Pour se sortir de la noirceur, se construire, se développer et s'épanouir en se lançant à la conquête du monde, le Québec moderne a misé d'abord sur l'éducation. En tenant compte de ses moyens de l'époque il l'a rendue gratuite du primaire au collégial. Et il s'était donné comme objectif d'y parvenir aussi au niveau supérieur. En gelant les droits de scolarité des universités, sans égard à l'inflation, l'équivalent de la gratuité allait s'installer graduellement.
Puis, les libéraux, sous Robert Bourassa, imposèrent une augmentation de 225%. Plus tard, sous Jean Charest, une autre de 30%. Puis, maintenant, une de 75%. Majorée à 82% depuis vendredi dernier.
Nous sommes en présence de deux visions. La première issue du débat de société animé par la Commission Parent qui à l'époque privilégia le modèle européen voulant que l'éducation soit un bien commun, un investissement collectif, un atout balisant l'avenir de toute la société. La deuxième issue d'une décision de gouvernement, sans débat de société ni même d'enjeu électoral, voulant que l'éducation soit un bien privé, un investissement individuel, un levier d'ascension personnelle dans une économie de marché. La première permet un accès libre et universel au patrimoine du savoir et aux études supérieures. La deuxième balise cet accès à l'aune de l'épaisseur des portefeuilles ou des revenus anticipés par les choix de discipline ou de profession.
Le mouvement étudiant s'est soulevé. L'enjeu est colossal. L'éducation? Bien public? Ou marchandise? Modèle européen? Ou modèle anglo-saxon? Modèle québécois? Ou modèle américain? Depuis onze semaines le mouvement étudiant et bien des commentatrices et commentateurs posent la question. Toutes et tous exigent un lieu pour en débattre. Ce que ce gouvernement refuse. Et pour cause. Il a une autre priorité. Survivre au prochain rendez-vous électoral. Et pour ce faire, masquer son bilan en créant de toutes pièces un conflit.
C'eut été rien de lever temporairement l'application de la décision budgétaire le temps de faire le débat sur le maintien ou non de l'objectif de la gratuité. C'eut été rien et même économique de le faire au lieu de dépenser des sommes colossales en matière de sécurité et d'engager des frais très importants dans la prolongation des sessions. C'eut été rien et même protecteur de la cohésion sociale que de le faire. C'eut été rien mais ça n'aurait pas constitué un contexte exploitable le temps d'une élection pour éviter une sévère correction.
Il arrive que le « Québec n'a pas de premier ministre ». Mais toujours il a un chef du parti libéral. Et pour assumer ce mandat Jean Charest n'hésitera pas à tenter de passer aux « frais et pertes » l'éducation supérieure, la jeunesse étudiante et une partie importante de l'avenir du Québec. D'un cynisme sans prix!
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