Elections communales en Belgique et en Wallonie

Chronique de José Fontaine


Le titre se justifie car même si les élections communales (municipales) en Belgique ont lieu au même moment dans les trois Etats-Régions fédérés du pays (Flandre, Wallonie, Bruxelles), le Gouvernement wallon a modifié quelque peu la manière dont ces élections se déroulent. Comme on le sait nous sommes un pays où les scrutins se déroulent à la proportionnelle, c'est-à-dire que, sauf le cas où une liste emporte la majorité absolue, les communes sont toujours dirigées par des coalitions.
Les réformes wallonnes
Le Gouvernement wallon a tenté de faire que les élections communales répondent mieux aux voeux des électeurs, notamment en imposant que le bourgmestre (maire), soit choisi dans la liste qui a recueilli le plus de voix de la coalition qui se met en place et que la personne choisie soit, sur cette liste, celle qui a reçu le plus de voix de préférences, ce qui permet, indirectement, aux électeurs de désigner leur bourgmestre.
Une élection directe a été écartée car elle aurait encore renforcé le pouvoir du bourgmestre dans sa commune, pouvoir qui pour de multiples raisons est toujours très grand, et les bourgmestres sont désignés pour six ans, autrefois par le Roi des Belges, aujourd'hui (pour ce qui est de la Wallonie mais cela vaut pour les autres Etats-régions), par le Gouvernement wallon que le bourgmestre représente dans sa commune.
Le Parti socialiste avait été très longuement mise en cause pour certaines affaires allant parfois jusqu'à la corruption, en tout cas à Charleroi et peut-être à Namur. Cela lui a sans doute causé des torts mais en gros, on peut dire qu'il se maintient et que l'extrême droite ne fait pas des résultats trop importants.
Nous sommes un pays de communes
Ce qui me frappe aussi, c'est que nous sommes un pays de communes. Tant dans mon école que dans des conversations de bistrot que j'ai surprises malgré moi, ces élections suscitent des débats. A Namur, la capitale de la Wallonie (une ville de 100.000 habitants qui est jumelée avec Québec), les socialistes et les libéraux (MR), bien qu'ayant subi de lourdes pertes, avaient décidé de renouer la coalition parce qu'ils conservaient la majorité en voix et en sièges. Mais cela a provoqué le mécontentement très grand de la population et celui d'une élue MR qui, à elle seule (la coalition, n'avait plus qu'un siège de majorité), pouvait remettre en question l'accord. Le chef de file du PS qui a milité pour que Namur soit capitale de la Wallonie (avec l'accord des partenaires des autres villes de Wallonie, mais contre une tendance de la mettre à Bruxelles), a finalement été donc battu et il se retire de la vie politique. Il est cependant remplacé par le candidat d'un autre parti (CDH, les anciens démocrates-chrétiens), qui a aussi combattu pour que Namur soit la capitale de la Wallonie.
Echec de Laurette Onkelinkx
A Bruxelles, dans l'une des communes de la Région de Bruxelles-capitale, une ancienne élue liégeoise, Laurette Onkelinkx, avait été parachutée. Elle essayait de s'implanter dans la commune importante de Schaerbeek. Elle est ministre fédérale de la Justice et ne peut cumuler ce poste avec celui de bourgmestre (mais un tour de passe-passe permet dans ces situations de rester le ou la bourgmestre en titre). Son plan de carrière semble être de devenir la présidente du PS, avec une implantation locale forte, dans cette commune importante de la Région bruxelloise.
Finalement, une coalition s'est créée contre elle et sans elle, la forte personnalité verte d'Isabelle Durant (députée verte), ayant joué contre sa collègue socialiste. Il était reproché à Madame Onkelinkx d'avoir admis sur sa liste des candidats d'origine turque (ce que personne de démocrate ne lui reprocherait), mais des candidats d'origine turque soupçonnés d'être proches du nationalisme turc d'extrême droite. A tout cela est aussi liée la question du génocide des Arméniens qui vient aussi de rebondir en France, une question sur laquelle le PS wallon et bruxellois a des timidités qui, selon les observateurs, reposent sur les calculs électoraux dans la capitale. Si tout le monde est fier chez les démocrates wallons et bruxellois d'avoir beaucoup d'élus d'origine étrangère, le journal Le Soir par exemple critique durement le choix de certains candidats en raison de leur tendance idéologique et c'est une critique généralisée, notamment par les Verts, pourtant l'un des partis le plus ouvert à l'immigration.
