Culture du viol: la loi du silence

Des témoignages s’ajoutent au sujet du député Sklavounos, mais le gouvernement refuse de dire s’il avait déjà été mis en garde

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Le gouvernement libéral se terre dans le mutisme quant à une plainte visant Gerry Sklavounos déposée il y a déjà trois ans au cabinet du whip libéral, alors que de nouveaux témoignages troublants émergent.

D’ex-pages, une boursière stagiaire de la Fondation Charles-Bonenfant et des membres du personnel politique et administratif de l’Assemblée nationale ont confié jeudi et vendredi, dans des entretiens avec Le Devoir, avoir été l’objet de paroles ou de gestes inconvenants sur leur tenue vestimentaire ou leur apparence physique de la part de M. Sklavounos.

Parmi elles, une professionnelle du droit a relaté sous le couvert de l’anonymat avoir été « accostée plusieurs fois dans les couloirs » de l’hôtel du Parlement par le député de Laurier-Dorion lors d’un stage à l’Assemblée nationale il y a quelques années. Elle était âgée de 19 ans. Elle était étudiante à l’université. Il se décrivait comme un « proche » du premier ministre Jean Charest. « Je me disais : “Je ne suis rien. Il est député” », dit-elle dans une longue entrevue avec Le Devoir. M. Sklavounos, qu’elle décrit comme un « séducteur insistant », est parvenu à mettre la main sur son numéro de téléphone portable, puis, à coups de « messages textes », à la convaincre de prendre un verre au restaurant Le Louis-Hébert, où il avait établi ses quartiers à Québec, poursuit-elle. « J’ai trop bu. Quand je suis revenue chez moi, je me suis demandé qu’est-ce que j’ai fait ? »

La femme, une source sûre du Devoir, est catégorique : elle n’aurait pas suivi M. Sklavounos dans sa chambre d’hôtel si elle avait été sobre.

La femme menant aujourd’hui une brillante carrière s’est affairée au fil des dernières années à « mettre [cet épisode douloureux] de côté dans sa tête ». « J’ai honte. Je ne le dirais jamais à personne », répète-t-elle à l’autre bout du fil. Les révélations d’ex-jeunes femmes employées et stagiaires du Parlement l’ont toutefois incitée à briser le silence.

La porte-parole de l’Assemblée nationale, Noémie Cimon-Mattar, était incapable de confirmer ou d’infirmer vendredi si M. Sklavounos avait fait l’objet de plaintes depuis sa première élection, en 2007. « Tout ce qui entoure les plaintes, c’est de l’information strictement confidentielle », a-t-elle indiqué.

Mme Cimon-Mattar a cependant expliqué que des « mesures appropriées ont été prises » à la suite de la mise au jour, dans l’édition de vendredi du Devoir, de gestes et de propos inappropriés posés par l’élu à l’égard de jeunes femmes sur la colline parlementaire. Selon nos informations, les pages ont été convoqués vendredi à une réunion extraordinaire, durant laquelle ils ont été « encouragés » à signaler tout acte inconvenant à leurs supérieurs.

Philippe Couillard ignorait tout

D’autre part, le premier ministre Philippe Couillard a soutenu vendredi n’avoir jamais eu vent d’une plainte visant M. Sklavounos qui a été déposée il y a trois ans au cabinet du whip en chef de l’opposition officielle, Laurent Lessard. « Je n’étais pas au courant. La première fois que j’ai entendu parler de M. Sklavounos et des événements […], c’est mercredi soir, lorsqu’on parlait “d’un membre de l’Assemblée nationale”, et le lendemain, “d’un membre du Parti libéral du Québec” », a-t-il déclaré à l’issue de la rencontre des conseils des ministres du Québec et de l’Ontario. « On a rapidement agi de façon très décisive. Tout le monde l’a constaté », a-t-il ajouté moins de 24 heures après l’exclusion de M. Sklavounos du caucus libéral.

En 2013, le directeur de cabinet du whip péquiste, Harold Lebel, avait alerté son homologue libéral, Frédéric Lagacé, de « commentaires déplacés » faits avec « beaucoup d’insistance » par M. Sklavounos envers une attachée de presse du gouvernement Marois. Ceux-ci n’étaient « d’aucune [commune] mesure » avec les allégations d’agression sexuelle faites cette semaine par la jeune Alice Paquet, a précisé l’attachée de presse de l’aile parlementaire péquiste, Valérie Chamula Pellerin.

L’affaire a-t-elle été réglée avec ou sans l’intervention du ministre Laurent Lessard, qui était whip du PLQ de septembre 2012 à décembre 2013 ?

Le cabinet du whip en chef du gouvernement, Stéphane Billette, s’est abstenu de tout commentaire à ce sujet vendredi. « Toutes les interventions, toutes les discussions que les whips ont avec des députés, c’est confidentiel, privé. Ces informations-là restent à l’intérieur du cabinet du whip », a affirmé l’attachée de presse Marie-Catherine Leduc.

Frédéric Lagacé, qui est aujourd’hui employé par l’Administration portuaire de Québec (APQ), a aussi refusé de dire s’il avait attiré l’attention de son ex-patron Laurent Lessard sur l’inconduite de M. Sklavounos.

Les whips des partis politiques jouent un rôle de premier plan dans la résolution de problèmes dus à des écarts de conduite des élus. « En tant que responsable de la cohésion au sein de son groupe parlementaire, il doit soutenir une culture de prévention et de civilité au sein de ce dernier, notamment en prêchant par l’exemple et en demeurant sensible aux situations inappropriées que pourraient vivre ses collègues », peut-on d’ailleurs lire dans la Politique relative à la prévention et à la gestion des situations de harcèlement au travail, adoptée un an et demi après la plainte visant M. Sklavounos (juin 2015).
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