En quête d'horizon...

Tribune libre

En quête d’horizon…
Rêver un impossible rêve… nous chantait Brel. Comment, me direz-vous, est-il possible de rêver, d’espérer quelques horizons que ce soit, dans la situation socio-économique actuelle? Le cynisme et le désespoir sont le lot du quotidien plus que le rêve…
C’était en décembre 2008 que nous nous commettions dans un article au titre plus qu’ironique : « Cette crise que nous n’avons pas vue venir… » Où nous relations les crises économiques qui ont marqué les années 1970 à 2008. Sans revenir dans le détail, rappelons ; qu’en 1970 l’inconvertibilité du dollar U.S/or nous a menés à une crise du système monétaire internationale ; qu’en 1980 la politique monétaire américaine, avec ses taux d’intérêt mirobolants, a plongé le reste de la planète dans une récession sans précédent ; en 1990 il y eut une bulle spéculative telle que des montagnes de fric se transigeaient sur les marchés boursiers ; et finalement en 2008 les rois de la finance nous ont concocté le fameux papier commercial(subprime) créant des abîmes de désespérés.
Cinq ans ont passé et un épais brouillard noie toujours l’horizon… Ah, me direz-vous! Cela se passe sur les vieux continents.
La situation de trop de pays européens manque de panoramas. La Grèce, le Portugal et l’Espagne, principalement, vivent des situations de déséquilibre sans précédent. Les mesures d’austérité qu’impose ce qui est convenu d’appeler , la Troïka soit : le F.M.I, l’U.E ( L’Union Européenne) et la B.C.E (Banque Centrale Européenne). Noyés, qu’ils sont, par une dette mirobolante, la Troïka les contraints à une telle saignée dans leur gestion budgétaire (la Grèce étant allé jusqu’à cadenasser la télévision publique) qu’on se retrouve avec des taux de chômage dépassant les 60% chez les moins de 25 ans ; comment se nourrir d’espoir? Sans tomber dans la casuistique du dénombrement des chômeurs qui est une estimation, nous sommes en droit de croire que la réalité dépasse l’insoutenable. Quant à l’Espagne et au Portugal, on passe du bonnet blanc au blanc bonnet… les gouvernements démissionnent à qui mieux, mieux. Qu’ils soient de droite ou de gauche ils ont le tournis et ne savent plus par quelles mesures d’austérité assoiffer et transférer la responsabilité aux citoyens.
Comble d’ironie! Les mégas technologues de l’économie, au F.M.I, viennent de voir, dans leur boule de cristal, que cette gloutonnerie, appliquée hors contexte, avait l’effet inverse à celui espéré et mettait lesdites économies plus à mal, générant un étranglement économique avoua, en entrevue, Olivier Blanchard économiste en chef du F.M.I.
Sans être devin, il nous semble que ces situations catastrophiques prennent source dans les crises financières successives. Aurions-nous été, par inadvertance, téléportés dans des économies où les oligarques de la finance sont devenus les Big Brother et impriment leur dictat aux dirigeants politiques qu’ils soient de droite ou de gauche? Serions-nous en pleine science-fiction en subsumant que le monde virtuel de la finance exerce un contrôle impératif sur nos économies…
Tout cela se passe sur les vieux continents me direz-vous. Nous, nous sommes à des kilomètres de tout cela. Certes, il y a la ville de Détroit qui est en faillite technique au point où les autorités furent dans l’obligation d’imposer la tutelle. Dormez citoyens Big Brother veille…
Mais soyons rassurés, les ministres des Finances du G quelque chose se sont réunis du 18 au 20 juillet à St-Pétersbourg et ont priorisé l’emploi et la croissance… Comme si ces dernières pouvaient assurer que tout un chacun puisse bénéficier de ses retombées. Adam Smith, au XVIII siècle, avait rêvé que les plus basses classes de la société bénéficient des résultats de la croissance. Si tel était le cas, il y a longtemps que nous l’aurions vu. C’est peu dire! Même le président Obama dans une entrevue récente au New York Times s’inquiète de la disparité croissante des revenus qui, depuis plus de trente ans, déculotte la classe moyenne…
Nous ne pouvons taire l’indissociable nécessité de soumettre tout développement économique, donc la croissance, à l’impératif et l’éthique d’un développement durable. Bref, nous ne pouvons nous réjouir, comme notre premier ministre canadien, entre autres, de la fonte de la calotte glacière qui permettra un corridor commercial navigable. Au point, où la Russie a dilapidé ses roubles pour aller immerger son drapeau aux fins fonds des mers, afin de délimiter l’appartenance de ce corridor navigable. Dans « Le Devoir » du 25 juillet dernier, les spécialistes nous alertaient d’une bombe à retardement qui pourrait être notre tombe. Les travaux d’exploitations miniers dans les zones nordiques et le réchauffement de la planète contribuent à libérer des gaz de méthane du pergélisol et concourent, plus que le CO2, à la pollution atmosphérique. L’aveuglement des impératifs de croissance économique nous mène à un point de non-retour qu’il ne nous faut pas dépasser, mais la somnolence de nos décideurs nous indique qu’ils ne semblent pas préoccupés par cette limite?
Pour ne pas être en reste, n’oublions pas ces truands qui sont si près de nous et qui s’en sont mis plein les poches, de l’argent des contribuables, à coup de 2 ou 3 % de remises sur les contrats publics octroyés. Et comme si ce n’était pas assez, dans les deux cas de Laval et de Montréal, les maires suppléants furent dans l’obligation de présenter leur démission pour « truandise ». Ah! N’ayez crainte citoyens, ils feront la preuve que ces allégations ne sont que des bobards et qu’ils sont d’honnêtes gens. Entre temps, ils ont bénéficié de large prime de démission à même les fonds publics…
