Francisation - Courte vue

Anglicisation du Québec



On se doutait bien que le soi-disant courageux budget Bachand aurait d'autres répercussions que les seuls frais en santé qui ont jusqu'ici monopolisé les débats. Peu à peu, le reste se dévoile. Ainsi, en raison des compressions budgétaires, Québec abolira des classes de francisation. Comment dit-on incohérence, illogisme et courte vue en langue comptable?
C'est un beau gros cinq millions de dollars que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles épargnera en coupant, dès mai prochain, 31 classes de français à temps complet destinées aux immigrants.
La ministre Yolande James se défend en faisant plutôt valoir que 66 millions sont affectés à la francisation cette année, contre 62 millions l'an dernier. En vérité, ce montant avait finalement été renfloué pour atteindre 72 millions, une nécessité pour à la fois éliminer les listes d'attente — ce qui a été fait — et faire face à une demande accrue. Le Québec ne peut pas continuellement augmenter ses cibles d'immigration (en 2010, on vise 55 000 immigrants, soit 3000 de plus que l'an dernier) et réduire les ressources pour les intégrer. C'est avec l'avenir de la nation québécoise qu'on joue ici!
Le rapport Bouchard-Taylor s'était étonné «que depuis dix ans, on assiste à une baisse des dépenses allouées par personne immigrée, alors que les besoins augmentent». Il soulignait également l'accès difficile aux cours de français et l'insuffisance des programmes d'accueil et d'intégration. Deux ans plus tard, le même constat s'impose.
Quant à l'intégration... Les cours en ligne combleront les besoins, explique le ministère, puisque les classes fermées s'adressaient à des élèves de niveau avancé. L'erreur ici, c'est de croire qu'apprendre le français au Québec n'est qu'un acte pédagogique, alors qu'il découle d'une volonté collective de vivre en français en Amérique du Nord. Passer une journée à temps complet, dans une classe, face à un professeur, pendant des semaines, permet au nouvel arrivant de le comprendre bien davantage qu'isolé devant son ordinateur à peaufiner le français qui lui permettra de mieux fonctionner.
D'autant que le français utilitaire constitue une menace pour le Québec. Ce français que l'on entend dans bien des commerces montréalais, à commencer dans le centre-ville: on s'adresse au client en anglais, on passe au français quand ce dernier se révèle francophone, puis on cause en anglais entre employés. Le niveau de français a beau être bon, voire excellent, il n'est que la langue utilisée parce qu'il le faut bien...
Et c'est dans ce Montréal que l'immigration se concentre. C'est pourquoi il est impératif que l'immigrant soit en contact réel le plus longtemps possible avec un professeur pour bien mesurer qu'il est dans une société française. Car il risque de moins en moins d'en prendre conscience au contact de son voisin ou en faisant ses courses...
Les libéraux refusent de voir ce problème. La ministre responsable de la Charte de la langue française, Christine St-Pierre, a qualifié d'alarmiste l'imposante étude Le grand Montréal s'anglicise préparée pour le député Pierre Curzi. Les données de l'étude sont si étayées qu'elles devraient pourtant transcender les clivages politiques et nourrir l'action des gouvernements, peu importe leur couleur.
Et l'action, c'est notamment régler sans plus tergiverser le cas des écoles-passerelles, comme le soulignait la manifestation d'hier, et laisser tomber les économies de cinq millions qui nuisent au Québec de demain.


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