(Québec) Il n'y a qu'un objectif derrière la décision gouvernementale de créer une commission d'enquête sur la nomination des juges et ce n'est pas la réputation de la magistrature. C'est de démontrer que Marc Bellemare a tort.
En traînant son ancien ministre de la Justice devant cette commission d'enquête, Jean Charest lui accorde l'immunité qu'il exigeait, mais il limite la recherche à un domaine où le gouvernement n'a probablement rien à cacher. Le système de nomination des juges a fait l'objet de tellement d'études, de mémoires et de discussions au fil des ans qu'on voit mal ce qu'une commission d'enquête pourrait y trouver de nouveau.
Une décision politique, les nominations de juges? Bien sûr! C'est le gouvernement qui fait le choix final parmi les candidats qui ont franchi l'étape des comités de sélection chargés de déterminer leur compétence. Le gouvernement, c'est le parti au pouvoir, et le parti au pouvoir a des amis, des alliés et des collaborateurs. C'est comme ça que ça marche en politique, ici et ailleurs.
Pauline Marois a qualifié de manoeuvre de diversion la décision de Jean Charest de déclencher une telle commission d'enquête. Elle a raison. Le seul domaine où le gouvernement est vulnérable, c'est celui du rôle de l'industrie de la construction dans le financement du PLQ. Dénoncé par son ancien ministre de la Justice, Jean Charest se livre donc à une véritable partie d'échecs pour le coincer dans un domaine où il n'a rien à cacher, et saper sa crédibilité en le forçant à admettre qu'il n'a pas de preuves pour appuyer ses dires. Si le débat devant la commission d'enquête se résume à déterminer qui dit vrai entre Jean Charest et Marc Bellemare, le commissaire sera incapable de tirer une conclusion.
Bellemare n'est pas démuni. Sa dernière sortie publique avait été planifiée avec trois médias. Il a peut-être pris des notes très serrées de ses discussions avec Jean Charest. Il a peut-être enregistré des conversations avec les gens qui ont fait pression sur lui. S'il n'a rien de tel pour appuyer ses propos, il s'est mis le doigt dans un engrenage dangereux. D'ailleurs, Jean Charest était bien heureux mardi de citer son ancien ministre qui soutenait, dans une entrevue à La Presse Canadienne en 2004, que «l'appartenance politique n'entre absolument pas en ligne de compte» dans le choix des juges.
Réputation sans tache
On devrait savoir aujourd'hui à qui le gouvernement confiera la présidence de cette commission d'enquête. Compte tenu du déficit de crédibilité du gouvernement, les libéraux devront trouver un commissaire enquêteur dont la réputation est sans tache. Pauline Marois estime qu'on ne peut pas confier ce mandat à un juge, mais elle demande que le choix de la personne ainsi que son mandat soient confiés notamment à John Gomery, un ancien juge... C'est un peu surprenant comme raisonnement, mais on n'en est pas à une contradiction près dans ce débat partisan.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas entre le gouvernement et l'opposition officielle que se joue ce bras de fer, mais entre Jean Charest et Marc Bellemare. C'est un bras de fer qui va coûter cher. Une commission d'enquête, même aussi ciblée que celle-là, implique des locaux, des avocats, des recherchistes, etc.
Tout ça pour une querelle politique riche en émotions et en débats partisans? En cette période d'austérité budgétaire où les besoins sont énormes et les ressources, tellement rarissimes, on a l'impression d'assister à un cirque de mauvais goût.
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