Le prince de Galles a été accueilli chaleureusement par la population de Québec en 1908. (Photo fournie par le Musée de la Civilisation)
La commémoration l'an prochain du 400e anniversaire de la fondation de Québec a donné lieu à un chassé-croisé sur la signification que le comité organisateur devrait donner à la célébration. Pour les uns, la fête doit signifier la naissance de la nation québécoise ou de la francophonie québécoise alors que pour les autres elle doit comporter une dimension pancanadienne.
Le site web du gouvernement du Canada fait valoir que «Fêter Québec, c'est aussi fêter le Canada et les citoyens de toutes origines!» Et pourquoi pas alors y inviter sa majesté Élisabeth II, toujours reine du Canada, en y ajoutant une touche de multiculturalisme. Ou encore mettre en évidence, comme le suggérait dernièrement le commissaire aux langues officielles du Canada, le rôle des francophones de l'extérieur du Québec et des anglophones du Québec dans l'histoire du Canada et du Québec. Après tout, le Québec fait toujours partie du Canada et le gouvernement fédéral contribue financièrement et substantiellement à la fête.
Une commémoration historique ne signifie pas uniquement de rappeler des événements importants du passé, elle est aussi l'occasion de s'arrêter sur leur signification et de transmettre un message. Elle devient alors un ingrédient essentiel à la construction et à l'interprétation d'une mémoire collective. Le rappel de la fondation de Québec touche de nos jours une corde sensible car il évoque la naissance d'une identité collective. Sera-t-elle finalement l'évocation de la naissance de la nation québécoise ou canadienne?
Les fêtes de 1908
Il est intéressant et instructif de rappeler la signification donnée à la célébration de la fondation de Québec en 1908 alors que la ville célébrait son tricentenaire. Les thèmes retenus pour la fête et les discours prononcés à cette occasion sont révélateurs de la conception que la classe politique se faisait alors de l'identité québécoise et des valeurs qu'elle privilégiait. Le nationalisme québécois avait alors une orientation qui tranche avec celui qu'on veut mettre de l'avant à l'occasion du 400e anniversaire.
L'historien H. V. Nelles, qui a rédigé un excellent volume sur le tricentenaire, estime que le faste de cette célébration n'a pas eu d'égal au Canada avant les fêtes entourant le centenaire de la Confédération, en 1967. Parmi les manifestations, soulignons l'escadre de plusieurs navires de guerre aligné sur le fleuve, la marche de plus de 15 000 miliciens et matelots défilant dans les rues de Québec et le pageant historique rassemblant plus de 4000 participants en costume d'époque illustrant l'histoire du Québec et du Canada. Outre le vice-président des États-Unis, l'invité d'honneur était le prince de Galles, futur George V, que la population accueillit chaleureusement.
Autre temps, autre aspiration, c'est la Société Saint-Jean Baptiste de Québec qui avait convaincu les gouvernements d'une célébration grandiose qui devait revêtir un caractère plus large que celui d'évoquer uniquement l'histoire de Québec ou du Canada français. Elle plaidait pour insérer la fête dans un contexte plus large faisant de Québec, le «berceau» du Canada dans son entier, question de bien montrer au Canada anglais que les francophones étaient à l'origine du Canada. (...)
La commémoration de 1908 est également révélatrice de la perception que les Canadiens français se faisaient alors de la monarchie et des institutions britanniques. Dans son adresse de bienvenue au prince de Galles, le maire de Québec, Georges Garneau, se faisait l'interprète des Canadiens français, reconnaissant envers la France, «toujours aimée», et l'Angleterre «qui leur a laissés libres de grandir en gardant leur foi, leur langue et leurs institutions, et qui les a dotés d'un régime constitutionnel fondé sur la plus grande somme de libertés, et qui est, sans contredit, le plus beau et le plus parfait du monde». Et le ministre Adélard Turgeon représentant le gouvernement du Québec de renchérir dans la même veine, disant la loyauté et le profond attachement des Canadiens français pour la Grande-Bretagne, qui a manifesté la plus grande libéralité envers eux.
En fait, ces politiciens reflètent le sentiment largement dominant à l'époque où on tient en haute estime la monarchie et les institutions britanniques parce qu'elles ont permis l'acquisition du système démocratique de gouvernement, une certaine autonomie politique pour le Québec et la sauvegarde et le développement du Canada français. (...)
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Jacques Rouillard
L'auteur est professeur titulaire au département d'histoire et responsable du programme en études québécoises de l'Université de Montréal.
Du 300e au 400e
La présence de la monarchie britannique en 1908, lors du tricentenaire de Québec, n'avait causé aucun problème, au contraire.
Québec 2008 - 400e anniversaire de la fondation du Canada?...
Jacques Rouillard11 articles
Professeur au département d'histoire et responsable du programme en études québécoises de l'Université de Montréal
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