Daniel Breton, groupe Maîtres chez nous-21e siècle,
Jean-Marc Pelletier, ancien président du syndicat professionnel des scientifiques de l’IREQ
Paul Piché, Fondation Rivières
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Dans le cadre du débat qui fait rage ces jours-ci sur la propriété des ressources énergétiques et suite à [la déclaration que nous avons rendue publique le 3 mars dernier->35750], la ministre des Ressources Naturelles et de la Faune a écrit un texte intitulé: [« Nous sommes maîtres chez nous »->36186]. Ce texte révèle l'étendue de son ignorance du dossier énergétique et de ce que signifie vraiment « être maîtres chez nous. »
Petites centrales hydroélectriques
Contrairement aux affirmations de la ministre, ce sont bel et bien les libéraux qui ont mis sur pied le premier programme de petites centrales et autres projets destinés au privé en 1991. C'est ainsi que plus de 53 contrats privés ont été signés, souvent avec des conséquences environnementales, sociales et économiques négatives tel que décrits dans le rapport de la commission publique d'enquête Doyon publié en 1997. Fait à noter, plusieurs de ces centrales appartiennent aujourd'hui à des intérêts étrangers.
Un autre programme a effectivement été lancé sous l’égide de M. Lucien Bouchard, devant mener à la construction de 36 centrales sur 24 rivières. Ce programme a été annulé par M. Bernard Landry le 26 novembre 2002 lors de l'annonce de la Politique nationale de l'eau, sous la pression d’un vaste mouvement, dont est issue la Fondation Rivières.
Le programme libéral actuel prévoit une autre vague de 13 projets totalisant 150 mégawatts, dont la majorité de la puissance sera produite par la firme AXOR. Rappelons qu'au même moment, cette même firme plaidait coupable auprès du DGEQ d'avoir utilisé des prête-noms pour faire des dons politiques illégaux. AXOR a mis la main sur les rivières Franklin, Sheldrake et Sainte-Anne-Du-Nord. D'autres projets iront à des municipalités qui constitueront des sociétés en commandite à l'abri de la Loi sur l'accès à l'information et autres modes de gestion publique.
Développement éolien
Alors que les chercheurs de l'IREQ travaillaient d'arrache pied au développement par Hydro-Québec de la filière éolienne, MM. André Caillé et Thierry Vandal ont fait en sorte que cela soit développé par le privé après avoir rejeté cette filière pendant la bataille du Suroît.
Pire, après que Thierry Vandal et Jean Charest aient refusé l'offre de partenariat Siemens-Hydro-Québec qui aurait été bien plus créateur d'emplois, d'expertise et de richesse que des projets tels que le Suroît, Bécancour, Rabaska et Cacouna réunis, M. Vandal a justifié son refus de développer la filière éolienne par le manque d'expertise d'H-Q.
Il est plutôt ironique d’entendre le président de la société d’État issu de la nationalisation de l’électricité utiliser le principal argument invoqué par les opposants à la nationalisation en 1962!!!
Or, Électricité de France (EDF) a obtenu près de 50% du second appel d'offre de 2000 Mégawatts alors qu'elle n'a aucune expertise. Et que dire du fait que M. Vandal, ancien V-P de Gaz Métro, octroie un contrat à Gaz Métro qui à zéro expertise dans l’éolien !
Hydrocarbures
Si on suit le plan de match du gouvernement actuel, notre statut d'importateur sera modifié comme l'affirmait Mme. Normandeau, mais il ne sera pas celui d'un Québec qui est maîtres chez lui, mais plutôt pour celui d'une colonie de gaz et de pétrole, comme avant 1962 pour l'électricité.
Lorsqu'on donne en catimini le contrôle du développement de nos richesses à une majorité d'entreprises étrangères pour des « pinottes », c’est bien ce qu’on appelle brader nos ressources. Ceci nous ramène au scandale du gaz naturel de 1958 sous Duplessis.
On a bel et bien perdu des milliards
M. Bouchard, qui appuie la dépossession par ce gouvernement de nos ressources sans notre consentement (ce contre quoi MM. Lévesque et Lesage se sont battus) affirme que les droits d'exploration ont été cédés à 10 cents l'hectare parce qu'ils ne valaient rien.
FAUX.
L’émission Découvertes du 11 janvier 2004 prouve qu'Hydro-Québec avait vu la valeur des territoires et voulait les exploiter avant que le gouvernement force Hydro-Québec à démanteler sa division gaz et pétrole.
C’est plutôt parce qu'en vertu de notre loi des mines, les droits d’exploration de TOUTES les ressources minérales se vendent 10 cents l’hectare !!!
Avons-nous reçu beaucoup plus pour les droits d’exploration miniers en Abitibi? Non. Les minières ont payé aussi peu que les gazières… De plus, ce gouvernement a donné aux entreprises d’hydrocarbures un crédit de redevances de 5 ans si elles ont commencé à exploiter avant la fin 2010.
Ainsi, des entreprises ont commencé à pomper du pétrole en Gaspésie qui nous rapportera $0 pour les 5 prochaines années… Est-ce le cas pour Pétrolia aussi ? Pas moyen de le savoir.
Par ailleurs, la ministre amalgame toutes les ressources naturelles. OK. Jouons le jeu. Le vérificateur général du Québec a révélé que, grâce à notre loi des mines, le Québec A PERDU $360 millions entre 2002 et 2008 sur des revenus de plus de $15 milliards des minières.
Ce n'est pas brader, ça?
Pouvoir être expulsé par une minière en vertu de cette loi, c'est être maître chez soi?
Qui décide de l’encadrement?
Pourquoi, s'il tient tant à ce que l’exploitation des hydrocarbures se fasse de façon sérieusement encadrée, ce gouvernement reste-t-il muet pendant que M. Bouchard décrète qu’il ne veut pas inclure le pétrole dans l’Évaluation Environnementale Stratégique?
Doit-on comprendre que c’est encore et toujours l’industrie qui décide? Que fera-t-on à Anticosti et ailleurs au Québec pendant les deux prochaines années sans loi sur les hydrocarbures?
Pétrolia, ayant fait de la fracturation hydraulique pour son pétrole de schiste, a pris son eau à quel endroit? Et qu'a-t-il fait ensuite des résidus de forage? Encore là, pas moyen de savoir...
Maîtres chez nous ? Vraiment ?
Être Maîtres chez nous en 2011, c'est que le peuple du Québec garde le contrôle de l'avenir de ses ressources énergétiques et naturelles et fasse une évaluation rigoureuse de ses stratégies de développement, en fonction du bien commun. Être Maître chez soi, c'est être responsable, s'assumer et s'émanciper économiquement.
Or, de toute évidence, Mme. la ministre n’a pas compris que nous souhaitons autre chose que d’être des employés d'entreprises en majorité étrangères qui nous font « l'honneur » de venir prendre nos ressources…pour des grenailles.
Par la cession en douce du contrôle de notre énergie, ce gouvernement, avec l'aide de MM. Bouchard, Caillé et Vandal, nous ramène à l’époque de colonie économique de Maurice Duplessis et spolie nos ressources énergétiques.
Photo : Jacques Nadeau - Le devoir
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