Où est passée la fierté?

17. Actualité archives 2007


Les élections au Nouveau-Brunswick et la victoire du libéral Shawn Graham n'ont pas eu beaucoup d'échos au Québec. Et pourtant, il y a une leçon pour nous dans cette campagne électorale. La force de la fierté.
Le thème central de la campagne du chef libéral, dans son programme intitulé le " Pacte pour le changement ", c'était l'autosuffisance. Par là, il entendait que le Nouveau-Brunswick devait cesser d'être l'une des provinces pauvres qui reçoivent de la péréquation. " Je veux que le Nouveau-Brunswick puisse rejoindre les rangs des provinces riches et je veux que nous atteignons cet objectif au cours des 20 prochaines années. "
Je dois dire que j'ai un faible pour la façon dont on fait de la politique au Nouveau-Brunswik. Le plan de M. Graham s'inscrit dans la même culture politique que celle de son prédécesseur conservateur Bernard Lord. Des objectifs simples, un peu simplistes même, mais clairs et ambitieux. L'absence de gêne quand il s'agit de parler des retards de la province. Une volonté de s'en sortir pleine d'audace et d'énergie.
Quel contraste avec le Québec, plus riche, plus sophistiqué, beaucoup mieux équipé pour améliorer son sort, mais qui jamais n'exprime son malaise d'être une province pauvre qui doit compter sur l'aide fédérale. Les libéraux de Jean Charest ont mis toutes leurs énergies, dans le cadre des discussions autour du déséquilibre fiscal, pour réclamer une amélioration du régime de péréquation dont le Québec serait le grand gagnant.
Le gouvernement prépare même un blitz médiatique pour montrer que le Québec, même s'il est le plus gros bénéficiaire de la péréquation, en dollars, est moins gâté qu'on le croit lorsqu'on compare les transferts par habitant. On va justifier la péréquation que reçoit le Québec, au lieu de s'en inquiéter.
Comment se fait-il que nous ne soyons pas gênés? Qu'aucun parti politique n'ait pour objectif que le Québec devienne une province riche, qui n'ait pas besoin de péréquation, et qui soit donc moins dépendante des autres. Comme le fait le Nouveau-Brunswick et comme l'a fait il y a deux ans la Saskatchewan, toute fière de ne plus avoir besoin de la charité fédérale.
Cela montre que le Québec ne s'est pas débarrassé de sa culture de dépendance. Une culture de " BS " dans le cadre du fédéralisme où le Québec n'a aucune gêne, parce qu'il estime ne pas être responsable des retards qui lui donnent droit à la péréquation et croit donc que cette forme d'aide sociale collective lui est due.
En principe, on pourrait avoir l'impression que le PQ se distingue à ce chapitre, lui qui veut sortir de la fédération et donc se priver de la péréquation. Mais les péquistes avaient la même mentalité de quêteux quand ils étaient au pouvoir. Et dans le cadre du projet de souveraineté, la mendicité est remplacée par la pensée magique, l'espoir qu'en quittant un pays riche, le Québec disposera de ressources collectives plus abondantes. C'est la même culture de dépendance. Mais dans ce cas-ci, le " BS " espère s'en sortir en achetant un gratteux.
Le sentiment de fierté des Québécois s'est émoussé après avoir joué un rôle majeur dans l'évolution du Québec. Et cela nous joue de très mauvais tours, par exemple la bataille du gouvernement Charest pour modifier la formule de péréquation. C'est, à mon avis, une erreur stratégique.
La péréquation est un mécanisme de redistribution au sein de la fédération, par lequel Ottawa prend aux provinces riches pour donner aux provinces pauvres. Le Québec, à cause de sa taille, en est le plus gros récipiendaire et se bat actuellement pour en recevoir encore plus. Cela ne peut qu'exacerber l'irritation des provinces riches face à d'évidents paradoxes. Pourquoi les Ontariens et les Albertains subventionneraient le Québec pour l'aider à financer un réseau de garderies qu'ils n'ont pas les moyens de se payer?
La péréquation, par ailleurs, divise évidemment les provinces et oppose celles qui payent à celles qui reçoivent. C'est le principal facteur qui a empêché l'émergence d'un consensus entre les provinces et qui retarde, aux yeux du premier ministre Harper, le moment d'un règlement.
D'autres pistes de correction du déséquilibre fiscal seraient beaucoup plus porteuses, comme un nouveau partage des ressources fiscales, par exemple un transfert de points d'impôt, ou de points de TPS. Cela serait un peu moins payant pour le Québec, qui ne profiterait plus de l'effet de redistribution interprovinciale, mais cela permettrait d'aller beaucoup plus loin sur la voie des réformes.
Mais il faudrait d'abord nous débarrasser de notre mentalité de quêteux. Et pour cela, il nous faudra une bonne dose de maturité collective.


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