Le fédéral sur le sentier de la guerre...

La prochaine bataille référendaire vient de commencer

Attention ! Les coups vont voler bas

Chronique de Richard Le Hir

Il ne faut pas s'y tromper, la nomination de David Johnston comme prochain gouverneur général marque bien la reconnaissance par le gouvernement fédéral que le dossier constitutionnel est de nouveau d'actualité à Ottawa.
Choisi au terme d'un processus de sélection extrêmement rigoureux – il s'agissait de ne pas répéter l'erreur de Paul Martin qui avait procédé à la nomination de Michaelle Jean sans faire de vérifications suffisantes sur son mari, Jean-Daniel Lafond, devenu rapidement une source d'embarras – le nouveau gouverneur général est un universitaire de renom, juriste spécialisé en questions constitutionnelles, parfaitement bilingue, qui aurait été un excellent choix si ce n'était du fait qu'il était co-président du Comité du non de Montréal lors du référendum de 1995, et que ce seul élément en fait une figure de division au Québec.
Stephen Harper, qui est tout sauf un imbécile, en est parfaitement conscient, et s'il a fait ce choix, c'est par stratégie délibérée. N'étant point homme à reculer devant une bataille, Harper sait que l'heure d'un nouvel affrontement avec les « séparatistes » québécois vient de sonner, et que les astres s'enlignent depuis un certain temps pour qu'il s'agisse de « la mère de toutes les batailles ». Ce sera en effet la dernière pour les deux camps, et il ne peut y avoir qu'un seul vainqueur. Il a donc besoin au poste de gouverneur général d'une « main sûre », car sa position de chef d'un gouvernement minoritaire le rend particulièrement vulnérable à toutes sortes de dérapages.
***
Les Québécois auraient tort de s'imaginer que cette bataille se résumera à une campagne référendaire de trente jours au terme de laquelle on vote et puis c'est fini. Les enjeux pour Harper, le gouvernement fédéral, et le Canada tel que nous le connaissons présentement, sont beaucoup trop importants pour que le camp adverse ne répète les erreurs du passé. Cette fois-ci, la campagne référendaire ne sera que le dernier acte d'une pièce bien montée, et il n'est même pas certain qu'il s'agira d'un référendum déclenché à l'initiative du Gouvernement du Québec. Si le gouvernement fédéral croit à un moment à la possibilité de l'emporter, il passera par-dessus la tête du gouvernement du Québec pour consulter lui-même la population du Québec et lui demander de se prononcer sur le maintien ou non du lien fédéral en vertu de sa propre loi référendaire http://www.canlii.org/fr/ca/legis/l....
La tentation pourrait lui en venir bientôt, dans le cadre du débat que suscitera l'opinion de la Cour suprême dans le référé sur le droit du gouvernement fédéral de mettre sur pied une commission « nationale » des valeurs mobilières. L'enjeu est considérable, car, comme le souligne un rapport d'expertise déposé en Cour d'appel du Québec (qui étudie en ce moment cette question) produit à la demande de l'Alberta (elle aussi opposée au projet fédéral) par le professeur Thomas Courchene, car le projet fédéral « va mettre en péril le modèle socioéconomique québécois » (Le Devoir, 10 juillet, p. B-1).
Le gouvernement fédéral semble donc prêt à jouer le tout pour le tout. Les nouvelles réalités économiques l'obligent à concentrer entre ses mains le plus de pouvoirs économiques possibles, et la mondialisation lui fournit l'occasion toute rêvée d'élargir le pouvoir que lui donne l'article 91.2 de la Constitution de légiférer en matière de « réglementation du trafic et du commerce ».
Le gouvernement fédéral sait parfaitement que sa démarche heurte de front « une certaine idée du Québec », mais cette idée n'est justement pas la sienne, et il estime n'avoir plus guère le choix de prendre le taureau par les cornes, en prenant le risque que ça passe ou ça casse. Il faut même se demander si l'espèce d'endormissement dans lequel on a tenté de plonger les velléités autonomistes du Québec ces dernières années ne participaient d'une stratégie précisément conçue pour conditionner les esprits à un tel coup de force.
***
En attendant, il faut s'attendre à voir le gouvernement fédéral tenter par tous les moyens de « libérer » le Québec de l'emprise du Bloc Québécois dont la présence le contrecarre directement dans ses visées. Comme la chose n'apparaît pas évidente a priori, il faut s'attendre à l'emploi de moyens « détournés ». Ceux d'entre vous qui seraient sceptiques devant la possibilité que le fédéral emploie ce genre de tactiques feraient bien de se rappeler d'Option-Canada, cette officine des coups tordus qui avait été mise sur pied à l'occasion de la campagne référendaire de 1995, et qui elle aussi avait été confiée à des « mains sûres », Claude Dauphin du PLC, maintenant à la Ville de Montréal, et Pietro Perrino, ancien cadre du PLQ et chef de cabinet de plusieurs ministres libéraux, que l'on a vu récemment resurgir sans l'affaire Tomassi-BCIA en tant qu' « ami » du ministre Tomassi, d'administrateur de deux fonds régionaux (FIER) financés par le gouvernement du Québec qui ont investi dans BCIA http://ruefrontenac.com/nouvelles-g..., dont il est aussi lui-même administrateur.
Pour avoir moi-même subi quelques tentatives de déstabilisation de la part de ce groupe pendant l'année référendaire en 1995, j'ai une bonne idée de ce dont les fédéralistes sont capables pour miner la crédibilité de leurs adversaires. Leurs tactiques sont tout droit importées des États-Unis, et, pour sa part, le gouvernement Harper ne fait même pas mystère de s'en inspirer. Il faut donc s'attendre à ce que les coups volent très bas et très dur. Les députés du Bloc sont dans la mire.
Auteur : Richard Le Hir


