Entre s’angliciser et “tourner le dos à l’anglais”...

Tribune libre 2011



Entre s’angliciser et “tourner le dos à l’anglais”, il a d’importantes nuances qu’il convient de retenir.

S’angliciser, c’est s’en remettre à une autre culture pour penser sa vie et ses problèmes. Un de mes anciens collègues, qui voulait discuter de la mort, parla d’un “after life”, comme s’il n’y avait pas en français d’expressions suffisantes pour discuter du sujet avec pertinence. Cette tendance a s’en remettre à l’autre culture était présente tout le long de mes 28 années de service dans les “Canadian Armed Forces”, comme si la langue française ne disposait pas d’un vocabulaire très élaboré en matière de conflits, de guerres, de stratégie générale, de tactique, de logistique et tout ce qu’il faut pour s’adapter aux exigences des temps actuels.

La propagande transmise par une demi culture de bas étage crée l’impression qu’il n’existe aucune autre langue que l’anglais pour appréhender, articuler, raisonner et exprimer tous les aspects de la vie passée, actuelle et à venir, alors qu’en réalité, l’anglais est une langue peu précise, ambigüe et ambivalente, intellectuellement peu exigeante et satisfaisante.

A l’origine, l’anglais est né de l’ancien plattdeutsch, le bas allemand des Saxons qui occupèrent l’Allemagne du nord et l’Angleterre aux débuts du dernier millénaire. C’était la langue de commerce des Ligues Hanséatiques, prédécesseurs du capitalisme actuel. Avec la domination normande qui débuta en 1066, le Normand moyen, qui est notre français à nous, a pénétré l’Angleterre. Peu à peu, le latin et notre langue se sont imposés dans l’administration et les cours de justice. Les Anglais s’en rappellent et comme ils nous rappellent, à tort, la bataille des plaines d’Abraham, nous pouvons avec raison leur rappeler la bataille de Hastings gagnée par notre monde en 1066 et ses conséquences sur la vie anglaise.

Finalement, après le départ des Normands, une langue anglaise consensuelle a fait son chemin en Angleterre. C’est ce qu’on appelle English Usage, une langue développée par voie de consensus. Dépourvue de grammaire et de syntaxe qui imposent la précision, la langue anglaise s’est enrichie par la multiplication des mots empruntés aux autres langues, particulièrement aux États Unis. Il n’existe aucune académie anglaise pour protéger la langue contre l’imprécision et l’ambigüité. En matière d’expression orale et écrite, chaque interlocuteur fait ce qu’il veut ou ce qu’il peut et advienne que pourra, exception faite des professions et métiers spécialisés, qui doivent développer leur expertise a partir d’un langage technique approprié.

L’imprécision et l’ambigüité de l’anglais, je les ai bien connues pendant les années passées dans l’administration de l’armée, alors qu’il me fallait chaque jour régler un tas de problèmes tout aussi compliqués les uns que les autres. Comme j’avais appris initialement l’anglais dans des écoles et une université de langue française, toujours à la recherche d’une règle non écrite, j’ai pu corriger nombre de textes de langue anglaise et leur donner davantage de précision, ce que je n’aurais pu faire si j’avais été instruit exclusivement en anglais.

Toute autre est la langue française. Fondée par Richelieu, l’Académie française a pour objet d’en assurer la précision et la pertinence en toutes circonstances. La différence: il faut beaucoup d’école pour réellement apprendre le Français en profondeur et savoir en exploiter toute la richesse. Chez une majorité de gens, un minimum de 18 années de scolarisation est nécessaire pour maitriser la langue française dont la précision est toujours appréciée en diplomatie. Comme instrument de communication interpersonnelle, le Français demeure inégalé, lorsque je le compare avec les trois autres langues que j’ai apprises: l’anglais, le latin et l’allemand.

Le bilinguisme imposé selon le modèle de Jean Chrétien, Gérard Bouchard et Cie, se traduit en pratique par le baragouinage de deux langues secondes. Ne connaissant ni l’une ni l’autre à la perfection, les interlocuteurs bafouillent de l’une à l’autre. Passe lorsqu’il s’agit de vendre des hot dogs et des hamburgers mais ce genre de communication demeure extrêmement limitée. Et pourquoi aborder le client avec ce “Bonjour, HI, can I help you, est-ce que je peux vous aider”, alors qu’un simple bonjour fait l’affaire?

Apprendre le français à fond et savoir à quoi s’en tenir en apprenant l’anglais n’est pas la même chose que devenir bilingue sans réellement en connaître une seule. Et s’il faut apprendre l’anglais, alors pourquoi ne pas le faire aux États Unis, où nous sommes toujours plus à l’aise qu’au Canada anglais. Les Américains savent au moins qui ils sont. Ils ont perdu leurs préjugés et leurs illusions et leurs élites parlent souvent parfaitement le Français, reconnu de nouveau comme langue diplomatique.

