Enquête Bastarache - Déjà limitée

L'affaire Bellemare - la crise politique



L'enquête que présidera l'ex-juge Michel Bastarache ne sera pas la première étape qui mènerait enfin à un regard plus large sur le lien entre le financement des partis politiques et certaines pratiques douteuses. Elle a d'abord pour but de river le clou à Marc Bellemare puisque les poursuites ne suffisent pas à la tâche. Le gouvernement Charest n'a pourtant que ses pratiques à blâmer pour expliquer le bourbier dans lequel il est plongé.
Il faut bien le dire: le premier ministre Jean Charest ne manque ni d'audace, ni de sang-froid. Pour présider «sa» commission d'enquête (le possessif s'impose puisqu'il était le seul à la réclamer), il a trouvé un juge prestigieux, qui a accepté sans discuter le mandat imposé et la très courte échéance de six mois qui l'accompagne.
Bravo! Si tous les problèmes au Québec, tous les soupçons, tous les scandales étaient réglés avec une telle célérité, ce serait le paradis! Mais comme tous les scandales ne chatouillent pas l'honneur du premier ministre, l'opposition, les commentateurs, les citoyens doivent se contenter de se buter à son indifférence concernant le discrédit dans lequel la gestion de la chose publique est en train de sombrer. Il faut donc se contenter du petit bout d'enquête que livrera l'ancien juge Michel Bastarache. L'homme, on s'en doute, sera appliqué, rigoureux. Mais il n'a pas l'intention d'élargir le mandat qui lui a été confié.
On se concentrera donc exclusivement sur les nominations de juges. Que dira alors M. Bastarache de ce fils d'organisateur libéral que papa, après en avoir parlé à un ministre, était bien content de voir accéder à la magistrature? Qu'après étude du rapport du comité de sélection (puisque l'enquête y aura accès, a promis M. Charest), l'avocat en question avait les compétences requises? On n'en doute même pas!
M. Bastarache le comprendra d'autant mieux que sa nomination à la Cour suprême avait elle aussi été qualifiée de partisane en raison de ses liens professionnels et partisans avec le premier ministre Jean Chrétien. Et pourtant, il a fait un excellent juge, n'est-ce pas?
Au Québec, le gouvernement péquiste avait trouvé une façon de limiter l'intervention partisane, comme l'explique notre collègue Robert Dutrisac ce matin. C'est le gouvernement Charest qui a changé la façon de procéder: amener une liste au Conseil des ministres, en débattre, ouvre forcément la porte à la politisation des nominations, davantage que de se pencher strictement sur le nom choisi par le ministre de la Justice. Faut-il vraiment qu'un juge, fut-il de la Cour suprême, le démontre pour qu'on rectifie le tir?
Mais aux yeux du gouvernement, l'enquête Bastarache doit avoir lieu: pour gagner du temps, détourner l'attention, occuper les médias pour qu'ils aient moins de temps à consacrer aux contrats, à la construction, aux garderies ou à l'échange d'argent dans de grosses enveloppes.
Parallèlement, le premier ministre ne renonce pas à poursuivre son ancien ministre de la Justice, qui n'a même pas peur. On ne fait pas taire un Marc Bellemare aussi facilement que lorsqu'on s'en prend à des journalistes qui s'intéressent à vos revenus...
Avec deux hommes aussi entêtés, le bras de fer sera long. L'intérêt public impose pourtant de laisser M. Bellemare aller au bout de ses démonstrations. Il joue gros: s'il se trompe, il sera discrédité devant tout le Québec. Mais comme ses allégations touchent au fonctionnement de l'État, l'homme Jean Charest doit s'effacer devant sa fonction de premier ministre. À ses collègues de le rappeler à l'ordre.


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