Par la bouche de Cannon

Chronique de Patrice Boileau

Ça y est; c’est parti! L’affrontement électoral fédéral frappera partout au Québec jusqu’au 14 octobre prochain, date où les urnes se rempliront de bulletins de vote, après avoir vu les partis vider furieusement leurs munitions pendant 36 jours. Car à n’en pas douter, se cache derrière les scrutins canadians une véritable guerre qui vise chaque fois à affaiblir davantage les souverainistes qui n’y croient plus.
Curieusement, c’est le lieutenant québécois du premier ministre sortant, Stephen Harper, qui a fourni vendredi dernier la preuve incontestable que les Québécois s’affaiblissent en demeurant au Canada. Le ministre conservateur des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, Lawrence Cannon, a dit qu’il ridiculiserait, durant les prochaines semaines, le maigre bilan de réalisations politiques du Bloc québécois aux Communes, lors de la dernière législature. Le pauvre vient de démontrer magistralement qu’un groupe minoritaire au sein d’un pays ne peut le diriger! Il a ainsi raté lamentablement sa cible bloquiste, et a plutôt atteint de plein fouet ses propres troupes.
Car en formant moins de 25% de la population canadienne, les Québécois ne peuvent espérer déterminer l’ordre du jour à Ottawa. Ils seront toujours tributaires, malgré eux, des décisions prises par le gouvernement fédéral, un peu comme les populations victimes de situations non-désirées, que l’on qualifie à l’occasion de « dommages collatéraux. » Le Bloc québécois ne fixe donc pas l’agenda du gouvernement canadian. Il n’y a là aucune surprise, encore moins de honte à ressentir, comme le voudrait Lawrence Cannon.
L’histoire a démontré clairement qu’une présence massive de Québécois au sein du gouvernement fédéral n’a pas plus d’influence puisque des mesures perfides ont été adoptées pour fragiliser le Québec sous leurs yeux. C’est plutôt afin de collaborer à leur ratification que nous les avons vu le joindre… Gilles Duceppe, chef du Boc québécois, a raison d’affirmer qu’il vaut mieux avoir des députés « debout dans l’opposition, plutôt qu’à genoux, à la table des décisions. »
« Le Québec prend des forces » avec les Conservateurs au pouvoir à Ottawa, d’après leur slogan électoral. Voyons voir! Ont-ils véritablement réglé le déséquilibre fiscal, tel que promis, durant la campagne électorale de 2006? Québec a-t-il retrouvé sa pleine marge de manœuvre fiscale, celle qui était en place en 1994, avant que les libéraux fédéraux n’imposent leurs compressions sauvages? Les transferts d’Ottawa ont-ils été rétablis et surtout indexés? À voir le gouvernement Charest gratter les fonds de tiroir et cacher à la population un déficit budgétaire récurrent, la réponse est inéluctablement non. L’administration conservatrice de Stephen Harper a plutôt remis dans les poches des contribuables l’argent qu’il a confisqué à Québec. Les multiples baisses d’impôt qu’elle a consenties, jumelées à la réduction de la TPS de deux points, ont diminué grandement les recettes du gouvernement fédéral. Tellement qu’il a même enregistré, pour la première fois en plus de 10 ans, un déficit après le trimestre hivernal! Certes, Ottawa a ensuite renoué avec les surplus, lors du dernier. Reste que l’astuce fiscale de Stephen Harper a précarisé la situation financière de l’État canadien. À l’aube d’une récession économique, le calcul partisan du chef conservateur pour berner les Québécois fut mal avisé. Et les premiers concernés ne sont guère mieux outillés pour affronter la tourmente qui se prépare! Non, le Québec ne prend pas des forces avec le PCC au pouvoir. Il en perdra autant avec les libéraux de Stéphane Dion et davantage avec le NPD, parti politique qui souhaite voir le gouvernement fédéral accroître son rôle au Canada.
Ce n’est qu’en formant une majorité autour de leur propre État-nation que les Québécois prendront des forces. Leur titre de nation que leur a conféré Stephen Harper sans pour autant l’affubler de quelques pouvoirs que ce soient, prendra alors tout son sens. Idem pour ce simili siège à l’UNESCO qui n’est que du vent. Seuls les peuples libres de la planète sont maîtres de leur destiné et pleinement présents aux différentes tables internationales et évènements mondiaux. Le Québec est donc absent de ces lieux plus souvent qu’autrement. Il s’exprime rarement en son nom. On l’a douloureusement vu encore une fois cette année, dans le cadre du 400e anniversaire de la Capitale nationale. Quelle gifle magistrale! Voilà tout ce que nous dit Lawrence Cannon, en déclarant publiquement que les Québécois ne peuvent s’enorgueillir d’un « gros bilan » à Ottawa.
Voter pour le Parti conservateur le 14 octobre prochain, c’est appuyer les valeurs d’un autre peuple qui heurtent de plein fouet les nôtres. Militariste et pour l’exploitation tous azimuts des énergies fossiles au détriment de la santé planétaire, le PCC rêve en plus de ramener les femmes à un rôle rétrograde. Minimaliste doit être le rôle de l’État à ses yeux, comme le prouvent les nombreux allègements fiscaux alloués. Il n’a que faire de la différence québécoise qu’il considère tout au plus comme une curiosité folklorique.
Il peut être lassant de soutenir le Bloc québécois. Agaçant de sentir une forme d’obligation de le faire faute d’alternative souverainiste à Ottawa. Certaines formules langagières du chef se sont usées à la longue. L’observer courtiser des fédéralistes contrarie. S’il en est ainsi, c’est que le combat au Québec s’étire lui-même parce qu’une portion importante de la population baisse curieusement les bras devant l’occupant. On ne peut pourtant abdiquer devant ses responsabilités historiques et les laisser entre les mains d’étrangers. L’unique façon pour l’instant de poursuivre la lutte est d’empêcher la formation d’un gouvernement fédéral majoritaire, afin de gêner les activités de l’État canadian, lui qui ne s’est jamais privé de nuire au nôtre.
Patrice Boileau




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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    11 septembre 2008

    «L’unique façon pour l’instant de poursuivre la lutte est d’empêcher la formation d’un gouvernement fédéral majoritaire, afin de gêner les activités de l’État canadian, lui qui ne s’est jamais privé de nuire au nôtre.» C'est l'évidence mais on a l'impression que plusieurs ne le comprennent pas.
    Quoique, j'ai écouté la ligne ouverte de monsieur Maisonneuve hier qui posait directement la question de la pertinence du Bloc, et j'ai été surpris de constater que la quasi totalité des intervenants ont mis en lumière cette nécessité d'avoir un Bloc fort à Ottawa, justement parce que c'est le seul moyen d'influencer la direction des affaires dans le sens des intérêts du Québec.
    Aucun député membre d'un parti fédéraliste à Ottawa ne pourra jamais prioriser les intérêts du Québec dans ses interventions voire dans ses décisions. Les exemples sont éloquents quant on voit les orientations de... chose du Lac St-Jean (comment il s'appelle déjà ??) et surtout l'insignifiante Verner alias courant d'air.
    J'espère que Gilles Duceppe répondra du tac au tac à ce raisonnement débile craché par Cannon et repris en choeur par la bande à Gesca.
    Je dirais même que de plus en plus sa pertinence devient évidente à qui prend conscience que jamais les intérêts du Québec ne seront mieux pris en compte que par la présence de députés voués à ses intérêts dans un parlement dont c'est le moindre de ses soucis.