Déficit: derrière les chiffres

17. Actualité archives 2007


Le ministre québécois des Finances, Michel Audet, a dévoilé cette semaine les résultats définitifs de l'année financière 2005-2006. Il a alors annoncé un petit surplus de 37 millions pour aussitôt se faire contredire par le Vérificateur général qui affirme, qu'année après année, le gouvernement enregistre des déficits dont l'existence est masquée par une comptabilité créative.
Pendant que le gouvernement se réjouit d'avoir accumulé de modestes surplus de 192 millions depuis cinq ans, le vérificateur, Renaud Lachance, estime plutôt que le Québec a accumulé un déficit d'environ 6,6 milliards. Une guerre de chiffres dont le vérificateur général, indépendant du gouvernement, sortira certainement gagnant, ne serait-ce qu'en raison du peu de confiance que les citoyens font à leurs élus.
Cette guerre de chiffres ne soulève pas d'enjeux de nature financière. Les artifices comptables contestables de Québec ne cachent pas d'horreurs. Les enjeux sont plutôt de nature politique, et portent sur le devoir de transparence, sur la franchise en politique, sur le rapport de confiance entre l'État et ses citoyens.
Toute cette histoire trouve son origine dans la lutte au déficit. Depuis 2001, le Québec s'est doté d'une loi qui interdit aux gouvernements d'enregistrer des déficits. Mais la tâche était si difficile que les gouvernements successifs ont choisi de recourir à des astuces pour réussir à se conformer à cette loi.
Cela illustre bien le cul-de-sac financier du gouvernement du Québec. Les ministres qui se sont succédé aux finances ont réussi un virage considérable, ils ont réussi à casser le déficit, à contrôler les finances publiques et à assurer leur stabilité. L'écart entre les données du gouvernement et les méthodes comptables préconisées par le vérificateur a d'ailleurs tendance à se rétrécir. Mais cette victoire est fragile, et la précarité des finances publiques est telle qu'il faut reprendre le combat à chaque année. Et cette victoire, comme l'a montré le vérificateur général, est incomplète. Pour atteindre le vrai déficit zéro, selon les normes souhaitées par le vérificateur, il aurait fallu supprimer 6,6 milliards de plus. Où? Comment?
Il n'y a pas là matière à débat partisan, parce que la comptabilité créative dénoncée par le vérificateur s'est faite sous trois premiers ministres, Lucien Bouchard, Bernard Landry et Jean Charest, et quatre ministres des Finances, Bernard Landry, Pauline Marois, Yves Séguin et Michel Audet. La faute est donc collective. Mais il est normal que la pression soit plus lourde sur les épaules du ministre actuel. Les entourloupettes sont de moins en moins tolérables, parce qu'au fil des ans, Québec aurait dû avoir le temps de s'ajuster.
Le vérificateur reproche au gouvernement du Québec de ne pas se conformer à ce qu'on appelle les " principes comptables généralement reconnus ", proposés par l'Institut canadien des comptables agréés, comme le fait le gouvernement fédéral et celui de la plupart des provinces. Il s'agit par exemple de la façon dont on comptabilise les obligations face aux régimes de retraite, la façon de calculer les transferts fédéraux. Cela explique un déficit accumulé de 5,3 milliards depuis la promulgation de la loi sur le déficit. À cela s'ajoute le refus du Québec d'inclure les réseaux de la santé et de l'éducation dans son périmètre comptable, et donc d'assumer les déficits des établissements, un autre 1,3 milliard.
Le gouvernement ne ment pas, note M. Lachance, il respecte la lettre de la loi, mais pas son esprit. Si certains éléments qu'il soulève sont très techniques, il y en a un que n'importe qui peut comprendre et porte un dur coup à la crédibilité du ministre. Et c'est ce refus d'inclure les déficits des grands réseaux dans les résultats du gouvernement.
" Le gouvernement, répond le ministre, estime qu'il n'a pas à les inclure dans son périmètre comptable puisqu'il n'a pas le pouvoir de nommer une majorité des membres des conseils d'administration et des directeurs généraux de ces entités, et qu'en conséquence, celles-ci disposent d'une autonomie complète dans la gestion de leurs ressources financières. "
C'est spécieux. Les établissements du réseau ne sont pas autonomes. Qui décide, qui signe les conventions collectives, qui paye? Et en plus, la création des déficits dans les hôpitaux et les universités est le résultat direct des politiques de financement de l'État.
Est-il normal que le Québec ne se soumette pas aux règles du jeu qu'acceptent les autres gouvernements? Est-il normal qu'un gouvernement qui impose des règles précises de divulgation aux citoyens qui remplissent leur déclaration d'impôt, et encore plus aux entreprises, ne prêche par l'exemple et ne s'impose pas la même discipline? Ce double standard a des effets désastreux sur le lien de confiance et contribue au cynisme généralisé.


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