Délires électoralistes et bonbons à saveur de constitution

PQ - XVIe congrès avril 2011

Délires électoralistes et bonbons à saveur de constitution
Après les échecs de Meech et Charlottetown, un bouillonnement indépendantiste sans précédent caractérisait la société québécoise. Certains rêvaient même que le premier ministre libéral d’alors, Robert Bourassa, déclenche lui-même un référendum sur la souveraineté du Québec. Il ne l’a pas fait. Mais, une chose certaine, il a compris l’ampleur du fossé entre les demandes traditionnelles du Québec et ce qu’Ottawa et le reste du Canada étaient prêts à offrir. À cette époque, comme jamais auparavant…et jamais après, les politiciens québécois formaient un bloc homogène et revendicateur des dus du Québec auprès d’Ottawa. Solidarité, leadership et pugnacité étaient alors le leitmotiv des citoyens et de leurs élus. Hélas, les temps ont bien changé.
Le premier ministre actuel, Jean Charest, n’occupe plus cette position de force face à Ottawa. Le gouvernement fédéral considère autant le gouvernement Charest qu’une moquette sur laquelle on s’essuie les pieds dans un vestibule d’entrée. Jamais le Québec n’aura été aussi à-plat-ventre devant le fédéral. Pire encore, quand il se trouve un élu pour dénoncer une position du fédéral, il se fait châtier bien rapidement. Le cas le plus récent est celui du maire de Québec, Régis Labeaume, qui a affirmé qu’il n’avait pas besoin du fédéral pour réaliser son projet d’amphithéâtre. Or, l’attaché politique du député libéral de Vanier a traité M Labeaume de « petit perroquet péquiste vaniteux ». Même si cette déclaration aura fait perdre l’emploi à l’homme en question, elle démontre néanmoins la grande absence d’une position ferme face aux aberrations de plus en plus grandes qui découlent du régime fédéral.
Si cette position est en grande partie due au manque de vision du gouvernement libéral, elle découle aussi d’une nonchalance certaine des partis de l’opposition. On nous ressassera encore l’épouvantail des méchants médias qui sont partisans, mais dans les faits, c’est que depuis 1995, plusieurs souverainistes se nichent dans ce que l’on peut appeler la résignation tranquille. On nous répètera qu’on a déjà joué la stratégie de la pédagogie du pays au cours des élections passées, mais rien n’est moins faux. On a plutôt joué d’attentisme en souhaitant que les Québécois nous réclament le pays. Plutôt que de mener le combat, de mettre les efforts pour convaincre la population du bien fondé du projet de faire du Québec un pays, on préfère attendre et se baser sur des stratégies douteuses et irréalistes. Il ne s’agit pas simplement de prononcer 5 fois les mots souveraineté ou indépendance dans un discours pour travailler directement à la réaliser. Pour être convaincants, encore faut-il être convaincus.
La dernière perle à émerger du Parti Québécois est très révélatrice du grand malaise de la formation politique face à son article 1. On propose maintenant ni plus ni moins que la position constitutionnelle défendue par l’Action démocratique du Québec. La position péquiste est tellement calquée sur la position adéquiste, que le parti de Gérard Deltell pourrait presque demander des droits d’auteurs aux troupes de Pauline Marois. Pire encore, elle se rapproche drôlement de la position défendue par Pierre-Marc Johnson dans les années 80. Position qui, rappelons-le, avait causé bon nombre de démissions dans au Parti Québécois et lui avait couté son poste de chef à la suite d’une cuisante défaite électorale. C’est une position à l’emporte-pièce basée sur rien de solide.
L’un des gros problèmes de cette « stratégie », c’est qu’elle situe son action dans les nuages. Parfois on nous explique que si le Québec mène des combats pour gagner de nouveaux pouvoirs et qu’Ottawa dit non, les québécois seront fâchés et voudront faire la souveraineté de ce pas. Assez simpliste et primal comme analyse. Lorsqu’on nous l’explique, on se croirait dans une reprise d’un vieux feuilleton américain. On ne peut pas présumer des réactions du gouvernement fédéral et encore moins de celles de la population. Aller en ce sens, c’est de manquer de respect envers l’intelligence des Québécois. Cette « stratégie » constitutionnelle rate totalement la cible et qui n’atteint aucun des buts souhaités. En fait, elle comporte presque des aspects ésotériques.
D’un autre côté, on nous dit que si le Québec se bat pour avoir de nouveaux pouvoirs d’Ottawa et qu’Ottawa accepte, nous serons un peu plus proches du pays du Québec. Cette réflexion est encore plus tordue et malhonnête que la première. À preuve, après s’être battus pendant bon nombre d’années pour faire reconnaître la nation québécoise, quand le gouvernement fédéral a décidé de la reconnaître, si l’on se fie à la présomption précédente, il aurait dû y avoir une grande fièvre souverainiste au Québec, un grand appétit du pays. Or, ce ne fut pas le cas. Pire encore, certains québécois se sont même sentis dans un confort plus grand et décidèrent même de continuer à envoyer quelques députés conservateurs au Parlement canadien. Si l’appétit vient en mangeant, la souveraineté ne vient pas en se fédéralisant !
La sortie de François Legault, la semaine dernière, ne détonne pas tant de l’actuelle position péquiste. Les deux sont des positions d’attentisme (même si on tente de nous faire croire que la position péquiste est proactive) et qui, à court terme, désirent faire fonctionner le Canada avant de travailler à ériger un nouveau pays. Si la Coalition pour l’avenir du Québec a décidé d’emblée de rayer la question nationale de ses préoccupations, la marge n’était pas si grande entre ce que le Parti Québécois propose et l’abnégation totale. Il est à souhaiter, à ce chapitre, que le PQ se ressaisira et prendra compte de l’urgence de la situation. Entre quatre formations politiques confédéralistes (ou fédéralistes), les québécois opteront peut-être pour la nouveauté, pour la « gang » qui leur parait moins corrompue que les autres. Il est donc temps pour les troupes de Pauline Marois, de laisser tomber cette patente-à-gosse de gouvernance souverainiste et de revenir à une position claire, limpide et surtout honnête. Il est temps de faire confiance aux Québécois et d’arrêter de les prendre pour des valises.
Pour s’inspirer, ils pourraient sans doute jeter un œil sur le travail fait par leur parti frère, le Bloc Québécois. Dans les dernières années, les actions les plus significatives pour la souveraineté ont été faites par la formation de Gilles Duceppe. Conférences sur toutes les tribunes étrangères possibles pour expliquer le projet d’indépendance, rencontres avec des communautés établies au Québec pour leur vendre la souveraineté, en plus de la promotion d’une démarche claire et sans détours furent, entre autres, les faits d’arme des actions du Bloc Québécois au cours des dernières années. Si on nous répète à satiété que l’action du Bloc est limitée parce qu’il siège à Ottawa, comment se fait-il que nous ayons l’impression qu’il est actuellement le plus grand défenseur, l’interlocuteur principal de la promotion de l’indépendance et des questions constitutionnelles ?
Il est temps de cesser le blocage idéologique et l’orgueil mal placé. Se décider à mettre au rencart la « stratégie » de la gouvernance souverainiste ne serait pas un désaveu à la chef comme certains le laissent entendre. Ce serait simplement la démonstration de convictions profondes et d’une volonté de régler une fois pour toutes la question nationale. Un recul stratégique ne serait que bien accueilli par les Québécois qui, je le crois, commencent à en avoir marre des politiciens rigides et intransigeants. Il faut assurément que les troupes de Pauline Marois réussissent à se démarquer des autres partis. L’ouverture, l’écoute, la pédagogie du pays, voilà le vrai leitmotiv que le Parti Québécois devrait faire sien dans les prochains mois. Sinon, le PQ pourrait bien se retrouver une fois de plus dans le poulailler de l’Assemblée Nationale et cette fois-ci, la menace ne serait pas adéquiste…
Jerry Beaudoin, militant souverainiste


