Un parfum de récession

Le Québec et la crise

Il y a quelques jours, j'ai eu un petit choc en voyant, en première page du Report On Business du Globe and Mail un titre surpre nant: " Recession stalks central Canada ", la récession menace le Canada central.
À ma connaissance, c'est la première fois depuis une bonne quinzaine d'années que ce mot fait son apparition dans le vocabulaire économique canadien. Bien sûr, dans cet article, le mot est prononcé du bout des lèvres, et la récession est évoquée tout au plus comme une possibilité. En outre, on fait référence à une récession technique, à un ralentissement un peu plus raide que prévu plutôt qu'à un effondrement majeur.
Mais c'est quand même là un signe du fait que le party est bien terminé et que nous entrons dans une période plus difficile et plus incertaine après des années et des années de prospérité. Et que cela nous force à faire le point sur notre économie, ses forces et ses faiblesses, et sur les mesures qu'il faut prendre pour l'aider à passer à travers ces moments plus difficiles.
Le mot honni a été prononcé par un des auteurs de l'étude sur les perspectives provinciales de la Banque Toronto Dominion: " Il y a une chance de récession en Ontario. Les données se rapprochent de la limite ". Cela s'applique tout aussi bien au Québec, parce que les deux provinces sont dans le même bain.
Selon cette étude, les deux provinces centrales, après avoir tant bien que mal résisté à la force du dollar et à l'augmentation des prix de l'énergie, seront malmenées par le ralentissement économique aux États-Unis. Elle prévoit donc deux années de croissance anémique pour l'Ontario, 1,8 % en 2006 et 2,0 % en 2007, et à peu près la même chose pour le Québec, 1,9 % et 1,8 %. Des prévisions similaires à celles des autres maisons spécialisées.
Mais ces moyennes annuelles cachent le fait que le ralentissement sera plus marqué à la fin de 2006 et au début de 2007, tant et si bien qu'il est possible que la croissance soit négative pour un ou plusieurs trimestres. Comme on s'en souvient peut-être, on parle de récession quand on enregistre un recul économique deux trimestres successifs.
Ce revirement, on le perçoit déjà à travers une foule d'indices. Le marasme dans le bois et la forêt, la crise de l'industrie porcine, les difficultés du tourisme. Une certaine anémie du marché du travail, mais surtout les pertes d'emplois dans le secteur manufacturier. Pour les neuf premiers mois de l'année, il s'est perdu 37 000 emplois dans l'industrie manufacturière au Québec par rapport à la même période de l'année précédente.
Pour les acteurs politiques, le réflexe naturel sera de vouloir faire quelque chose. Parce qu'on peut difficilement rester insensibles au fait que certains secteurs et certaines régions sont plus durement touchés. Surtout dans un contexte que l'on peut qualifier de pré-électoral.
Mais espérons d'abord que le monde politique pourra s'élever au-dessus du cadre partisan. Il est tellement facile de céder à la tentation du " notre gouvernement a fait mieux que votre gouvernement ". Mais on sait que les facteurs conjoncturels qui nous frappent échappent au contrôle de nos gouvernements, et que les vulnérabilités plus profondes de l'économie québécoise résultent d'un beau travail d'équipe où tous nos gouvernements ont leur part de responsabilité.
Les chocs que nous subissons étaient prévisibles: la crise de la forêt après des décennies de mauvaise gestion de la ressource, l'arrivée de la Chine dans des secteurs comme le textile prévue depuis longtemps par des accord commerciaux. Même le taux de change. Depuis des années, tous les spécialistes nous prévenaient du fait que le bas taux de change donnait à nos entreprises manufacturières un avantage artificiel et créait un faux sentiment de sécurité, et qu'il fallait donc travailler d'arrache-pied pour augmenter la productivité. On ne l'a pas fait.
Voilà pourquoi il faut résister à la tentation de jouer aux pompiers, d'agir pour agir, et se méfier comme la peste des élans de générosité au premier degré. C'est ce qui nous a donné la Gaspesia. Ce n'est pas de béquilles dont nous avons besoin.
Il faut bien davantage travailler à corriger les faiblesses qui nous ont rendus vulnérables pour que l'on puisse mieux rebondir et mieux résister aux chocs. Une politique énergétique, ce qui est fait. Une politique régionale qui est autre chose que du bs pour régions dévastées. Une stratégie pour favoriser l'investissement et augmenter la productivité. Des efforts accrus en éducation et en formation.
Car la compassion, c'est peut-être bien. Mais la vision, c'est encore mieux.


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