Repensons la formation des enseignants

Il faudrait faire des enseignants de véritables spécialistes du français écrit

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Le retour du pendule

Si récemment, les actualités ont été meublées par le débat entourant le Sommet sur l’éducation supérieure et la hausse des droits de scolarité proposée par le gouvernement péquiste, certains sujets semblent malheureusement avoir été esquivés dans ce qui devait s’avérer un grand débat sur l’avenir de l’éducation supérieure au Québec. La formation desdits enseignants aurait dû faire partie des discussions.
Étant enseignant de formation, plusieurs exemples de lacunes profondes du système me viennent lorsque je pense à la formation initiale que j’ai reçue. D’abord, il n’est pas rare d’entendre de jeunes enseignants partager leur grande déception par rapport à la formation universitaire qui leur a été donnée. Souvent, si ce n’était des stages pratiques qui sont offerts au cours de la formation, plusieurs finissants ne seraient tout simplement pas en mesure d’enseigner. Et ce, même après avoir suivi une panoplie de cours devant les aider à se préparer pour une carrière future. Malgré tout, dans plusieurs cas, les jeunes enseignants ne sont tout simplement pas prêts à se retrouver devant une classe. Certains l’ont d’ailleurs appris à la dure.
Les lacunes dans la formation offerte varient d’un établissement scolaire à l’autre. Dans mon cas, je me rappellerai longtemps cette année où l’on nous avait annoncé que dès la prochaine rentrée scolaire, les cours d’enseignement religieux disparaîtraient du cursus scolaire au primaire et au secondaire pour être remplacés par des cours d’éthique et culture religieuse. Alors que tout le monde était bien au fait de cette nouveauté, il est totalement inexplicable qu’à la session suivante, nous ayons eu à suivre un cours intitulé Synthèse de la foi chrétienne durant lequel les exercices de recherche dans la Bible étaient chose courante. Je me souviens même d’avoir eu à y faire une présentation sur Marie-Madeleine. Peut-on honnêtement être aussi dépassé, déconnecté et folklorique dans ses manières de faire ? Nous nous sentions tous un peu désengagés de ce cours, sachant fort bien qu’il ne nous servirait jamais et qu’il n’était là que pour boucher un trou, pour permettre à l’université d’engranger un peu plus de notre argent.

Situation inquiétante
Dans le cas précédent, il aurait sûrement été beaucoup plus pertinent de nous offrir un cours supplémentaire de grammaire plutôt qu’un cours théorique sur les amis du p’tit Jésus. D’autant plus qu’il est pratiquement alarmant, chaque année, de voir à quel point un grand nombre de nouveaux enseignants ne sont même pas en mesure de passer les examens de français permettant de leur ouvrir les portes de l’enseignement. Plusieurs font encore des erreurs de base en écrivant, alors qu’ils auront à enseigner des règles qu’ils ne maîtrisent même pas à des élèves en plein processus d’apprentissage. La situation est plutôt inquiétante. Comment expliquer alors que nous devrions être formés adéquatement au cours du baccalauréat, que plusieurs de mes collègues et moi-même avons dû attendre de suivre des cours de maîtrise pour être en mesure de bien saisir la nouvelle grammaire et pour être en mesure de l’enseigner de façon correcte ? Encore là, dans plusieurs cas, les cours donnés durant la formation universitaire n’étaient tout simplement pas appropriés en plus de ne pas être assez nombreux. Ici, il aurait assurément été plus profitable de troquer la Bible pour une grammaire ! Et que dire de cette peur viscérale qu’ont certains enseignants de se retrouver à enseigner en 1re année du primaire, n’ayant jamais vraiment eu de formation adéquate pour enseigner aux jeunes à lire, par exemple.
Si cette méconnaissance du français de la part de certains nouveaux enseignants est inquiétante, il ne faudrait pas faire l’erreur de leur lancer la pierre trop rapidement. Une formation déficiente offerte ne peut mener à des résultats miracles. Il faudrait donc s’assurer de faire des enseignants de véritables spécialistes du français écrit en leur offrant davantage de cours sur le sujet, et bien sûr, des cours plus appropriés. Une telle décision ne nécessiterait pas d’investissements majeurs. Il s’agirait plutôt de remplacer les nombreuses heures de pelletage de nuages dans certains cours par des heures consacrées à des contenus plus pertinents, en grammaire, par exemple. De plus, il faudrait rehausser les standards en exigeant, pour les futurs enseignants, un C comme note de passage plutôt que l’actuel D. C’est de l’avenir des enfants du Québec qu’il est question ! Il faut donc attaquer le problème de front. Les universités doivent cesser de raisonner comme des entreprises.
L’après-formation initiale n’est pas à négliger non plus. Alors que d’un côté certains politiciens déconnectés voudraient que l’on évalue les enseignants pour les obliger à poursuivre la formation continue après leur sortie de l’université, de l’autre côté, on coupe constamment les ressources attribuées à ce type de formation dans les écoles. Ainsi, dans plusieurs établissements scolaires du Québec, c’est l’équivalent de moins d’une journée de perfectionnement par enseignant par année qui peut être accordée. Il y a même, dans certains milieux, une sorte de lobbyisme qui se fait par des enseignants pour qu’ils participent à plus d’une journée de formation. Ils doivent se battre pour pouvoir être formés ! Une absurdité ! Après ça, on viendra nous dire que ce sont les professionnels du milieu de l’éducation qui sont de mauvaise foi !

Revoir les dépenses
Au lieu de mettre la charrue devant les boeufs, il serait approprié de revoir les secteurs de dépenses en éducation, puisque, malgré de fréquentes hausses d’investissements dans le milieu, les coupes de plus en plus drastiques se succèdent d’année en année. Dans certains cas, au lieu de laisser les commissions scolaires s’occuper seules de former les enseignants en exercice, des partenariats pourraient être créés avec les universités. Elles possèdent une expertise qui peut assurément être utile aux professionnels du milieu de l’enseignement. Ces partenariats pourraient permettre de rendre la structure plus souple et plus efficace.
Même si le sujet est constamment esquivé, il serait plus que temps de se doter d’une stratégie claire et pertinente d’accompagnement des enseignants du début de leur formation initiale jusqu’à leur retraite. En misant sur différents changements proposés plus haut, la qualité de l’enseignement sera améliorée pour tout le parcours primaire et secondaire. Il y aura immanquablement un effet domino. Avec des enseignants mieux outillés et préparés, les élèves seront toujours gagnants. La formation des maîtres doit donc reprendre ses lettres de noblesse. Se sortir du cadre mercantile est à mes yeux la seule solution pour que les universités réussissent enfin à offrir un parcours valable aux futurs enseignants. Elles le peuvent. La question reste maintenant de savoir si elles le veulent vraiment.


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