Comment, dans un tel contexte, rêver un impossible rêve? Combien de temps allons-nous accepter de telles obscénités? Est-il moral que nous soyons les vassaux d’oligarques de la finance qui nous dépouillent et nous braquent tels des barbares, et que cautionnent nos élus par leur silence et leur inaction? Sommes-nous d’une époque où le mot « civilisé » ne fait plus partie du vocable…
Si nos propos ne semblent pas laisser place à des horizons prometteurs, il n’en est rien. Pour qu’un impossible rêve puisse se réaliser, il nous faut être habités par l’espoir que demain sera un autre jour…(L’ode de Lennon « Imagine » n’est-elle pas un appel à l’espoir)
Le mouvement des Indignés qui a débuté en Espagne, suite au pamphlet du regretté Stéphane Hessel, et qui s’est multiplié à l’échelle planétaire se transposant sous l’épithète d’« Occupy » devant la bourse de Wall Street. Ces silences qui se sont manifestés, n’ont-ils pas réclamé une plus grande justice sociale, une meilleure répartition de la richesse, une protection de l’environnement? N’est-ce pas là un appel à redessiner d’autres horizons?
Que dire de ce printemps arabe où ces populations, au prix de leur vie, sont descendues dans les rues pour revendiquer le départ de ces despotes éclairés qui contrôlaient depuis trop de temps les leviers décisionnels et maintenaient leurs populations dans un état de servage? Certains comme en Syrie luttent toujours pour renverser ces oligarchies familiales. En Égypte, ils sont descendus à plusieurs reprises pour demander à Moubarak de dégager, à l’armée d’instituer des élections et malgré l’élection, où Morsi se croyait non imputable, ils ont remanifesté pour destituer l’autocrate qu’il était. Ces populations ne font-elles pas preuve d’un raz le bol et de responsabilité citoyenne?
Plus près de nous, n’y a-t-il pas eu ce printemps érable où les étudiants(es), arborant le carré rouge, ont étonné ceux qui les croyaient endormis devant leur écran d’ordinateur ou leur téléphone intelligent. Nous oserions, même, avancer que le gouvernement Charest a été dépassé par l’ampleur de leur détermination et la maturité avec laquelle ils ont conduit leur mouvement. Les droits de scolarité furent l’étincelle qui les amena à dénoncer l’iniquité et réclamer une plus grande justice sociale. Que dire de la créativité dont ils ont fait preuve pour faire valoir leurs doléances. Leur vitalité est source d’espoir que demain peut être un autre jour…
Il ne faut pas oublier ou minimiser l’implication citoyenne qui réussit à repousser l’exploitation des gaz de schiste dans la vallée du St-Laurent. Le gouvernement d’alors étant près, sans étude sérieuse d’impact sur l’environnement, à donner droit aux compagnies qui s’apprêtaient à forer sans vergogne. Il en fut de même à Gaspé où le conseil de ville vota une résolution fondée sur le principe de précaution pour protéger ses sources d’eaux potables.
Que dire du mouvement « Idle no more » où les communautés autochtones canadiennes en eurent assez du piétinement des négociations visant à reconnaître leurs droits ancestraux.
Et cette fête de la Terre qui prit une ampleur surprenante en 2012 où plus de 250,000 personnes ont manifesté l’importance de préserver les richesses dont cette planète nous a fait grâce. Les Paul Mc Cartney ou Céline Dion n’ont jamais réussi à attirer une telle foule…
Nous pourrions poursuivre et multiplier les exemples où les uns et les autres sur cette planète ont fait preuve de responsabilité citoyenne. Il nous semble que de manifester pacifiquement notre indignation et notre désapprobation n’est pas seulement un droit, mais aussi, surtout un devoir.
Finalement, nous croyons qu’il nous est permis d’espérer de démocratiser la démocratie. Nous devons passer d’une démocratie de délégation à une démocratie de participation où nous pourrions décentraliser les pouvoirs pour y participer activement… nous croyons qu’il est impératif de civiliser les marchés et d’éradiquer à jamais le despotisme et la barbarie causée par les marchés financiers. Le groupe des Économistes Attérés réclame l’annulation pure et simple de la dette des états ; nous en sommes. Il nous faut cesser de croire que l’économie dépend d’un mécanisme autorégulé sur lequel nous n’avons aucune prise et qu’il nous faut subir. Nous avons la certitude que l’économie est le lot des actions stratégiques organisationnelles et que nous pouvons et devons la réguler. Nous ne devons point subir l’économie, elle doit au contraire servir à l’épanouissement de l’être plus que de l’avoir. Nous devons tendre vers une économie sociale de marché. Tout cela dans un respect, quasi religieux, du don que nous a fait cette terre mère…
Nous avons débuté notre réflexion en faisant appel à la poésie, nous la terminerons de la même façon en citant Georges d’Or : Un homme (humain) qui se tient debout est le plus beau des monuments…

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Fernand Cousineau9 articles

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Ph.D., professeur d'économie au Collège de Matane





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