Élections 2008 - Faire chambre à part

Élection fédérale 2008 - les résultats

Le Bloc québécois a fait mentir tous les pronostics en faisant élire 50 députés dans des circonstances au point de départ adverses. Ce serait là un exploit remarquable s'il n'y avait cette ombre au tableau venant du recul de son appui populaire au niveau le plus bas de son histoire.
En 15 ans et six élections, la force du Bloc, vue sous l'angle du nombre de sièges, ne s'est jamais démentie. Une autre fois, il faut constater que le Canada est un pays coupé en deux, la fracture remontant à l'échec de l'accord du lac Meech. Les Québécois en ont pris leur parti et affirment leur spécificité en faisant ainsi chambre à part.
Il faut se méfier toutefois des apparences. Le nombre de sièges détenus par le Bloc québécois, qui a varié de 44 à 54 selon les années, est une chose. La réalité ne peut par contre faire abstraction de l'appui populaire recueilli mardi, revenu, à quelques décimales près, à ce qu'il était en 1997. Cette année-là, Gilles Duceppe conduisait la campagne du Bloc pour la première fois et il n'avait recueilli que 37,8 % des suffrages. Le Bloc avait ressenti tout un choc, puisque le Parti libéral avait obtenu pour sa part 36,7 % des voix au Québec et que Jean Chrétien affirmait représenter les Québécois avec autant de légitimité que le Bloc.
À cette élection-ci, personne ne contestera la capacité du Bloc à parler au nom du Québec puisque libéraux et conservateurs traînent loin derrière, avec respectivement 23,7 % et 21,7 % des suffrages exprimés. Néanmoins, les bloquistes devraient s'interroger puisque à l'élection de 2004, élection dite des commandites, ils avaient obtenu 48,8 % des suffrages, pour descendre à 42 % au scrutin de 2006, puis à 38,1 % ce mardi. Il faut constater que cette courbe descendante est similaire à celle suivie par le Parti québécois depuis cinq ans. À l'un comme à l'autre se pose la question de l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui le souverainisme.
La question de la pertinence du Bloc québécois a été au coeur du débat électoral au cours de la première partie de la campagne électorale. Rapidement, Gilles Duceppe a réussi à imposer l'idée que sa formation était le seul rempart possible contre une majorité conservatrice. Il faut admirer l'habileté avec laquelle il a réorienté le débat. Il n'a jamais caché les convictions souverainistes du Bloc, mais tout à coup ce parti s'était transformé en une coalition nationaliste ouverte à tous les Québécois, peu importe leur orientation politique. C'était ce qu'était le Bloc à son origine, avant qu'il ne devienne résolument souverainiste, avec comme seul allié le Parti québécois. L'ouverture manifestée par Gilles Duceppe est apparue suffisamment nouvelle et convaincante pour obtenir la caution tacite du premier ministre Jean Charest.
Le mandat obtenu par le Bloc ne peut être interprété, au regard de la campagne qu'il a menée, que comme portant sur la défense des valeurs et des intérêts du Québec. Sur ce plan, le travail ne manquera pas, en raison des intentions d'un gouvernement Harper résolu à foncer, qu'il s'agisse de durcir la Loi sur les jeunes contrevenants ou de réformer le Sénat. La députation bloquiste voudra faire rempart contre des changements qui heurtent de plein front les intérêts du Québec. Son action ne devra pas consister uniquement à bloquer la route au gouvernement Harper. Il lui faudra aussi montrer sa capacité à influencer le cours des choses et à obtenir des avancées concrètes pour le Québec. Sans cela, les questions sur l'utilité d'un parti condamné à l'opposition reviendront. Ses adversaires savent que c'est là son talon d'Achille. L'effritement de l'appui populaire du Bloc constaté ces dernières années n'est pas sans lien avec leurs critiques. Faire chambre à part, convenons-en, n'est pas la proposition la plus stimulante qui soit. Son effet principal est simplement de nous éviter de se demander si l'on divorce ou l'on se remarie, question à laquelle il faudra bien répondre un jour.


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