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15 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    15 juillet 2010

    Jean Charest est en campagne électorale depuis plusieurs semaines.
    Il a donné le signal lorsqu'il a réglé avec le Front commun des syndicats. Curieux règlement, n'est-ce pas ? Qui aurait pu croire ça ? Les loups syndicaux soudainement se sont transformés en moutons. Et depuis, ils sont silencieux. Ont-ils été achetés?
    Et l'affaire de la procréation.
    Et l'affaire des super infirmières.
    ET j'en oublie certainement.
    Les fédéraux désirent qu'il se présente pour un 4e mandat, afin qu'il poursuive sa mission inique.

  • Lionel Lemay Répondre

    14 juillet 2010


    Entièrement d'accord avec le commentaire de M. Pierre Schneider.
    Est-ce que les instances supérieures du PQ vont enfin comprendre qu'il faut changer de cap, oublier le mode référendaire et commencer à placer les pions pour établir les bases solides du nouveau pays que les opposants fédéralistes et le ROC ne pourront pas démolir et qui seront adoptées d'emblée par les Nations Unies.

  • Pierre Schneider Répondre

    13 juillet 2010

    Si le fédéral imposait un référendum au Québec, comme vous envisagez ce scénario, il se tirerait une balle dans son pied d'argile car les 100 députés souverainistes pourraient combattre avec succès cette nouvelle intrusion fédérale dans les affaires du Québec.
    Quant à un autre référendum initié par les souverainistes, je crois fermement que ce serait une erreur monumentale et suicidaire pour la survie du Québec francophone. Pourquoi ? Parce que le peuple, monsieur LeHir, n'en veut pas de référendum traumatisant où les dés sont pipés.
    Par ailleurs, une Assemblée nationale à majorité indépendantiste pourrait fort bien adopter une constitution de république francophone, démocratique et laïque et ENSUITE faire appel au peuple pour entériner une proclamation de cette deuxième République, la première ayant été proclamée par le patriote Robert Nelson.
    On m'objectera sûrement que dans le système actuel, le Québec n'a pas le droit de destituer le Lieutenant gouverneur et que la province est dépendante de la Cour suprême, mais je prétends humblement que lorsqu'il n'y aura plus que ces deux derniers obstacles à franchir, l'Indépendance sera à portée de main, ainsi que la reconnaissance internationale.
    On ne peut quand même pas se soumettre à la Cour suprême du pays néo colonialiste que l'on veut quitter.
    Et si les députés du Bloc décidaient de quitter Ottawa et de venir remettre sur pied à Montréal le Parlement du Bas-Canada qui fut incendié par les Anglos et déménagé à Ottawa sur ordre de la Reine D'Angleterre ? Il me semble que le message serait clair.
    L'indépendance et la république, on doit les proclamer, pas les négocier avec
    l'ennemi. C'est ma plus profonde conviction.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 juillet 2010

