Du coyote, du "roadrunner" et des traîtres

Autant la position attentiste péquiste que la posture matamoresque péiste condamnent présentement la cause de l'indépendance, au mieux au surplace, au pire au recul.

Référendum III

Que fait-on lorsqu'on se trouve devant une situation déplaisante dont on
n'arrive pas à sortir? La solution la plus dangereuse car la plus
illusoire et aggravante consiste à identifier la conséquence de la cause
première à la cause elle-même.
Pour ceux qui commettent cette erreur, le référendum devient nuisible
parce que l'adversaire triche. Le parti qui l'a utilisé ou tient à ce
moyen est manipulé par une cinquième colonne. Toute avancée politique,
économique ou sociale réussie par ce parti lorsqu'il est au pouvoir fait
reculer la réalisation de sa raison d'être, raisonnement présumant,
inconsciemment ou non, qu'il faut ajouter au malheur de son peuple afin
qu'il voie la lumière, etc.
La seule raison pour laquelle l'indépendance n'est pas encore advenue,
c'est, bien évidemment, que les Québécois ne l'ont pas encore voulue en
assez grand nombre, car elle est trop dure à porter psychologiquement pour
beaucoup; mais les indépendantistes purement cérébraux refusent cette
réalité, d'où le raisonnement du coyote anti-référendum dans sa guerre
contre le "roadrunner": quand il se casse la gueule, il change de moyen
sans mieux assurer ses arrières.
Le référendum de 1995 a été volé? Sans aucun doute possible. En
épluchant toutes les irrégularités, on peut raisonnablement évaluer que,
sans elles, le résultat eût donné environ 51% et quelques poussières au
"oui". Compte tenu de ce qu'une part de ceux qui ont voté "du bon bord"
croyaient, encore et malgré tout, que le Québec continuerait d'être lié
politiquement au Canada — et ceux-là n'auraient pas voté "oui" autrement —,
qu'aurait valu une telle majorité une fois enclenchées les perturbations
qui auraient suivi? On le voit à les lire, plusieurs indépendantistes
croient qu'un vote positif à 50% + 1 règle automatiquement et finalement la
question. Encore faudrait-il que cette courte majorité soit le fait de
voteurs tous convaincus de ne pas revenir en arrière peu importe les
circonstances, y compris l'intimidation armée, les mesures de
déstabilisation économique et sociale et les provocations à la guerre
civile, toutes choses qu'un appui significatif — ne fût-ce, de la part du
Canada, que pour ne pas perdre toute légitimité et toute crédibilité
internationale — préviendrait plus sûrement. Et on va nous affirmer sans
rire qu'un vote à la majorité simple de la seule Assemblée nationale
pourrait avantageusement remplacer l'adhésion populaire sous prétexte que,
voilà 141 ans, la colonie d'un empire tout-puissant, parce que ça
l'arrangeait, lui, a intégré le Canada par un tel vote?
Nous trouvons tous crucifiant de constater qu'après cinquante ans de
promotion, la nécessité de l'agir pour soi collectif n'ait pas davantage
entamé l'annexion psychologique des Québécois, leur inconstance politique
ne s'expliquant pas autrement que par leur manque de confiance en
eux-mêmes, mais on ne rendra pas un peuple autre que ce qu'il est par un
décret. Il ne suffit pas non plus de renseigner abondamment sur l'urgence
et les raisons de faire l'indépendance; même si cela fait partie des
conditions nécessaires, la conviction intellectuelle seule ne suffit pas
souvent à briser la cristallisation psychologique; il y faut le temps et
probablement autre chose itou, mais je connais mal la réponse et vous tous
également, tout en étant assuré qu'on ne fera pas manger le morceau aux
Québécois d'un seul coup alors qu'ils n'ont même pas voulu en avaler la
moitié.
On accuse facilement le Parti québécois de n'avoir pas suffisamment
renseigné le citoyen, ce qui s'avère faux, du moins depuis le MSA jusqu'à
1996, en dépit de la servilité des grands médias envers le fédéral. La
force du message s'est notablement atténuée depuis, il faut le reconnaître,
et ce parti y gagnerait beaucoup (la cause aussi) à cesser d'avoir peur de
faire peur. Là-dessus, je partage tout de même la prévention de Claude
Morin: aucun parti indépendantiste ne peut se permettre de prétendre au
pouvoir s'il se donne pour unique objectif la proclamation immédiate de
l'indépendance sitôt élu. Cette attitude ne manque ni de courage ni de
noblesse, mais, bien qu'indispensables, ces seules vertus ne suffisent pas
à garantir la continuité des autres missions de l'État pendant la période
comprise entre la proclamation et le règlement final, ce qui ne se fera pas
en six mois. Cela devrait pourtant aller de soi, les citoyens de chair et
d'os ne vivant pas dans l'absolu mais dans le concret quotidien, même ceux
qui partagent un idéal commun. Les péistes, entre autres, croiraient
démériter s'ils daignaient prendre en compte les préoccupations
terre-à-terre de la population et ses dispositions psychologiques. Ils
estimeraient trahir leur mission en proposant un programme progressif
d'accession à l'indépendance même si c'était la seule manière d'y arriver.
On pourrait presque leur prêter un leitmotiv des soixante-huitards
français: «Soyez réalistes, exigez l'impossible», attitude sympathique mais
qui correspond, par comparaison, à la toquade dramatique de l'état-major
français pendant la première moitié de la Grande Guerre: l'offensive à tout
prix sans égard aux circonstances, sauf qu'on remplace ici les armes par la
seule rhétorique, qui risque d'aboutir au même résultat: on fait des
victimes surtout dans son propre camp.
Autant la position attentiste péquiste que la posture matamoresque péiste
condamnent présentement la cause de l'indépendance, au mieux au surplace,
au pire au recul. Les chercheurs de complots et les découvreurs de
trahisons peuvent se réjouir: ils disposent de beaux jours devant eux pour
égayer la galerie, pendant que les fédéralistes et les tenants d'un Canada
unitaire feront bénéfice de tout sans même que les médias à leur solde
aient besoin de se creuser la cervelle pour chloroformer davantage le
Québec. Quand on aura fini par "prouver" aux Québécois, à force de
raisonnements tordus et de calomnies, que tous leurs leaders
indépendantistes les ont trompés, volontairement ou non, pendant quarante
ans, leur méfiance s'étendra à ceux qui viennent.
Raymond Poulin
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5 commentaires