Pour Laurette Onkelinkx - perçue comme peu favorable à l'autonomie wallonne - c'est un échec dont les autonomistes wallons se réjouissent.
Bientôt les élections fédérales
Quant aux élections fédérales, elles auront lieu le 6 ou le 13 mai 2007. Le parti du Premier ministre (les libéraux flamands) a connu des reculs sensibles. En Flandre - ce qui est une bonne nouvelle - le parti Vlaams Belang condamné pour racisme a reculé pour la première fois, certes dans son lieu d'implantation principal (la ville d'Anvers), mais aussi à Gand. En revanche, les chrétiens-démocrates, alliés des nationalistes flamands démocrates, ont connu de nouveaux succès. Cette tendance en Flandre réclame de nouveaux pouvoirs pour l'Etat-région flamand. La position officielle des Wallons (et des Bruxellois francophones), est de dire officiellement qu'on n'est demandeur de rien. Cela peut sembler bizarre pour un Québécois, car c'est la Flandre qui est numériquement majoritaire (depuis toujours) en Belgique et la Wallonie qui est minoritaire, qui a d'ailleurs pendant très longtemps depuis 1945 poussé le plus fort aux autonomies des Etats-régions.
Le problème, c'est que les Bruxellois francophones (plus de 90% des habitants de la capitale), ne voient pas d'un bon oeil que la Belgique devienne de plus en plus un Etat fédéral et même un Etat confédéral car elle ne se retrouve pas symboliquement dans un tel système. Comme dans l'opinion wallonne et bruxelloise, le poids d'une grande ville comme Bruxelles est très important - parfois même déterminant - cela a toujours rendu la revendication autonomiste wallonne difficile, les Bruxellois volant objectivement au secours des Wallons qui sont peu autonomistes. En fait même, les Bruxellois n'ont accepté le fédéralisme (nous partons d'un Etat unitaire), qu'avec une résignation qui se sent toujours et qui crée d'ailleurs des problèmes à Bruxelles dont le gouvernement mixte: (francophone-flamand), ne fonctionne pas bien alors qu'en Wallonie et en Flandre on peut dire qu'il n'y a que des problèmes comme ceux que rencontrent tous les gouvernements du monde.
Bruxelles, obstacle pour la Wallonie
Bruxelles ne “sent” pas sa place dans l'édifice des autonomies belges (qui sont très étendues). Comme c'est une plus grande ville, qu'elle a un rôle central du fait de son rang de capitale, elle est à même de freiner les ardeurs autonomistes wallonnes par son poids de métropole. En fait, c'est cette circonstance qui rend le combat wallon difficile. Sans Bruxelles - une Ville, une métropole - Flamands et Wallons auraient déjà conclu à tout le moins un pacte confédéral ou même se seraient déjà séparés comme la Tchéquie et la Slovaquie. Le poids de l'opinion bruxelloise pèse aussi très lourd sur l'affirmation de l'identité wallonne, les Bruxellois francophones étant hostiles à ce que les Etats-régions gèrent leur politique culturelle et qui empêchent que la Wallonie soit autonome sur ce point, ce qui doit être une singularité mondiale puisque, en général, l'autonomie culturelle est la première qu'un Etat confère à une région qui veut son autonomie. Ici, pour le malheur de la Wallonie, les choses se font tout à l'inverse.
Comme je l'ai déjà expliqué, avec bien d'autres intellectuels wallons, nous luttons à TOUDI pour le transfert des compétences culturelles et scolaires à la Wallonie depuis près d'un quart de siècle, en vain. Et ce, malgré des appuis importants comme celui de la FGTB wallonne qui est le syndicat wallon le plus important. Sans doute, est-ce aussi parce que Wallons et Bruxellois francophones doivent faire front contre les Flamands mais cela a des conséquences dommageables pour la Wallonie qui, sans cela, serait la nation en devenir la plus autonome politiquement, bien plus que le Québec, la Catalogne ou l'Ecosse.
On nous accuse aussi d'être antibruxellois. Ce n'est pas le cas. Mais il faut bien que nous expliquions les raisons d'un échec qui n'hypothèque pas à long terme les chances de la Wallonie, mais qui risque de retarder longtemps encore son émancipation complète, alors que la Wallonie est très proche juridiquement du statut d'un vrai Etat souverain.
José Fontaine

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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