Des verrues au parlement

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Erreurs architecturales à l'Assemblée nationale


Depuis le début des travaux d’agrandissement à l’Assemblée nationale il y a trois ans, je crains le pire.


C’était la première fois depuis 1917 qu’on osait intervenir sur l’Hôtel du parlement et l’agrandir. Or, je ne fais pas confiance à notre époque en matière de patrimoine bâti.


Malgré les institutions et les budgets consacrés à sa protection, on dénature, on démolit et on détruit à qui mieux mieux au Québec : églises, maisons ancestrales, etc.


Certes, il est plus facile de s’en plaindre que de trouver de nouvelles vocations ou de financer conversions et réparations. N’empêche, ça brise le cœur. Le « patrimoine », c’est bien plus que le maintien ou non d’un crucifix au salon bleu.


Le pire ?


À l’aube de l’inauguration des nouvelles installations parlementaires à Québec, peut-on dire que le pire s’est produit ? Globalement, non. La nouvelle entrée s’annonce magnifique (surtout de l’intérieur) ; les nouvelles salles de commission parlementaire sont bien dissimulées en sous-terrain.


Mais il y a des verrues bien de notre époque.


Il faut déplorer la disparition de la fontaine des Abénaquis, devant la porte centrale. Son beau grand bassin jouxté de verdure fut transformé en « bain de pied » (dixit l’historien Gaston Deschênes, dans Le Devoir) entouré de pavés pour le « Pêcheur à la nigog ».


Autre verrue : une sorte de poste-frontière énorme noir a été installée à l’arrière, au nord-ouest de l’édifice, près de l’arche de la passerelle reliant le parlement à la bibliothèque.


Ce « Checkpoint Charlie » (comme l’appelle déjà un collègue), où tout un chacun devra montrer patte blanche, remplace une petite guérite discrète dont les matériaux rappelaient respectueusement ceux du parlement : pierre et tôle galvanisée.


Sécurité


Depuis l’attentat au parlement d’Ottawa en 2014 et l’irruption d’une femen dans une conférence de presse en 2015, la sécurité est devenue une quasi-obsession à l’Assemblée nationale (AN).


Peu après la tuerie de 1984, les élus promettaient que la maison du peuple demeurerait accessible. Les temps ont changé : le 6 mai 2015, le président de l’AN, Jacques Chagnon, annonçant les travaux, soutenait que désormais, les parlements doivent être des forteresses... « ouvertes ».


Or, non seulement la nouvelle guérite rebute le visiteur, mais elle bloque une enfilade d’arches : la passerelle joignant les édifices Laurendeau et Panet faisait un clin d’œil à celle du parlement. Et un autre édicule carré moderne, à l’extrémité d’un nouveau tunnel, a été accroché à l’édifice Pamphile-Lemay, bloquant une perspective sur les Laurentides.


Si le souci de construire en sous-terrain devant le parlement doit être salué, les trois verrues soulignées ici découlent d’une sorte d’indifférence de l’architecture moderne aux lieux patrimoniaux où elle atterrit.


Ce n’est pas la première fois que notre pauvre Assemblée nationale en pâtit.


À Washington et Ottawa, entre autres, on ne peut construire plus haut que l’édifice parlementaire.


À Québec, il y a eu le Hilton et le complexe G., des pieds de nez permanents du modernisme au lieu emblématique de notre démocratie.