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4 commentaires

  • Nic Payne Répondre

    7 mars 2011


    En guise de complément à votre texte, je nous invite à ne pas exagérer le caractère idéal de la période post-Meech. À cette époque-là aussi, on nous disait que l'indépendance était une idée démodée, qu'il était trop tôt, trop tard, qu'il fallait prendre exemple sur l'Europe qui s'unifiait, que nous étions trop pauvres, trop ceci, trop cela, qu'il fallait s'occuper des proverbiales " vraies affaires ", etc etc. On criait au nationalisme obtus, au repli sur soi, à l'intolérance, et tout le bazar.
    Tant et si bien qu'en 1994 et 1995, l'appui à l'indépendance ressemblait beaucoup à ce qu'il est aujourd'hui, contrairement à ce que certains voudraient croire. Sauf que le PQ de cette époque a gardé obstinément le cap sur l'objectif, et ce, même en dépit d'appels au ralentissement venant de ses propres rangs, et même du Bloc, semble-t-il.

  • Archives de Vigile Répondre

    7 mars 2011

    Monsieur Beaudoin
    J'ai bien aimé votre texte qui est très clair et limpide mais j'en suis rendu au point à penser que la seule façon d'obtenir l'indépendance nationale du Québec est par un soulèvement du peuple; le reste n'est que pure perte de temps. Notre classe politique (hic!) a besoin d'un traitement choc et ça urge! INDÉPENDANCE OU ASSIMILATION!
    André Gignac pour un Québec indépendant, républicain et libre!

  • Archives de Vigile Répondre

    7 mars 2011

    Il est un peu tôt pour parier sur la valeur des Caquistes aux prochaines élections. Les oeuvres passées du tandem Legault-Sirois commencent à être connues et ce n'est pas particulièrement lénifiant. Faut lire «Passage obligé, passeport pour l'ère nouvelle», de Sirois! Par-delà les voeux pieux de leur «discours inaugural», leurs projets pour le Québec commencent à se préciser et ce n'est rien de plus qu'un joyeux salmigondis néo-libéral. Et les points chauds, ils les ignorent, «la question nationale» ou le projet de conmmission des valeurs mobilières fédérales par exemple. Déjà aplatventris ou depuis toujours à quatre pattes?
    Mais je suis injuste. Comme Gérard-D. L., Legault s'est mouillé. L'exploitation des gaz de schiste, il est pour. Allez savoir pourquoi?

  • Archives de Vigile Répondre

    7 mars 2011

    Malgré votre bonne appréciation, le Bloc québécois n'amasse pas, au fédéral, plus de pourcentage de votes que le PQ et Québec solidaire réunis au provincial.
    Selon les derniers récents sondages, si le CAQ de Messieurs Legault et Sirois est transformé en parti politique, il ne restera qu'environ 33 % de souverainistes solides : 29 % au PQ et 4 % à Québec solidaire, les autres votes iront à tous les autres partis fédéralistes : PLQ, ADQ et Parti Vert.
    Vous aurez beau pousser verbalement, directement et autrement sur les merveilles de la souveraineté du Québec, vous n'irez pas chercher facilement une majorité rapide à un OUI pour la souveraineté du Québec.
    Ceux qui croient aux vertus de pousser la souveraineté aux Québécois, malgré eux, devraient tenter la chose avec leurs voisins ou leurs beaux-frères fédéralistes afin de mieux apprécier les difficultés du PQ à réaliser rapidement son objectif constitutionnel.