Élections au Nouveau-Brunswick: pas de débat en français

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Le monde à l'envers ! Il y aura pourtant un débat en anglais au Québec...

Incapable de s'entendre avec tous les partis au Nouveau-Brunswick , Radio-Canada Acadie a dû se résigner hier à annuler son traditionnel débat des chefs en français dans l'unique province officiellement bilingue au pays.


La nouvelle a été dénoncée avec véhémence par le principal groupe de défense des francophones dans la province, qui y voit un recul important pour le français. La Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) écorche au passage le chef unilingue du Parti progressiste-conservateur et demande au diffuseur public de revenir sur sa décision.


« Je trouve ça absolument scandaleux. Je trouve que Radio-Canada n'assume pas ses responsabilités de fournir un débat en français à la population acadienne du Nouveau-Brunswick. On représente le tiers des électeurs de la province », lance en entrevue Robert Melanson.


L'homme ne décolérait pas hier. Il trouvait l'affaire d'autant plus insultante que les chefs de partis au Québec vont participer à un débat télévisé en anglais. Le Québec n'est pas officiellement bilingue, contrairement au Nouveau-Brunswick.


« On ne veut pas revenir aux vieilles batailles des années 70. Dans le dernier rapport de la commissaire aux langues officielles, on constate qu'on recule sur à peu près tous les fronts. »


- Robert Melanson


Le diffuseur public a tout tenté pour présenter ce débat en français, explique Denis Robichaud, chef de l'information à Radio-Canada Acadie. Mais les partis n'ont pas réussi à s'entendre sur une formule en vue du scrutin du 24 septembre.


Le hic, c'est que le chef du Parti progressiste-conservateur du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, ne parle pas bien français. Ce dernier a déjà proposé, dans les années 80, de faire du Nouveau-Brunswick une province officiellement anglophone.


Le printemps dernier, il a assuré que ses opinions avaient évolué. Le chef conservateur s'est mis à suivre des cours de français dernièrement. Avec sa femme, il a même passé du temps à Québec en immersion.


« Quand on a parlé au Parti progressiste-conservateur, on nous a clairement indiqué que le chef ne pourrait pas débattre pendant 90 minutes en français », précise Denis Robichaud.


Dans ces circonstances, Radio-Canada a proposé différents scénarios aux partis ; par exemple, remplacer les chefs par des candidats. Tous les partis ont accepté, sauf le Parti libéral du Nouveau-Brunswick. Celui-ci s'y est opposé mercredi dans une lettre envoyée à la société d'État : ce sera un débat des chefs ou rien.


Après avoir « vraiment tout tenté pour présenter un débat en français », Radio-Canada a jeté l'éponge hier.


UN RECUL LOURD DE SENS


La Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) demande maintenant à Radio-Canada d'organiser un débat des chefs avec ou sans Blaine Higgs. « Les difficultés d'apprentissage de Blaine Higgs, ce n'est pas mon problème, c'est le sien. Que le Parti conservateur respecte la population francophone du Nouveau-Brunswick et envoie son chef débattre », tonne Robert Melanson.


Mais Radio-Canada rejette cette option.


« On a un devoir de présenter les priorités des différents partis politiques. On ne peut pas exclure un parti qui a obtenu 35 % des voix aux dernières élections. »


- Denis Robichaud, chef de l'information à Radio-Canada Acadie


Cet incident rappelle que les chefs de partis dans les provinces autres que le Québec ont souvent du mal à s'exprimer en français, même au Nouveau-Brunswick, une province bilingue. En 2016, 32,3 % des Néo-Brunswickois avaient le français comme langue maternelle. Ils étaient 32,5 % en 2011, selon le recensement.


« À la base, le problème, c'est que les militants du Parti progressiste-conservateur ont élu un chef qui ne parle pas français », note en entrevue l'éditorialiste d'Acadie nouvelle, François Gravel.


« Ça envoie le message qu'un chef de parti politique n'a pas besoin de bien parler français pour être premier ministre du Nouveau-Brunswick. Le débat des chefs, c'était le principal incitatif pour le bilinguisme du chef, ajoute-t-il. Mais là, s'il n'y a pas de débat, l'incitatif n'est plus là. Ce n'est pas anecdotique. Je me demande même si on ne va pas voir encore plus souvent des chefs qui ne parlent pas français. »


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