Sortons de la horde des demi-instruits qui veulent nous dégrader à leur niveau.

JRMS





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René Marcel Sauvé217 articles

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J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    7 mars 2011

    == Si tous les Québecoiss apprennent tous une seule et même deuxième langue comme le propose nos élites endoctrinés ce serait une véritable fermeture au monde pour la Nation Québecoise et une réelle destruction de notrre langue nationale le français
    == Durant ce temps toutes les nations et tous les pays dont le Canada imposent l'unilinguisme dans tous les emplois sur leurs territoires et l'apprentissage d'une langue seconde au choix pour usage externe et non pas pour avoir droit de travailler donc de vivre vraiment, en permettant ainsi la cohérence sociale pour tous et le developpement de leur langue nationale .
    == La question de la langue au Québec s'avère être une réelle menace de disparition dans l'anglicisation si nos élites ne se réveillent pas à temps pour enfin franciser tous les emplois au Québec . Car l'emploi est l'unique moteur nous obligeant à l'anglicisation
    == Le Québec doit donc devenir unilingue français et ceux qui veulent apprendre les langues du monde pour usage hors Québec doivent se payer des cours car ce n'est pas à notre gouvernement de fournir des services en d'autres langues que le français et de collaborer à détruire notre langue et à nous crétiniser
    Tétraèdre

  • Tremblay Sylvain Répondre

    2 mars 2011

    L'anglais est effectivement une langue technique avancée, mais qui n'a rien de scientifique, puisqu'elle s'accapare de tout temps de ce qui ne lui apparitient pas, provenant des découvertes d'autres peuples en d'autres langues, notamment des Français en langue françise. C'est la richesse et la notoriété des universités britanniques et américaines qui a fait croire, avec le temps, en la supériorité scientifique et technique de la langue anglaise, exclusivment; c'est un leurre et c'est une très grosse erreur de suivre leur système d'accréditation, essentiellement fondée sur la domination mondiale de la langue anglaise, ce qui est une fonction politique, pas du tout scientifique ni éducative, entraînant avec elle une détérioration généralisée de la précision scientifique et de la diversité autrement plus riche de la découverte, en langues propres.
    Personnellement, j'ai étudié un métier et une profession technique, essentiellement en français, et je n'ai jamais eu besoin de l'anglais pour préciser davantage ce que je pouvais apprendre dans ma langue, et les professeurs ne nous y encouragaient pas non plus, au contraire, ils nous incitaient toujours à utiliser les mots et termes en français, même, et surtout, lorsque l'usage du milieu tendait à utiliser l'anglais par facilité ou ignorance.
    J'ai eu aussi à étudier les mathématiques d'un niveau très supérieur, par moi-même, par intérêt personnel, et c'est toujours dans les livres en français que j'ai trouvé la plus grande précision et la meilleure qualité d'explication. Les livres en anglais, par contre, je n'y référais que comme appoint, comparaison ou opportunisme, en ayant plus car ils coûtaient moins cher, un résultat du déversage de la culture anglophone dans notre pays. Mais à chaque fois j'étais déçu, car imprécis et souvent la traduction d'autres langues, notamment du français. Aussi, j'ai très souvent remarqué que les livres mathématiques en anglais étaient un ramassis de concepts et formules totalement incomprises par leurs auteurs, de sorte que leurs explications, quand il y en avait et c'était très rare, n'avaient ni queue ni tête et m'induisaient la plupart du temps dans l'erreur; je devais alors reconsulter mes livres en français pour apprendre les vraies affaires. ou faire mes calculs et théorisations moi-même, à la limite, lorsqu'aucun livre ne me donnait d'explication rationnelle.
    Voilà pour l'aspect supposément technique et scientifique de la langue anglaise: ça ne vaut pas du tout la langue française, où nous avons déjà tout ce qu'il nous faut. C'est une très grosse erreur, aussi, de promouvoir et subventionner les écrits scientifiques et techniques en langue anglaise, de même que les congrès et la recherche et développement. Par là, nous subventionnons aussi, directement et indirectement, l'édition scientifique et technique en langue anglaise. Nous incitons aussi, par là, nos techniciens et scientifiques à publier en anglais, donnant ainsi aux anglophones toute notre science et notre savoir. Comment promulguer un État francophone au Québec, ainsi? C'est immpossible. Les universités vont suivre, commencer à enseigner en anglais, ce qui est déjà fait, et les politiciens pro-anglophonie vont commencer à prôner la bilinguisation de l'école francophone, ce qui est déjà fait aussi.
    Effectivement, la langue anglaise est une langue inférieure, imprécise, et laide, en plus. Nous nous rabaissons effectivement à la subventionner hors proportion, à vouloir l'enseigner bilinguistiquement. La prochaine étape sera la bilinguisation de notre Assemblée nationale, comme ça s'est déjà faite avant, un retour à l'arrière, donc, et éventuellement la disparition du français du Québec!
    Là on va avoir de l'air fin! Well caume inn Couébeck, we hall spike anglische, nô prau-blême.
    Merci à madame Morot-Sir de m'avoir rappelé le mot malle, que j'avais perdu en m'éloignant du Saguenay et en vieillissant. Effectivenment, ça désigne bien le courrier, celui qu'on reçoit à notre porte, ainsi que le bureau de poste, par extension. Avec l'avènement de l'internet, j'avais bien de la difficulté à trouver un équivalent à l'email anglais, que les français traduisent par méle, ou quelque chose du genre, ce qui est très laid, et les québecois par courriel, ce qui est un peu long et peu approprié. La malle, l'emalle, voilà ce que je vais utiliser. C'est très beau et très français. Ce sont les anglais, donc, qui avaient copié sur nous, mail venant de malle. Merci pour la précision. Une malle désigne aussi une valise, ce qui n'est pas le cas en anglais, qui n'ont pas pu sivre bien loin les subtilités de notre langue. Mail n'est pas une valise en anglais.
    Il y a aussi le mot book, qui provient de bouquin; les francophones sont rendus à dire book au lieu de livre, se pensant très évolués, mais ignorant totalement, oubliant ou relevant le nez, que ça vient de bouquin, bien français et beaucoup plus beau. Aussi, bookstore au lieu de librairie, et confondant, par extension, ls bibliothèque avec cette dernière, en utilisant library d'une manière inappropriée, car ce n'est pas une librairie.
    À s'agenouiller devant l'anglais, on devient tellement ridicules, on se rapbaisse vraiment. C'en est devenu une dégradation déplorable de notre langue et de notre culture. Relevons-nous, ça presse! N'ayons aucune admiration pour les élites qui nous livrent pieds et poings liés à l'anglophonie. Ils nous détruisent!

