Des nouvelles du PQ ?

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«Les plus belles idées peuvent connaître un bien mauvais sort sans figures fortes pour les incarner»

C’est donc Bernard Drainville qui s’est lancé le premier. Pas nécessairement de la manière la plus originale, mais de manière franche. Dans la course à la chefferie qui s’annonce au PQ, il veut occuper le créneau de l’indépendantisme résolu. Sa manière de le dire a toutefois un petit parfum de déjà vu : il ne veut plus qu’on parle de souveraineté mais d’indépendance, pour qu’on cesse d’édulcorer l’option. Il n’en demeure pas moins que cette sortie a une vertu : celle de rappeler aux candidats possibles à la course à la chefferie du PQ qu’ils ne peuvent reporter éternellement leur entrée en scène. La saison politique qui s’ouvrira à Québec à l’automne sera fondamentale, elle mettra en scène certains enjeux qui structureront le débat politique des prochaines années, et d’une certaine manière, elles devront se traduire d’une manière ou d’une autre dans la course au PQ. J’en explore ici certains.
Le premier pose la question de l’existence même du PQ. Les candidats considèrent-ils son existence menacée oui ou non ? Considèrent-ils que la dernière défaite est révélatrice d’une crise structurelle ou considèrent-ils inversement qu’il s’agit d’un accident électoral qu’il faut relativiser, le bipartisme PQ-PLQ étant appelé à reprendre ses droits dans quatre ans? De ce diagnostic dépendra évidemment les stratégies à mettre de l’avant pour redresser le parti souverainiste. Il faut bien savoir que cette question ne se pose pas abstraitement : le statut de grand parti nationaliste, qui est celui du PQ depuis le début des années 1970, lui est contesté par la CAQ qui voudrait lui réserver le même sort qu’a connu l’Union nationale dans les années 1970. On peut bien répondre, comme le font bien des militants, que la CAQ n’est pas vraiment nationaliste, mais une portion significative de l’électorat semble décidée à lui faire confiance et reconnaître dans son discours, à tort ou à raison, un nationalisme pragmatique qui correspond bien au contexte socio-économique dans lequel se trouve actuellement le Québec.
La question de l’existence du PQ en appelle une autre: celle de l’avenir du projet souverainiste. Reste-t-il au cœur de l’identité du PQ? Et si oui, comment le redéployer. Quel statut le PQ doit-il lui reconnaître? S’agit-il d’un projet politique qu’on entend mettre au cœur de l’offre électorale du PQ ou s’agit-il d’un idéal lointain qui ne doit pas se retrouver au cœur du discours péquiste? On a vu, lors de la dernière campagne électorale, à quel point pouvait devenir pathétique un souverainisme aseptisé, étouffé, honteux, qu’on revendique devant les militants et qu’on veut cacher devant l’électorat. En cette matière, plusieurs positions sont possibles, mais se promener la mine basse avec une option honteuse devant l’électorat n’en est pas une. Il ne s’agit pas de savoir si le PQ doit devenir le parti d’une seule idée ou un simple parti provincial rêvassant à la souveraineté – cette alternative est si tranchée qu’elle est caricaturale – mais un choix stratégique doit s’opérer. Faut-il gagner grâce à la souveraineté ou malgré elle? Ceux qui pencheront pour la première réponse devront expliquer aussi par quelle pédagogie ils entendent convaincre les Québécois de renouer avec une question nationale qu’ils sont tentés d’abandonner.
On a beaucoup parlé du débat gauche-droite ces dernières années. Le PQ doit-il se définir comme une coalition de souverainistes de gauche et de droite ou comme un parti social-démocrate, clairement ancré à gauche? La gauche est-elle consubstantielle à l’identité du parti? Évidemment, chacun peut proposer sa propre synthèse politique pour conjuguer le redressement de l’État, la croissance économique et la justice sociale. Cette question se concrétisera, par exemple, à travers le débat sur les retraites. Comment le PQ s’y positionnera-t-il? La question se posera aussi aux candidats. Il y aura d’autres débats. Mais cela porte aussi à conséquence sur l’électorat que le PQ entend viser pour se construire une nouvelle majorité. On peut poser la question encore plus concrètement : comment les souverainistes peuvent-ils regagner les 450? On a là un électorat naturellement nationaliste, qui se reconnait dans le grand parti du Québec d’abord, mais qui est manifestement étranger à un modèle social-technocratique épuisé. Comment renouer avec cet électorat? C’est lui qui, à bien des égards, porte l’avenir du nationalisme québécois. Les péquistes devront aussi se rappeler qu’à moins de multiplier les acrobaties argumentatives, on peut difficilement plaire à la fois aux électeurs tentés par la CAQ et à ceux tentés par QS. Ils devront encore ici clairement déterminer leur orientation.
Enfin, il faudra revenir sur la question identitaire. Quel bilan le PQ fait-il du débat sur la Charte des valeurs? Considère-t-il toujours que la question identitaire est fondamentale, et qu’il doit poursuivre, à travers de nouvelles propositions, la critique du multiculturalisme et la défense de l’identité québécoise, ou s’est-il laissé convaincre par le système médiatique et l’intelligentsia multiculturaliste qu’il s’était égaré dans un dossier honteux et nauséeux, qu’il faudrait désormais enfermer dans une pièce et fermer la porte à double tour? Le PQ poursuivra-t-il dans la lutte contre le régime multiculturaliste ou se laissera-t-il à nouveau neutraliser par lui? On sait que le caucus était divisé sur la Charte. Que faire de ce qui en reste? Il ne s’agit évidemment pas de reprendre la Charte telle quelle, mais d’assumer le créneau identitaire auquel elle cherchait à donner une expression politique convaincante. Et plus largement, quelle vision de l’identité québécoise mettre de l’avant? Comment penser l’intégration des immigrants? À qui doit-on les intégrer et quelles mesures privilégier pour atteindre les objectifs fixés? Quelle analyse fait-on du statut du français à Montréal? Ces questions, on le sait, sont particulièrement sensibles médiatiquement. On verra alors quel rapport les candidats à la direction du PQ entretiennent avec la rectitude politique.
J’ai retenu ici certains des grands clivages à travers lesquels la course à la chefferie du PQ prendra forme. On se demandera aussi comment le PQ entend mener cette course. La tentation est forte, dans ce parti, de psalmodier des slogans, de multiplier les incantations et de passer des tests de pureté idéologique. Il devra certainement s’en garder, tout comme il lui faudra éviter de transformer cette course en un immense colloque où les souverainistes militants, dans le langage très particulier qui est le leur et qu’ils sont souvent les seuls à comprendre, débattront de l’avenir de la nation en croyant l’incarner, sans se rendre compte qu’ils s’en isolent de plus en plus. Ils devront se tenir loin du purisme idéologique, sans basculer dans la petite politique politicienne ordinaire. C’est un nouveau projet politique qui doit sortir de cet exercice. On pourrait résumer le tout d’une question : comment le PQ peut-il redevenir l’expression dynamique et convaincante du nationalisme québécois? On conviendra qu’il n’y a pas de solution magique, mais seulement un immense effort à mener. Il faudra aussi des hommes et des femmes pour incarner non seulement ce renouveau, mais cette renaissance. La qualité des membres du présent caucus péquiste laisse au moins espérer que le PQ pourrait être à la hauteur de la tâche. Car le choix d’un chef n’est pas qu’une affaire d’idéologie : c’est un leader qu’on choisit, avec son caractère, son charisme, sa vision, sa résolution. Les plus belles idées peuvent connaître un bien mauvais sort sans figures fortes pour les incarner.


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