Le Québec mérite mieux

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« Au lieu de combattre les inégalités sociales, nos écoles les reproduisent et les accentuent. »


Pour une société avancée, notre système d’éducation n’est pas à la hauteur. Le constat est inéluctable. La dernière preuve parmi d’autres est le palmarès des cégeps publié samedi dans Le Journal. Compilé minutieusement, on y apprend que les cégeps anglophones trônent au sommet des taux de diplomation pendant que le réseau francophone traîne encore de la patte.


Le tout, 56 ans après la création du ministère de l’Éducation en pleine Révolution tranquille. Le fait est qu’au fil des dernières décennies, nos gouvernements ont oublié sa première raison d’être. Laquelle était de favoriser l’accessibilité des francophones à une éducation de qualité et gratuite. Cette nouvelle « démocratisation » de l’éducation reposait sur le principe d’une véritable « égalité des chances » pour tous.


Il nous fallait rattraper l’immense retard des francophones face aux anglophones du Québec et du Canada. Un retard provoqué entre autres par l’abolition en 1875 de notre premier ministère de l’Instruction publique au profit d’un clergé catholique visant à garder une majorité de francophones peu instruits tout en formant une minorité de notables pour les gouverner. 


Majeurs, mais insuffisants


Grâce à la Révolution tranquille, les progrès furent majeurs, mais encore insuffisants. Pourquoi ? Parce que nos élus n’avaient pas terminé le travail correctement. Au lieu de créer un système d’éducation équitable pour tous, ils ont laissé croître un réseau parallèle d’écoles privées subventionnées à hauteur de 60 % à 70 % par les fonds publics. 


Ils ont aussi saucissonné le réseau public en écoles dites régulières et d’autres à programmes enrichis. Le ver dans la pomme, il est dans ce système redevenu foncièrement inégalitaire. Le problème n’est donc pas de nature culturelle, mais politique. Du côté anglophone, les mêmes systèmes parallèles existent, mais comme ils n’ont pas de retard historique à rattraper, ils n’ont pas comme effet d’affaiblir leur réseau public qui, de toute manière, était déjà plus fort que le nôtre.


Or, les cégeps étant l’extension du secondaire, il n’y a rien d’étonnant à ce que les taux de diplomation chez les francophones, toutes origines confondues, soient eux aussi inférieurs à ceux du réseau anglophone.  


Le plus inégalitaire au Canada


Là-dessus, je persiste et signe depuis longtemps. Notre système d’éducation s’est amélioré, c’est sûr, mais il reste inéquitable. Pour la seule société francophone du continent, c’est révoltant. En 2016, un rapport cinglant du Conseil supérieur de l’Éducation l’avait confirmé en qualifiant notre système du « plus inégalitaire au pays ». Au lieu de combattre les inégalités sociales, nos écoles les reproduisent et les accentuent. 


C’est très grave, mais qui s’en émeut vraiment ? Le gouvernement actuel, dont le ministre responsable préfère jouer dans les structures au lieu de s’attaquer au cœur du problème, ne fait malheureusement pas exception. Le chemin est pourtant clair. 


Il faut établir un seul système primaire et secondaire public de grande qualité. Sinon, cette inégalité scandaleuse perdurera, tout comme certains retards choquants du réseau francophone. Ce n’est pas une question de coûts, mais de justice sociale, historique et politique. Le Québec mérite tellement mieux.




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