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    2 mars 2011

    Cher Monsieur Sauvé, merci de votre très intéressant exposé sur la richesse de notre belle langue française, qu'il serait en effet bien regrettable d'abandonner, pour acquérir comme vous nous le dites, une autre langue "peu précise, ambigüe et ambivalente, intellectuellement peu exigeante et satisfaisante" et se mettre ainsi à leur niveau !
    Après cette bataille de Hastings du 14 octobre 1066 qui vit la victoire éclatante de Guillaume de Normandie, et le décès de Harold, Guillaume monta sur le trône d'Angleterre, et c'est ainsi que la langue française devint durant plus de trois siècles celle de l'Angleterre.

    Par la suite, lorsqu'en 1361 Edouard III vit qu'il ne pourrait jamais obtenir le trône de France, il décida par dépit, que la langue anglaise serait désormais leur langue officielle, mais cette langue s'est démarquée des langues germaniques dont elle était issue, par cet ajout important et massif de mots français qu'ils utilisaient depuis ces trois siècles, non seulement dans le langage courant mais aussi pour les sciences, la justice, et toute l'administration en général ..
    Nous retrouvons avec une grande facilité et quelque amusement, l'origine française de nombreux mots anglais, tel par exemple le mot "foreign" signifiant étranger qui vient du mot français "forain" désignant au Moyen âge des personnes étrangères. De même le mot "mail" vient de "malle", cette ancienne malle poste qui transportait le courrier.. . Si nous ne retrouvons pas toujours l'origine française de certains mots c'est parce qu'ils ont été prononcés avec l'accent anglo saxon puis écrit phonétiquement, ils n'ont donc plus la même orthographe..

    Enfin la défaite écrasante des Anglais, le 17 juillet 1453 à Castillon, en Aquitaine près de Bordeaux, les obligea à s'incliner devant Charles VII le roi de France, mais dépités, la Manche les vit aussitôt repasser pour la dernière fois.
    Au cours des siècles suivants, la langue anglaise s'est enrichie de mots d'autres pays, principalement ceux des pays que les Anglais colonisèrent.. Mais enrichie de nouveaux mots, n'a pas signifié qu'elle est devenue plus concise et intellectuellement plus riche, elle en est restée à son niveau..

    Nous pouvons apprendre cette langue avec d'autant plus de facilité qu'elle ne recèle aucune grammaire compliquée, bien évidemment cela s'avère nettement plus difficile et c'est un plus long apprentissage pour les anglo saxons lorsqu'ils veulent apprendre le Français .. N'y a -t-il donc pas là une raison pour qu'ils la dénigrent autant et la rabaissent comme ils le font?..