Et maintenant, Mario?

Inéluctablement, les racines de la nation québécoise meurent en terre canadian

Chronique de Patrice Boileau

Voilà qui ne fait pas de doute : l’ensemble des fédéralistes francophones du Québec se donne présentement le mot d’ordre de se débarrasser définitivement de Stéphane Dion, le 14 octobre prochain. L’homme doit être sanctionné, à leurs yeux, pour les gestes hostiles qu’il a multipliés contre le Québec depuis son entré en politique. De plus, son élection à la tête du gouvernement canadian revigorerait l’option souverainiste.
Pas étonnant donc de voir Mario Dumont et, plus subtilement, Jean Charest, mettre leur machine partisane au service de celui qui est le plus susceptible de faire aboutir leur plan : Stephen Harper. Enthousiasmés par les miettes qu’il a consenties au Québec depuis que son parti est aux commandes à Ottawa, les chefs adéquiste et libéral le préfèrent à Jack Layton qui veut conférer un rôle plus centralisateur au gouvernement fédéral. Au moins, avec les conservateurs au pouvoir, celui qui dirige à Québec risque moins d’avoir à solliciter un consensus « arc-en-ciel » entre les partis de l’Assemblée nationale, consensus qui ramène souvent à l’avant-plan la solution indépendantiste.
Pourtant, le chef de l’Action démocratique, qui a dévoilé publiquement sa « liste d’épicerie », exige de son allié d’Ottawa qu’il s’engage à enchâsser dans la Constitution canadienne le statut de nation qu’il a reconnu au peuple québécois. Une revendication assurément empoisonnée, pour le chef conservateur. Car les souverainistes feront tout ce qu’ils peuvent pour que cette reconnaissance s’accompagne de pouvoirs concrets. Un débat qui pourrait bien devenir l’enjeu principal du prochain scrutin québécois. Même les nationalistes mous ne se contenteront pas d’une coquille vide, puisqu’il est question d’immortaliser leur statut juridique dans la Constitution canadienne.
Parions que Jean Charest répètera avec plus d’ardeur que le « fruit n’est pas mûr. » Le chef du PLQ sait combien il peut être catastrophique d’ouvrir ce panier de crabes, pour ses maîtres à Ottawa. Qu’il se rassure : Stephen Harper pense la même chose que lui et ne pouvait choisir de meilleurs mots pour l’exprimer cette semaine. Il a en effet répondu à la requête adéquiste que la « terre n’est pas fertile pour rouvrir la Constitution. » Pas de doute que rien ne pousse, lorsque l’adversaire pratique la politique de la « terre brûlée…» Inéluctablement, les racines de la nation québécoise meurent en terre canadian.
Comment réagira Mario Dumont, face à pareille rebuffade! Le député de Rivière-du-Loup ne peut s’écraser, lui qui reproche à son adversaire Jean Charest de le faire lamentablement. En présentant ses demandes constitutionnelles, le chef adéquiste en avait même profité pour l’accuser de nouveau de ne pas profiter de la campagne électorale pour « faire avancer le Québec. » Parions qu’il s’apprêtait à ridiculiser la dernière trouvaille du premier ministre libéral, celle d’autoriser Québec à rapatrier d’Ottawa l’ensemble des pouvoirs culturels. Comment néanmoins le faire, maintenant que son ami Stephen Harper a également fermé la porte samedi dernier à cette petite requête ?
La « créature autonomiste » qu’a créée Mario Dumont pour tenter d’imaginer une position politique autre que celles qui sont, elles, bien réelles, est la grande victime de cette campagne électorale. Ce n’est peut-être pas seulement au décès politique de Stéphane Dion auquel les Québécois assisteront le 14 octobre prochain, mais celui aussi du chef de l’ADQ. Car le « fédéralisme d’ouverture » que prétend pratiquer Stephen Harper n’est finalement que symbolique, purement cosmétique. Le leader conservateur refuse systématiquement d’accorder au Québec ce qu’il demande, dès que la revendication se traduit par de véritables gains concrets.
Ainsi, Jean Charest rentrera dans ses terres à Sherbrooke et implorera le ciel afin que sa demande hasardeuse de « souveraineté culturelle » sombre dans l’oubli. Il priera en effet pour que la population québécoise n’ait pas porté attention à la requête qu’il a formulée vendredi dernier, à La Malbaie. Habitué à ramper grâce au handicap provincial, le premier ministre du Québec, à défaut de l’être à Ottawa, attendra donc docilement les miettes du gouvernement fédéral.
Ce qu’a réclamé le leader du Parti libéral du Québec n’est cependant pas passé inaperçu chez les souverainistes. Le Parti québécois songe, dès la rentrée parlementaire, à déposer une motion constitutionnelle visant à rapatrier d’Ottawa tout ce qui incombe en matière culturelle. Exactement le genre d’action tant redoutée par les fédéralistes, parce qu’elle peut provoquer un certain réveil de fierté dans la population.
Quel camp choisira alors Mario Dumont, lui dont les appuis populaires fondent à vue d’œil, sondage après sondage? Que répondra-t-il d’ailleurs lorsqu’on lui demandera ce qu’il envisage, maintenant qu’il s’est buté le nez sur le « fédéralisme d’ouverture » de Stephen Harper, celui qu’il appuiera le 14 octobre, celui pour qui il a mobilisé les troupes de son parti pour assurer sa réélection? S’écrasera-t-il aux côtés de Jean Charest, l’homme qu’il accuse de ne rien demander à Ottawa? Il est à espérer que les nombreux souverainistes de son parti qui siègent avec lui, tels que Sébastien Proulx, son leader parlementaire ou François Benjamin, député de la circonscription de Berthier, le secouent énergiquement. Parce que l’élection québécoise qui approche lui réservera, sinon, le même sort qu’il souhaite à Stéphane Dion, au lendemain du scrutin fédéral.
Patrice Boileau