  • Michel Guay Répondre

    13 août 2008

    Pour moi cette divison systématique est programmée et ce qui le prouve c'est la mauvaise volonté de David et de Tremblay qui agissent exactement comme agissait Dumont comme taupe fédéraliste au sein du mouvement souverainiste et comme il agissait au début de son parti ou ils invitait les souverainistes à voter pour son parti en laissant croire qu'il était souverainiste.
    Depuis Dumont à finalement montré son véritable visage hypocrite de fédéraliste à tous prix .
    David et Tremblay qui divisent les votes indépendantistes montrent chaque jour leurs mauvaises volontés évidentes en s'attaquant à la majorité des indépendantistes qui votent pour le Parti Québecois et ils n'attaquent jamais les fédéralistes Dumont et Charest. et refusent toutes les alliances électorales avec le Parti Québecois .
    Après les Commandites fédéralistes nous avons droit aux Divisionnistes fédéralistes

  • Archives de Vigile Répondre

    15 avril 2008

    J'aime beaucoup votre analyse Raymond et je la partage. À l'âge que j'ai, soixante quatre ans ( toujours cinq ans dans ma tête m'enfin comme dirait l'autre) bref, je ne suis pas certain que je verrai le jour ou le Québec sera officiellement mon pays. Mais je demeure néanmoins persuadé que le pays du Québec existera un jour.
    La vie des peuples organismes vivants comme l'est la nature, est faite de cycles et de circonstances. Rien n'est plus difficile à prévoir que l'avenir. Chaque fois que des conditions objectives se sont présentées il appert que malheureusement le pouvoir était entre les mains des adversaires de la Souveraineté. Curieux et malheureux mais véridique on en conviendra.
    Consolons nous toutefois, le peuple québécois n'est pas seul dans sa situation. Je lisais hier l'histoire du Tibet. C'est assez crocquignol mettons. Et ce n'est pas fini. Que penser de l'histoire des Irlandais d'Ulster? Et celle des Écossais, et celle des Basques? La liste est lomgueplus longue que ça...
    Lisons donc un peu l'histoire des autres, on verra que toutes ces nations sont contraintes à se battre pour se défaire de leurs servitudes. Et ce n'est pas fini.
    Comme vous je suis parfois passablement agacé par ce qui semblent être des hésitations du véhicule qu'est le PQ. Mais d'un autre côté je me refuse à condamner les leaders de la formation. Je pense simplement que pas plus que nous ils ne connaissent la recette miracle. Dans le doute abstiens toi dit la maxime.
    Mais je sais une chose aussi : ce n'est pas par la critique et la désunion qu'on pourra arriver quelque part. La marche vers la souveraineté ne peut être qu'une marche collective et c'est l'union de tous et de toutes derrière le projet que nous pourrons le réaliser.
    Oui, la iberté dont nous jouissons nous permet de créer et de multiplier les partis et les mouvements. Et dans certains cas il peut s'avérer nécessaire de le faire pour que puissent
    s'exprimer l'ensemble des nuances d'opinion propres à chacun.
