Élection référendaire à Montréal

Chronique de Patrice Boileau


Dès qu’il s’agit d’un enjeu fondamental, la communauté non-francophone du Québec a toujours serré les coudes et livré une éclatante leçon de solidarité à la majorité francophone. L’élection municipale tenue à Montréal dimanche dernier en a fourni une preuve de plus.
C’est ce que révèle en effet l’analyse du vote exprimé dans les divers arrondissements de la métropole québécoise. Ceux qui abritent majoritairement des anglophones et des allophones ont appuyé massivement le maire sortant Gérald Tremblay. Malgré les relents de corruption qui ont entaché l’administration de ce dernier, ces électeurs ont tout fait pour barrer la route à Louise Harel, ex-ministre de premier plan d’un gouvernement indépendantiste à Québec.
Certes la chef de Vision Montréal fut la grande responsable du dossier des fusions municipales qui a provoqué tant de remous à Montréal. Une action péquiste qui tuait dans l’œuf d’une certaine manière le projet saugrenu de certains maires de villes situées à l’ouest de Montréal, celui de réclamer le rattachement de leur municipalité au Canada, advenant une victoire du camp du OUI. Cette idée raciste de morceler le territoire québécois tombait définitivement à plat, en créant une île, une ville… La perspective de voir aboutir à la mairie de Montréal celle qui a failli condamner ces communautés à vivre dans le pays du Québec, représentait un supplice intenable pour les Anglo-montréalais.
Reste qu’au-delà de cet épisode des fusions forcées, celle qui lorgnait le siège du chef d’Union Montréal s’avère une souverainiste notoire. Pire : quelqu’un qui maitrise mal la langue anglaise! Deux profondes tares aux yeux des non-francophones montréalais qui justifiaient la mise au rencart des enjeux municipaux au profit de celui qui domine tout, celui qui concerne l’avenir politique du Québec et de sa principale ville. Ainsi, manifestement, l’élection municipale de Montréal de dimanche dernier fut référendaire.
Pareille aux scrutins québécois, l’élection municipale de Montréal a donc vu ses résidents de langue anglaise soutenir solidement un candidat fédéraliste. Pas question de diviser le vote, sauf dans de très rares arrondissements qui abritent quelques francophones. Ce sont ces mêmes anglophones qui n’avaient pas hésité à élire des candidats du défunt Parti égalité pour punir le gouvernement de Robert Bourassa. Le chef du PLQ fut sanctionné pour sa décision de recourir à la clause nonobstant en 1988, afin de soustraire du jugement de la Cour suprême, sa loi 178 sur l’affichage en français.
Lorsque vient le moment de passer un puissant message, voire d’exercer une certaine forme de pouvoir, la communauté anglophone de l’île de Montréal ne badine pas : elle se regroupe et pousse dans la même direction. Dimanche dernier, elle s’est assurée de conserver les rennes de la métropole québécoise pour un autre mandat. S’il lui est arrivé d’accorder momentanément sa confiance à certains maires d’allégeance souverainiste, c’est que ceux-ci furent en exercice pendant que l’Assemblée nationale était gouvernée par une administration fédéraliste. Il est vrai que Pierre Bourque a dirigé la cité au moment du référendum de 1995. Reste que l’homme n’était pas un indépendantiste « pur et dur » puisqu’il fut candidat adéquiste à l’élection québécoise de 2003.
Louise Harel est une montréalaise « pur et dur. » On aurait tort de croire qu’elle fut parachutée dans l’élection municipale de dimanche dernier. Tout au long de sa carrière politique à Québec, l’ex-député de la circonscription d’Hochelaga-Maisonneuve a toujours prouvé qu’elle était une femme de terrain. Elle est toujours demeurée près de ses électeurs montréalais. Impossible donc de lui reprocher un intérêt soudain et opportuniste pour la cause montréalaise. Ceux qui n’ont pas voté pour elle l’ont surtout fait parce qu’elle est indépendantiste. D’où, encore une fois, le caractère référendaire du scrutin municipal, particulièrement chez l’électorat anglophone.
Que retenir de cette élection montréalaise? Chose certaine, la métropole s’éloigne un peu plus de l’identité culturelle majoritaire du Québec. L’absence de mesures linguistiques musclées n’aidera pas à atténuer cette distance. Le dernier jugement de la Cour suprême non plus, avec ce verdict qui ouvre toutes grandes les portes des écoles anglaises de la cité à ceux qui désirent les fréquenter. Il est également permis de croire, à la lumière du résultat du vote, qu’une forte proportion d’Anglo-montréalais préfère le maintien d’une administration municipale corrompue, plutôt que d’y voir aboutir une mairesse souverainiste. Difficile d’exprimer avec plus d’éclat le mépris que ces gens ressentent à l’égard des indépendantistes québécois…
Concluons aussi que les francophones refusent obstinément d’imiter l’exemple de solidarité qui a toujours caractérisé la communauté anglophone. Le misérable taux de participation qui fut observé, soit environ 39%, démontre en effet qu’ils furent légion à bouder les urnes. Pas de doute qu’ils ont été plus nombreux à sortir voter, du côté des arrondissements majoritairement non-francophones. Par contre, avouons que l’électorat de langue française a exprimé une sagesse qui l’honore, celle d’avoir confiné l’exercice démocratique dans l’arène montréalaise, en saupoudrant leur vote parmi les trois principales formations politiques en lice. Exit donc l’enjeu référendaire, au contraire de ceux qui n’accordent machinalement aucune confiance à quiconque qui se déclare d’abord Québécois, plutôt que Canadian.
Il faudra bien un jour prendre au mot nos compatriotes québécois de langue anglaise. S’ils estiment que tous les scrutins au Québec sont référendaires, pourquoi ne pas leur donner raison? Qu’attend le Parti québécois pour décréter que la prochaine élection sera décisionnelle, quant à l’avenir politique du Québec? Ne restera qu’à convaincre les francophones de s’inspirer de la solidarité des Anglo-québécois. Ces derniers n’ont pas hésité à l’exprimer dimanche dernier, au point de sacrifier l’image d’intégrité que doivent propager les pouvoirs publics, pour protéger leurs intérêts.
Patrice Boileau





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    4 novembre 2009

    Monsieur Boileau,
    Je suis d'accord lorsque vous dites:
    Une action péquiste qui tuait dans l’œuf d’une certaine manière le projet saugrenu de certains maires de villes situées à l’ouest de Montréal, celui de réclamer le rattachement de leur municipalité au Canada, advenant une victoire du camp du OUI.
    Toutefois, une précision - importante - s'impose. Au départ, Louise Harel ne tenait pas à tout fusionner sur l'île de Montréal. Le West Island ne faisait pas vraiment partie du plan. Je l'ai compris quand Pierre Bourque a rencontré les employés de la Ville - ceux oeuvrant à l'Hôtel de Ville et à Chausse-Gros-de-Léry, un édifice adjacent. Lors de son allocution devant nous (j'y étais, et je me souviens qu'à côté de moi se tenait Guy Coulombe), il a clairement défendu son idée de "Une île, une Ville", en précisant que cela mettrait un frein aux volontés partitionnistes du West Island. Il a osé le dire, et dans ma tête, j'ai crié "Ouf!" Bref, c'est bien plus Bourque que Harel qui a contribué à la fusion de 2002. Et il aura su la convaincre, et ainsi de suite. Au départ, le PQ ne tenait pas à "tout" fusionner. Voilà pour la petite histoire qui est devenue drôlement grande aujoud'hui.
    Pour le reste, je considère que votre chronique est l'une des meilleures que j'ai lue sur la question des élections à Montréal.
    Au plaisir