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3 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    16 septembre 2008

    Qui saura mentir le mieux ?
    Un blogueur nous prédit aujourd’hui un beau scénario(Tribune libre, R. Barb-G. :Pourquoi J.Char demande la culture…) où Harper, 10 jrs avant le vote, accorde à Charest sa demande. Culture aussi vide que la nation, bien sûr, sans la langue, mais mensonge encore plus efficace… On voit déjà le dégât de ce mensonge contre la tactique indep.
    Par ailleurs, si ce scénario n’apparaît pas, Mario devrait peut-être trouver un moyen de sauver la face et se rendre à la « Nécessaire alliance » PQ pour retrouver une majorité parlementaire…(puisque son maître à Ottawa ne le nourrit plus.) « Égalité ou Indépendance », a-t-on déjà entendu ?

  • Michel Guay Répondre

    16 septembre 2008

    La constitution de 1982 est scellée à jamais car il est impossible d'obtenir une majorité canadian pour la réouvrir et ceci Jean Charest Meech Moins le sait et Dumont l'opportuniste menteur le sait aussi.

  • Archives de Vigile Répondre

    16 septembre 2008

    Selon ce qu'on entend, le PQ et l'ADQ tentent de s'éliminer mutuellement en se critiquant plus qu'ils ne le font envers le PLQ très et trop provincial. Ils ne pensent pas que c'est le meilleur moyen de faire réélire M. Charest aux prochaines.
    En attendant, faudrait demander à M. Dumont s'il a aimé ça se faire fermer, à deux reprises, la porte fédérale sur ses doigts autonomistes. Ayoye !
    Est-ce que M. Dumont va opter pour l'asymétrie à la Charest ou la souveraineté-association ou partenariat ou la souveraineté pure ou une confédération qui comporte la souveraineté...aussi ?
    On va le regarder aller dans les prochaines semaines. Est-ce qu'il fera semblant que ça fait même pas mal pour ne pas perdre la face ? Qui vivra verra.