    Mais créer des mouvements et des partis qui n'ont pour effet que de scinder les forces souverainistes et les diviser entre eux, ne peut que réjouir les fédéraleux et leur offrir gratos une emprise de plus sur nous tous. Et sur notre avenir comme peuple Ils sont morts de rire on le sait, en voyant la division se perpétuer chez les souverainistes. Et on a parfois l'impression qu'il y a des souverainistes qui la perpétuent avec une joie indicible qu'ils ne prennent même pas la peine de dissimuler. Ah, avoir raison....
    À quoi ça sert au juste de faire le procès de l'un et de l'autre ? Lui, c'est un vrai souverainiste. Non c'est un faux! Quand est-ce que certains vont sortir du CÉGEP et devenir adultes ?
    Moi ça ne fait pas de trous dans mes bas de penser qu'un prochain gouvernement souverainiste ne foncera pas tête baissée dans le mur. Les charges de brigade légère et les barouds d'honneur ce n'est pas ma tasse de thé. Ça finit toujours de la même manière : le désastre, l'amertume, la désolation et la réjouissance de nos adversaires.
    Ça permet à une gang de vieux chums de péter de la broue et de se rappeler le bon vieux temps, une fois que la chance est passée et qu'il ne reste plus que les souvenirs. Pis, comment ça fait avancer la cause ça ?
    J'aime mieux un PQ qui s'engage à poser des gestes concrets d'autonomie parce qu'il sait qu'il ne peut espérer gagner la mère des batailles à court terme, qu'un parti marginal qui ne peut que se casser la gueule à la première occasion et nous entraîner tous dans une défaite irrémédiable.
    Arrêtons donc de nous combattre entre nous. Arrêtons pour vrai et unissons nous pour vrai. Laissons de côté les batailles d'égo, les j'ai raison et tu as tort. Le but c'est la souveraineté du Québec et la seule façon de la réaliser c'est par la patience et l'union au moins de ceux qui sont en sa faveur.
    Un jour ou l'autre le balancier va revenir dans une position qui nous est favorable. Si ce jour là nous sommes épuisés par les luttes instestines on ne pourra pas en profiter. Une fois de plus on se sera tiré dans le pied, avec les conséquences que l'on connait davance... Alors quoi, on s'en va où ?!

  • Archives de Vigile Répondre

    15 avril 2008

    Un peu de réalisme SVP, les amis.
    La triste réalité c'est que nous avons dans les pattes cette chimère, cette créature mi-fédéraliste mi-nationaleuse, assise entre deux chaises, qui s'appelle l'ADQ. Il faudra s'attaquer à plus important; Mario Dumont, l'imposteur. La liquidation politique de l'ADQ et la construction d'une vaste coalition nationale est bien urgent que toutes ces questions.
    Je comprends parfaitement la frustration et la rage des militants dans le PI, vous savez pas comme le PQ m'enrage parfois! Mais ? Mais il est hors de question d'attendre éternellement dans l'opposition alors que nos adversaires prennent un malin plaisir à gonfler cette poupée gonflable, cette outre vide qu'est l'ADQ et noyauter le Québec scandaleusement !
    Nous manquons vraiment de sens de priorité au PQ, comme au PI, comme à Québec Solidaire. Tout le monde parle de solidarité au Québec, mais personne ne la pratique, surtout dans le camp nationaliste et indépendantiste. Pendant ce temps les renards libéraux fédéralistes s'occupent de la bergerie. Inadmissible !