    Depuis le 12 juillet 2010, la composition de l'Assemblée est la suivante :
    * Parti libéral du Québec (chef : Jean Charest) : 66 députés. Ce parti forme le gouvernement.
    * Parti québécois (chef : Pauline Marois) : 51 députés. Ce parti forme l'opposition officielle.
    * Action démocratique du Québec (chef : Gérard Deltell) : 4 députés.
    * Québec solidaire : 1 député.
    * Indépendants : 3 députés.
    http://www.assnat.qc.ca/fr/deputes/index
    JCPomerleau

  • @ Richard Le Hir Répondre

    13 juillet 2010

    Message @ Xavier DB,
    Merci de vos précisions.
    Si vous êtes le moindrement familier avec les rivalités qui sévissent dans le mileu universitaire, vous êtes en mesure de comprendre le commentaire du titulaire de la chaire de droit constitutionnel de McGill qui voit sûrement avec une certaine envie un "rival" lui ravir un poste dont il croît qu'il aurait fort bien pu l'occuper lui-même. Le fait est que, sans nécessairement avoir enseigné le droit constitutionnel, M. Johnston ne peut pas avoir fait la carrière qu'il a faite sans en avoir une connaissance d'un niveau très supérieur. Et le fait que ces connaissances se combinent à une expertise réelle dans le domaine des valeurs mobilières, l'enjeu de la prochaine bataille constitutionnelle, ne fait que renforcer mon argument. Compte tenu des services qu'il a déjà rendu au gouvernement Harper, il est même tout à fait possible qu'il ait joué un rôle majeur dans le développement de la position du gouvernement fédéral dans ce dossier.
    Richard Le Hir

  • Archives de Vigile Répondre

    13 juillet 2010

    La majorité du PLQ n'est pas de 10 députés mais bien de quelques uns. Le député Paradis s'est absenté lors du derniers vote de censure et le président de l'Assemblée nationale ne vote que s'il y a égalité. La game est plus serré que l'on pense, et la chute du gouvernement est une perspective réaliste.
    JCPomerleau

  • Gilles Bousquet Répondre

    13 juillet 2010

    M. JCPomerleau, le gouvernement PLQ Charest ne va pas tomber facilement. Il n’a que 19 mois et il lui reste environ 40 mois pour aller au bout de son mandat. Avec les sondages actuels, il serait bien fou de déclencher des élections.
    La seule chose qui pourrait le faire tomber serait une dizaine de ses députés qui s’en iraient joindre le PQ de Mme Marois ou l’ADQ de M. Deltell pour rendre le PLQ minoritaire.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 juillet 2010

    Nous sommes prêts Charest.
    « L'art de la guerre, c'est de soumettre l'ennemi sans combat. »
    Sun Tzu

    Extrait de L'Art de la guerre
    Depuis 1976, il n'y a jamais eu de trève. J'allais écrire depuis 1763...je crois que c'est plutôt depuis la dernière date.
    Je crois que le PQ et les autres forces indépendantistes et autonomistes convaincus ont beaucoup appris du passé.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 juillet 2010

    J'aime beaucoup votre analyse. Cependant, David Johnston n'est pas un spécialiste de la question constitutionnel contrairement à ce que certains ont avancé. Du moins, c'est ce que l'on peut lire dans le Devoir du 9 juillet.
    «Son expertise est dans le domaine du droit des valeurs mobilières, le droit des corporations et le droit des affaires.»
    http://www.ledevoir.com/politique/canada/292273/l-empathie-comme-signature-portrait-du-nouveau-gouverneur-general-du-canada

