Du gaz pour les Américains

Rabaska

Olivier Bourque - Une grande partie du gaz qui serait importé vers les ports méthaniers de Gros-Cacouna et de Rabaska serait destiné au marché américain. C’est ce que croient différents spécialistes que Le Soleil a interrogés.
Selon Armel Boutard, professeur et physicien à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), le gaz naturel importé irait notamment vers les États-Unis et s’inscrirait dans une approche continentale.
Même son de cloche du côté de Patrick Gonzalez, professeur d’économie à l’Université Laval, qui ne voit toutefois aucun problème à ce que le Québec soit exportateur de gaz naturel.
« Quand on fait des meubles, est-ce qu’on se demande si on en fait trop pour le Québec ? Ça serait la même chose avec le gaz », affirme-t-il.
En fait, l’implantation d’un seul port méthanier dans le fleuve Saint-Laurent permettrait de combler de 80 à 85 % des besoins en gaz naturel du Québec, indique une autre source. Avec l’addition d’un deuxième, la province serait en position d’exportatrice et enverrait une grande partie de ce gaz vers les États américains du Nord-Est. La part de marché du gaz se situe en ce moment à 13 % au Québec.
Cette vision semble en contradiction avec les propos tenus publiquement par deux acteurs importants de Rabaska. En entrevue avec Le Soleil, Sophie Brochu, présidente et chef de la direction de Gaz Métro, affirmait que le gaz qui transiterait vers le port méthanier situé à l’est de Lévis serait destiné au Québec et à l’Ontario.
Cette semaine, dans une réponse à un journaliste du Soleil, le président de Rabaska, Glenn Kelly, a renchéri : « Rabaska a toujours affirmé que le gaz naturel importé est dédié aux marchés du Québec et de l’Ontario », a-t-il écrit.
Du côté du projet de Gros-Cacouna, le message est clair : la production ira prioritairement au Québec et en Ontario, mais on n’exclut pas qu’en cas de surplus, une partie pourrait être exporté evers les États du Nord américain.
« Le gaz pourrait être vendu ailleurs, c’est ce qu’on a toujours dit », indique Andrew Pelletier, président d’Énergie Cacouna.
Pas d’un mauvais œil
Les professeurs interrogés par Le Soleil ne voient toutefois pas d’un mauvais œil l’implantation de terminaux méthaniers. Selon eux, la production du gaz décline dans l’Ouest canadien, alors que la demande demeure élevée, exerçant une pression sur les prix.
« Avec les ports méthaniers, le prix du gaz va baisser au Québec », affirme Patrick Gonzalez.
Aussi, les professeurs ne voient pas de la même façon la place de l’hydroélectricité dans le portefeuille énergétique du Québec.
Selon M. Gonzalez, il s’agit d’une énergie « de luxe » qui ne devrait pas être utilisée de manière intensive — les Québécois sont les champions mondiaux de la consommation d’électricité. Pour Armel Boutard, il faut poursuivre et intensifier ce
développement.
« Ce n’est justement pas une énergie de luxe. C’est une énergie renouvelable, il pleut tout le temps. Le luxe, c’est le gaz », rétorque le professeur de l’UQAM.
Celui-ci estime que le Québec devrait investir massivement dans les énergies alternatives comme la géothermie et l’éolien.
MM. Boutard et Gonzalez se rejoignent en d’autres points et croient que la diversification du portefeuille énergétique du Québec est primordiale. « Mais la grande question reste à savoir si les gens d’ici reçoivent assez d’argent pour l’implantation des ports méthaniers », se demande M. Gonzalez.
« Les gens à Cacouna se font acheter pour pas cher... Pour Lévis, c’est un peu mieux », répond-t-il.
Tous les experts s’entendent également pour dire que l’approvisionnement sera le plus grand défi des ports méthaniers. Une tâche pas facile dans un contexte mondial compétitif. Au bout du compte, il se pourrait aussi que les deux projets ne voient jamais le jour par manque de fournisseurs, croit une source fiable.


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