  • Archives de Vigile Répondre

    14 avril 2008

    Félicitations M. Poulin, rien à redire sur votre analyse du mouvement indépendantiste, tout est clair pour ceux qui veulent bien lire et comprendre à la palce de s'entêter.
    Entendre dire et voir écrire par des indépendantistes, depuis quelques temps, que le PQ n'a jamais été réellement indépendantiste ou souverainiste, "ce qui est synonyme", est très surprenant. Messieurs Trudeau et Chrétien, si on considère la force avec laquelle ils ont combattu le PQ en 1980 et 1995, eux, devaient penser que le PQ était vraiment indépendantiste et même, full-séparatiste.
    Vous écrivez : «Compte tenu de ce qu’une part de ceux qui ont voté "du bon bord" croyaient, encore et malgré tout, que le Québec continuerait d’être lié politiquement au Canada».
    Ma réponse : Ce n'était pas simplement une fausse impression, c'était vrai ça parce que dans la question de 1995, ce qui était absent dans cette de 1980, il y avait une offre de partenariat politique à négocier avec le ROC en plus du partenariat économique, présent dans les 2 questions. En 1995, nous aurions alors obtenu une confédération canadienne, si le ROC avait accepté, tout en ayant un État souverain ou indépendant pour tout ce que nous aurions décidé de ne pas confier à l'organisme central mais le PQ a plus tablé alors sur la souveraineté que sur le mot confédération "ce qui aurait aidé à mon avis" ce qui laissait l'impression à la majorité de Québécois qu'en votant OUI, on se séparait complètement du Canada, que l'on détruisait le beau grand pays et que nous aurions probablement de frontières avec douaniers avec l'Ontario et le Nouveau-Brunswick. Les fédéralistes ont forcé pour bien entrer la chose dans la tête des Québécois et leur faire plus peur : NOUS NE NÉGOCIERONS PAS D'ASSOCIATION...POINT.
    Même en offrant de conserver des liens politiques avec le ROC, les Québécois pensaient que le PQ allait encore trop loin avec la souveraineté parce qu'ils ne se sentaient pas assez menacés et/ou martyrisés par le ROC, en assez grand nombre, pour prendre le risque de boycott économique et de partition de son territoire que faisait planer une courte victoire du OUI.

  • Archives de Vigile Répondre

    14 avril 2008

    Le jour où l'on comprendra que Lévesque, Jonhson, Bouchard, Landry, Boisclair et Marois n'étaient pas des indépendantistes mais des «confédéralistes», on aura compris que les indépendantistes n'ont eu, dans les faits, qu'un SEUL chef indépendantiste qui ne craignait pas d'affirmer ses convictions personnelles. J'ai nommé Jacques Parizeau.
    Faire ce constat, demande énormément d'humilité. Demande de reconnaitre que certaines erreurs ont été commises depuis la fondation du PQ en 1968.
    Il ne s'agit pas de chercher des complot, à gauche, à droite. Il s'agit d'admettre tout simplement les faits. Le pire, c'est qu'il y a des gens qui s'affirment indépendantistes et qui se permettent de porter des jugements sur des personnes qu'ils ne connaissent que par des personnes interposées.
    Au temps de Monsieur Lévesque, on pouvait au moins se rencontrer dans des forums ou congrès où les militants se bousculaient. Aujourd'hui, les rencontres sont filtrées et les membres ne discutent plus entre eux. Être contre une proposition c'est, dans l'esprit de plusieurs, devenir des crypto-fédéralistes à la solde des forces occultes de la finance. La confiance ne règne plus et l'enthousiasme a disparu. Les assoiffés du pouvoir ont pris toute la place. Ils ne le reprendront plus puisque les plus fervents militants sont partis ailleurs.
    Pierre B.