  • Archives de Vigile Répondre

    13 juillet 2010

    Le PLQ devrait perdre plusieurs députés dans la région de Québec suite à la campagne pro Bellemare de la radio X. Celon eux le sondage pour la région est de 31 % PQ; 31 % ADQ et un maigre 17 % PLQ. Eux sont en mission pour démolir Charest et le PLQ et positionné l'ADQ.
    Faut pas oublier que c'est là que c'est joué la majorité de Charest qui a raflé les comté appartenant à l'ADQ.
    Maintenant reste à faire tomber le gouvernement et provoquer des élections. Ce qui pourrait arriver plus vite que l'on pense. C'est d'ailleurs sur cet objectif que le mouvement devrait ce concentrer car la situation est grave.
    JCPomerleau

  • Gilles Bousquet Répondre

    13 juillet 2010

    Le PQ a légèrement augmenté, entre 2 sondages de Léger marketing, de 40 % à 41 % pendant que le dernier sondage sur les intentions de vote sur la souveraineté du Québec étaient à 42 % en février 2010. Normal.
    Le PLQ est passé de 37 % à 30 % et l'ADQ de 8 % à 13 %.
    C'est donc l'ADQ qui hérite des votes du PLQ.
    Les intentions de voter OUI était à 42 % en février dernier, ça devrait se maintenir.

  • Gilles Bousquet Répondre

    13 juillet 2010

    M. Ménard écrit : «La conjoncture générale favorise le camp souverainiste. Harper le sait. C’est à nous Souverainiste de bien jouer nos billes...»
    Attention, la conjoncture défavorise le PLQ, ce qui devrait aider le PQ à gagner la prochaine élection provinciale, par la division des votes fédéralistes. Les récents sondages de Léger Marketing semblent le prouver comme suit :
    Février 2010
    40 % PQ
    37 % PLQ
    9 % ADQ
    Et en juin 2010
    41 % PQ
    30 % PLQ
    13 % ADQ
    Les autres partis, Québec solidaire, les Verts et le PI se séparent les miettes.
    Ce qui précède, si les données sont représentatives et, elles devraient normalement l’être, veut dire que la débâcle du PLQ se fait plus à l’avantage de l’ADQ de M. Deltell qui est un parti fédéraliste…normal qu’un fédéraliste s’en aille, à moins d’être convaincu de changer d’option constitutionnelle, vers un autre parti fédéraliste parce qu’il ne peut plus endurer la moralité de son parti.
    La récente élection dans Vachon n’est pas représentative de ce qui semble se passer au Québec, en entier.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 juillet 2010

    « Les velléités de l’autonomisme du Québec », écrivez-vous, monsieur Le Hir.
    Voilà où réside précisément la force de nos ennemis.
    Ce sont nos tergiversations qui forgent leurs munitions.
    Seule, comme l’histoire le montre, la détermination d’un peuple à se libérer des jougs de toute nature qui l’asservissent, constitue l’arme victorieuse de la guerre qu’on lui livre. Or, cette détermination ne peut être maintenue que dans une lutte menée avec lucidité et courage par ses instances dirigeantes.
    Ces instances existent-elles actuellement ? Poser la question…………….., n’est-ce pas?
    Cela dit, je vous sais gré, monsieur Le Hir de mettre si brillamment en lumière les motifs qui ont guidé Harper dans le choix de Jonhston comme prochain gouverneur général.
    Andrée Ferretti.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 juillet 2010

    J'ai écris un billet ici http://lumenlumen.blogspot.com/2010/07/harper-declare-la-guerre-aux.html jeudi dernier le 8 juillet traitant à peu près du même sujet.
    Tout ce que vous dites est vrai, toutefois j'ajouterai qu'il y a une autre explication à ce branlebas de combat.
    La conjoncture générale favorise le camp souverainiste. Harper le sait. C'est à nous Souverainiste de bien jouer nos billes...

  • Archives de Vigile Répondre

    13 juillet 2010


    D'où nécessité urgente pour nous de posséder à fond
    nos arguments statutaires et nos arguments principes.
    JRMS