Affaire Bellemare - Enquête bidon

Il faudrait, il faut, une enquête globale qui aurait pour coeur le financement des partis et les convoitises qui en découlent dans des secteurs qui, on le sait maintenant, dépassent celui de la construction.

L'affaire Bellemare - la crise politique


Il n'y a que le premier ministre qui réussisse à rester serein dans le climat délétère qui règne présentement au Québec. Partout où les citoyens peuvent s'exprimer, la colère est le maître mot, attisée lundi par les déclarations de Marc Bellemare, nourrie de plus belle hier avec l'esquive choisie par Jean Charest pour se tirer de ce nouveau mauvais pas. Qui donc croit-il leurrer?
Le gouvernement a choisi son camp: il y aura opération pour discréditer Marc Bellemare. L'argument a été résumé par le ministre des Finances Raymond Bachand: «Moi, je ne signerais pas une nomination avec laquelle je ne suis pas d'accord.» La méthode: une commission d'enquête portant strictement sur la nomination des juges. Le gouvernement en restreindra-t-il le mandat au moment exact où M. Bellemare a été ministre de la Justice? Il est possible qu'il pousse le cynisme jusque-là. Tant qu'à faire diversion, pourquoi se priver?
Le Québec entier a très bien compris la manoeuvre: le gouvernement s'empresse de s'en prendre à un homme plutôt que de s'attaquer au système à la source des scandales. Quand le gouvernement Charest assure que les opérations de police et les enquêtes du Directeur général des élections suffisent à la tâche, il ne convainc personne. Cela n'empêche aucunement, par exemple, un collecteur de fonds du Parti libéral de se vanter de participer à des nominations aux plus hauts échelons de l'appareil public!
Cette allégation, aussi troublante que celles de M. Bellemare, a pourtant été balayée du revers de la main par le premier ministre. On aura compris que l'empressement d'agir ne vaut pas quand les amis du parti sont en cause.
C'est pourtant le premier ministre lui-même qui a commencé son point de presse hier matin en distinguant le Parti libéral du Québec et le gouvernement. Celui-ci, a-t-il indiqué, émane du PLQ, mais il n'en est pas l'instrument. Qu'il le prouve! Il y a trop de cas documentés, recensés tant par les médias que par l'opposition, pour ne pas être troublés par tous les jeux d'influence qui semblent avoir cours.
Tout va très bien au Royaume du Québec, et les anomalies, quand il y en a, «sont corrigées sur-le-champ», répétait hier M. Charest. Le «ça n'a pas de bon sens» lancé par le chef adéquiste, Gérard Deltell, qui n'est pas le politicien le plus habile mais qu'on peut compter parmi les plus sincères, fait bien davantage écho au sentiment populaire. Qu'un premier ministre menace de poursuivre un ancien ministre de la Justice, il y a de quoi ébranler la confiance que les Québécois portent dans leurs institutions. Mais M. Deltell a été moqué par M. Charest, toujours très habile au jeu de la répartie à la période de questions.
Ce qui est en cause n'est pourtant pas du jeu: c'est la démocratie qui est mise à mal. Qui faut-il payer, combien faut-il payer pour avoir accès à des permis, mettre la main sur des contrats, participer à des nominations, être nommé soi-même? La question éclate sur plusieurs fronts: au municipal comme au provincial, et les règles, qu'elles se nomment appel d'offres ou limite de dons, semblent allègrement contournées.
Il faudrait, il faut, une enquête globale qui aurait pour coeur le financement des partis et les convoitises qui en découlent dans des secteurs qui, on le sait maintenant, dépassent celui de la construction. Le gouvernement Charest ne s'y résout toujours pas, d'autant qu'il a déjà sur la table, avec le projet de loi 78, une proposition de réforme du financement. Mais le cynisme qui monte au rythme, incessant, des révélations ne finira-t-il pas par ébranler quelques ministres, à défaut d'érafler l'armure de leur patron?
***
jboileau@ledevoir.com


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->