait l'air... " pas là ".
Je me souviens d'une tournée des journaux, organisée par le bureau du premier ministre à la suite du budget, c'était en 2005. Il avait l'air totalement désintéressé. Il n'avait rien d'intéressant à raconter. Il avait l'air de s'ennuyer profondément.
Où était celui qui avait fait campagne avec énergie en 2003? Aux abonnés absents.
De la même manière, il avait l'air de s'ennuyer durant toute cette campagne.
Qu'est-ce que c'est que cette idée de faire une " campagne pépère "? Un choix délibéré, calculé par les " cerveaux " du PLQ. Il a beau avoir une bonne année en 2006, Jean Charest est encore en rattrapage de trois années médiocres. Il n'avait rien de terriblement excitant à proposer, sinon " une équipe ".
Pas d'originalité, aucune audace, à peu près pas de sens pédagogique... Pour un gars qui était parti pour réinventer le Québec en 2003, il l'a jouée étrangement modeste en 2007. Il l'a jouée plate. A-t-il quelque chose à dire? Je veux dire, à part des banalités écrites par de mauvais scripts? Oh, le type sait être sympathique. On l'a vu à Tout le monde en parle. Mais où est-il? Qui est-il? A-t-il une vision personnelle, profonde?
Il se disait sans doute que les Québécois préféreraient la platitude à l'incertitude. Mais plate de même...
Ce qui nous ramène à une question qu'on ne devrait pas se poser pour quelqu'un qui est en politique depuis 23 ans : qu'est-ce qui fait courir Jean Charest? Qu'est-ce qui l'excite? Qu'est-ce qui le passionne? Les relations Québec-Canada, sans doute. Mais à part ça, qu'est-ce qui le fait vibrer comme premier ministre du Québec?
En même temps, depuis son saut en parachute dans la politique québécoise, il y a 10 ans, Jean Charest a changé de discours. Le centre de gravité de la politique québécoise l'a poussé à adopter un discours beaucoup plus nationaliste. Avec quelques succès.
Sauf qu'à voir les résultats de lundi, il est assez évident qu'il n'a pas réussi à incarner un nationalisme non souverainiste dans lequel se reconnaîtraient une majorité de Québécois.
Il n'y a donc pas que le PQ qui doit s'inquiéter pour son avenir. Un Parti libéral cantonné à Montréal et à quelques poches de résistance pourrait lui aussi être marginalisé.
Jean Charest a le fardeau de la preuve, lui dont le parti a été déserté par les trois quarts des francophones. Est-il capable de recruter au-delà des fédéralistes de stricte obédience, ou se trouve-t-il ce matin et pour longtemps, comme le PQ, retranché à sa base historique la plus mince?
C'est loin d'être certain. Pour l'instant, on sait qu'il a tranché, à la question : être ou ne pas être chef du PLQ. Il a décidé, plutôt que de partir, de " supporter les coups de fronde et les flèches de la fortune outrageuse ", dont le héros de Shakespeare se demandait s'ils en valaient la peine.
Mais pour aller où?


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