Budget du Québec - Pour quoi ?

Budget Québec 2010 - suites



Il est outrancier de parler de révolution culturelle, comme l'a fait le ministre des Finances, Raymond Bachand, dans son discours du budget, quand il n'est question que d'approche comptable. La culture, c'est imaginer demain. Et depuis mardi, demain ressemble furieusement à hier.
Et que je hausse, et que je gèle, et que j'abolisse, et que j'invente de nouveaux frais: il était uniquement question d'argent dans le budget Bachand, avec en plus l'illusion que l'équilibre budgétaire perdu reviendra dans trois ans.
Il n'y a évidemment que le gouvernement et ses économistes amis pour y croire. Car pour qu'un sacrifice soit acceptable pour des citoyens, il doit se justifier par une ambition de mieux-être collectif, une vision de la société qui soit plus que la somme d'individus payeurs de taxes. Or équilibrer les comptes n'est un projet que pour les comptables. Pour les autres, c'est strictement un moyen. Pour arriver où? On cherche encore.
Par exemple, qu'obtiendront les citoyens en échange de l'important, et inéquitable, effort qui leur est demandé en santé? Des comptes-rendus annuels qui indiqueront où aura été leur argent! Mais nous continuerons de chercher les médecins de famille, d'attendre des mois pour voir un spécialiste et de remplir les urgences au risque d'y mourir oublié. Car pas un ticket modérateur ne changera le fait que la réorganisation du système de santé se bute aux lobbys corporatistes. Nous accepterons de payer quand cette révolution culturelle là sera faite.
L'écologie pourrait être un projet qui justifie des sacrifices. Mais les quelques mesures environnementales du budget Bachand sont si timides (seulement 2 millions tirés des redevances sur l'eau), si redondantes (combien de fois déjà, qu'on nous promet l'auto électrique?), si loin des gens (quel Québécois, une fois sorti des grandes villes, peut se passer d'une voiture?) qu'elles ne feront rêver personne au Québec de 2020.
Il faut souligner l'effort pour le transport en commun à Montréal? Certes. Mais le citoyen sait aussi que ce n'est pas l'argent qui va démêler le cafouillis du contrat de renouvellement des voitures de métro! La révolution culturelle, c'est aussi de savoir faire des appels d'offres...
... À moins que le projet du Québec de demain, ce soit de convaincre les 55 ans et plus de rester en emploi? Une Commission nationale sur la participation au marché du travail, dûment financée, sera ainsi créée — non sans d'abord abolir le Conseil des aînés: où est la logique? — pour réfléchir à la question et proposer des «changements à apporter aux politiques actuelles et éventuellement aux institutions».
Question: est-ce que cela s'adresse au gouvernement lui-même, cet important employeur incapable de s'assurer que les infirmières travaillent dans des conditions qui leur donnent envie de rester au travail? Ou qui, à même le budget, garantit un surcroît de tâches aux agents de l'État en promettant, et il s'en vante!, de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux...
Non, bien sûr. Parce que pour la fonction publique, il ne s'agit pas d'attirer les meilleurs, qu'ils soient jeunes ou vieux, ni de les inciter à rester. Il faut plutôt suffisamment les enquiquiner pour qu'ils aillent rejoindre le privé, puis qu'ils reviennent à gros prix comme sous-traitants d'un État dégarni qui aura, révolution culturelle ou pas, toujours des services à rendre. Le risque est alors grand que le sous-traitant, pour avoir sa part du gâteau, comprenne qu'il vaut mieux financer les bons élus.
Mais ceci, ce n'est pas une révolution: c'est un recul jusqu'à l'époque d'avant notre État moderne. Celui que les libéraux sont à démanteler alors que le Québec vert et plus solidaire est encore à faire.
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jboileau@ledevoir.com


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