Il y a 10 jours, le Parti national écossais (SNP) a remporté la majorité des sièges aux élections du Parlement d'Édimbourg. C'est la première défaite du parti travailliste dans une élection écossaise depuis plus de 50 ans. Et c'est la toute première fois que les séparatistes écossais, qui promettent d'organiser un référendum sur l'indépendance d'ici 2010, sont en position de conduire un gouvernement. Pourtant, cette victoire du SNP ne semble pas du tout capitale : pourquoi ?
D'abord parce qu'Alex Salmond, chef de file du Parti national écossais, devra former un gouvernement de coalition. Le SNP a en effet remporté 47 sièges, contre 46 pour le Labour. Néanmoins, pour obtenir une majorité au Parlement d'Édimbourg, il a besoin de 65 sièges. Le parti le plus susceptible de s'allier au SNP est le Parti libéral-démocrate, avec 16 sièges. Si on ajoute quelques Verts et un indépendant, Salmond peut atteindre le nombre magique. Mais les libéraux-démocrates sont totalement contre tout référendum sur l'indépendance.
En toute probabilité, Alex Salmond abandonnera avec élégance l'idée d'un référendum sur l'indépendance dans l'immédiat et repoussera ce rendez-vous à un éventuel deuxième mandat, car il sait que les Nationalistes ne peuvent pas gagner un référendum pour l'instant. Le SNP a bénéficié d'un plus grand nombre de voix parce que les Écossais voulaient sanctionner le Parti travailliste, victime de l'usure du pouvoir. Depuis 30 ans, cependant, 25 % de la population est invariablement en faveur de l'indépendance de l'Écosse.
Ce dont Alex Salmond et le SNP ont véritablement besoin, c'est d'une longue période au pouvoir pour leur permettre de polémiquer avec le gouvernement britannique de façon à passer pour les défenseurs des droits écossais. Le programme du SNP pour les "100 premiers jours" regorge de revendications symboliques : le "rapatriement" des recettes pétrolières de la Mer du Nord (tout pour l'Écosse et rien pour l'Angleterre) ; une équipe olympique écossaise ; le contrôle des négociations britanniques avec l'Union européenne sur la pêche, etc.
Mais même cette stratégie ne mènera pas très loin dans la mesure où les partenaires d'une coalition potentielle du SNP ne seront pas disposés à être en conflit permanent avec Londres. Le SNP entame actuellement le même processus, long et ingrat, que le Parti québécois au moment de sa première victoire électorale en 1976.
Une affaire d'émotion
Le Québec constitue une bonne comparaison car dans les deux cas, l'"indépendance" revêt une importance essentiellement émotionnelle. Or, l'émotion n'a pas tant de pouvoir qu'on ne le croit. Les séparatistes basques, les Kurdes de Turquie et les Tamouls du Sri Lanka gardent d'amers souvenirs de la répression qu'ils ont subie. Toutefois, pour les Canadiens francophones comme pour les Écossais, l'indépendance est surtout une affaire d'héritage.
L'argument de base de ces séparatistes est que l'histoire a pris le mauvais chemin il y a quelques centaines d'années. Mais aujourd'hui, leur situation est confortable : les Écossais contrôlent déjà la plupart des questions à caractère national dans leur pays, tout comme le Québec. Le PIB par habitant de l'Écosse représente 95 % de la moyenne de l'ensemble de la Grande-Bretagne. Il en est de même pour le Québec.
De toute évidence, une Écosse indépendante ou un Québec indépendant se porteraient bien sûr le plan économique. Faut-il vraiment qu'ils traversent toutes les turbulences politiques et l'incertitude économique pour au final se retrouver quasiment au point de départ ? Au Québec, la réponse à cette question a toujours été négative.
Double défaite
Le PQ a passé la majeure partie des 30 dernières années à gouverner le Québec. Deux fois seulement, il a osé tenir un référendum sur la souveraineté du Québec et il l'a perdu à deux reprises. À l'instar du PQ face aux Libéraux au Québec, le SNP pourrait se poser comme la seule alternative concrète au Parti travailliste en Écosse. Il pourrait y former un gouvernement qui restera au pouvoir presque sans interruption pendant les 30 ans à venir. Pour autant, il n'est pas dit qu'il parviendra à son objectif d'indépendance.
Après une génération d'efforts vains visant à convaincre les Québécois de voter en faveur de l'indépendance, le PQ a été relégué au statut de troisième parti aux élections québécoises de mars dernier. Le SNP a actuellement le vent en poupe, mais le sort du PQ l'attend peut-être au tournant... Il y a des chances pour que, face à son grand projet, la majorité des Écossais se disent que tous ces efforts ne servent à rien.
Il existe néanmoins une différence fondamentale. La plupart des Canadiens anglophones ont toujours voulu conserver le Québec francophone au sein du Canada et sont prêts à faire des concessions économiques et politiques majeures pour convaincre les "Canadiens français" de ne pas faire sécession. Inversement, selon un sondage récent, 59 % des Anglais sont pour l'indépendance de l'Écosse.
Les chiffres sont suspects : posez une question légèrement différente et on vous donnera une réponse sensiblement différente. Les Anglais ne sont pas particulièrement enthousiasmés par l'idée de faire sortir l'Écosse du Royaume-Uni. Indépendante, l'Écosse, qui représente moins du dixième de la population du pays, resterait membre de l'Union européenne. Alors, quelle différence cela ferait-il ?
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Gwynne Dyer est un journaliste indépendant canadien, basé à Londres, dont les articles sont publiés dans 45 pays. Son dernier livre, Futur Imparfait, est publié au Canada aux Éditions Lanctôt.
Écosse : un chemin vers nulle part
Écosse et indépendance
Gwynne Dyer21 articles
Journaliste indépendant L'auteur est un Canadien, basé à Londres. Ses articles sont publiés dans 45 pays. Son dernier livre, {Futur Imparfait}, est publié au Canada aux Éditions Lanctôt.
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