Dans moins de deux mois se tiendra à Québec le XIIe Sommet de la Francophonie. Ce sera le deuxième à s'y tenir: en 1987 avait déjà eu lieu dans la capitale nationale le second Sommet. Les autres rendez-vous se sont tenus en France (1986 et 1991), au Sénégal (1989), à l'île Maurice (1993), au Bénin (1995), au Vietnam (1997), au Canada (1999), au Liban (2002) au Burkina Faso (2004) et en Roumanie (2006).
Ce Sommet de Québec aura peut-être lieu, si l'on se fie aux déclarations récentes du premier ministre Harper, en pleine campagne électorale fédérale. Dans ce cas, M. Harper songera probablement à se faire représenter, en tant que co-hôte de la réunion, par la gouverneure générale du Canada, comme il l'a fait, en France en mai dernier, au moment du lancement des fêtes du 400e anniversaire de la fondation de Québec. Cette campagne électorale permettrait d'ailleurs opportunément au gouvernement conservateur actuel -- le moins bilingue depuis celui de John Diefenbaker -- d'éviter de s'engager fermement sur la scène internationale en faveur de l'avenir du français, ici comme dans le monde.
Il est instructif, à cet égard, de consulter le site du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: sous la rubrique «Les objectifs du Canada en Francophonie», sauf une courte ligne dans le préambule, il n'est pas question du premier objectif de l'Organisation internationale de la Francophonie elle-même, soit la promotion de diversité culturelle et de la langue française dans le monde. On s'attarde pourtant aux objectifs politiques du Canada, à ses objectifs économiques et de coopération, mais pas à la raison d'être de la Francophonie. Je crains qu'il soit inutile de compter sur la ministre responsable de la Francophonie, Mme Josée Verner, pour changer la donne.
Dans cette même rubrique, l'on vante l'«esprit d'ouverture» du gouvernement canadien qui a permis la «participation provinciale» du Québec et du Nouveau-Brunswick à la Francophonie. Peut-être est-ce vrai pour le Nouveau-Brunswick, mais le Québec, quant à lui -- on l'oublie trop facilement -- a dû mener dans les années 1980 une bataille titanesque contre le gouvernement fédéral, avec l'appui indéfectible de la France, pour participer en son nom propre aux Sommets.
C'est sans doute grâce à ce même «esprit d'ouverture» que nous avons été témoins en 2006 d'une des nombreuses «astuces» harpériennes, celle-là concernant la présence d'un fonctionnaire québécois dans la Délégation canadienne à l'UNESCO, annoncée en grande pompe comme historique, alors que si M. Harper avait respecté sa parole et sa plateforme électorale, le Québec aurait obtenu un siège comme lors des Sommets de la Francophonie et occupé sa place, dans cette enceinte internationale, sous l'appellation Canada-Québec. Avec les droits qui en découlent.
En fait, si le gouvernement conservateur actuel décidait d'adhérer autrement que formellement à la Francophonie, il devrait commencer par respecter la Charte de la langue française sur notre territoire, comme le demande le Bloc québécois, de telle sorte que toutes les entreprises régies par des lois fédérales telles que les banques, les ports et aéroports ne puissent plus se soustraire aux dispositions de la loi 101 sur la langue de travail.
Ainsi, avec un peu de chance, pourrions-nous dorénavant nous faire répondre en français par les employés de la compagnie de sécurité travaillant à l'aéroport Pierre-Trudeau, sans avoir à nous plaindre de leur unilinguisme anglais et déclencher ainsi, en guise de «représailles», contrôles exceptionnels et fouilles humiliantes, comme cela est arrivé à un citoyen, en ma présence, fin avril dernier.
Ensuite, ce gouvernement prendrait des mesures énergiques pour contrer l'assimilation des francophones hors Québec et appuierait leurs combats, souvent héroïques. Selon les données de Statistique Canada, il n'y a plus, à l'extérieur du Québec, que 4,1 % soit 975 390 citoyens qui ont le français comme langue maternelle et encore moins, 2,5 %, qui le parlent à la maison. À moins que Stephen Harper, comme Jean Chrétien naguère, ne croie qu'il s'agit là «d'un fait de la vie», incontournable, irréparable.
Enfin, au lieu de refuser, régulièrement et avec constance mais souvent sans raison, des visas à des jeunes, des universitaires, des artistes ou des gens d'affaires francophones qui veulent entrer temporairement au Canada, le gouvernement canadien, dont c'est la responsabilité, devrait accepter d'envisager, en collaboration avec les autres pays membres de la Francophonie, la création éventuelle d'un visa francophone. S'il n'y a pas création d'un espace francophone qui assure une préférence de circulation, jamais un sentiment de réelle appartenance à cette communauté n'apparaîtra, jamais une identité francophone ne verra le jour, malgré tous les beaux discours. La Francophonie demeurera largement virtuelle, particulièrement pour les jeunes des pays africains, là où pourtant se joue, démographiquement parlant, son avenir.
De quoi sera fait ce prochain Sommet à Québec? D'abord et avant tout, de décisions fortes concernant l'avenir de la langue française, dixième langue dans le monde, troisième langue sur la Toile. L'enjeu pour la Francophonie est qu'elle demeure une aire géolinguistique influente et que le français soit présent dans le groupe des langues-monde.
Le gouvernement du Canada sera jugé à ses actes, élection fédérale ou pas. Faute d'engagements formels en ce sens, la Francophonie continuera, pour le gouvernement fédéral, d'être une agréable berceuse propre à calmer les revendications du Québec.
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Louise Beaudoin est chercheuse invitée au CERIUM et coordonnatrice du Réseau Francophonie.
Élection fédérale et Francophonie
Ce Sommet de Québec aura peut-être lieu, si l'on se fie aux déclarations récentes du premier ministre Harper, en pleine campagne électorale fédérale
XIIe Sommet de la Francophonie - Québec du 17 au 19 octobre 2008
Louise Beaudoin52 articles
Ancienne ministre de la Culture et des Relations internationales, Parti québécois
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