CHUM: sans PPP, les travaux pourraient commencer

«C'est tellement démotivant d'entendre dire qu'au Québec, on n'a pas l'expertise. C'est plutôt l'Agence [des PPP] qui ne sait pas comment gérer des projets.»

CHUM

Lisa-Marie Gervais
Attendre la fin de l'appel d'offres au printemps prochain avant de décider de construire ou non le CHUM en partenariat public-privé est une aberration, ont affirmé en choeur les présidents de l'Ordre des architectes (OAQ) et de l'Association des architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ), déplorant cette «perte considérable de temps et d'argent». Selon eux, même si les plans et devis sont préliminaires, la construction du CHUM pourrait très réalistement commencer «dès cet automne» si le mode PPP était abandonné dès maintenant au profit du mode conventionnel.
Mardi, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, affirmait que «le PPP [n'était] pas une religion pour [le] parti», ce qui n'exclut pas le recours au plan B, recours évoqué en mars dernier par le premier ministre Jean Charest lors du lancement de l'appel de propositions. La présidente du Conseil du trésor, Monique Gagnon-Tremblay, avait elle aussi annoncé qu'elle ne fermait pas la porte à un retour au mode traditionnel pour le CHUM et l'échangeur Turcot, admettant que les avantages d'un PPP n'étaient plus les mêmes en période de crise économique. Mais au cabinet du ministre de la Santé, on dit continuer d'attendre la fin de l'appel de propositions en 2010 avant de prendre une décision sur le mode de réalisation du CHUM.
Une attente contre-productive, estime le président de l'OAQ, André Bourassa. «Plus on avance dans le processus, plus on fait travailler des gens longtemps sur des plans complets qui ne seront peut-être pas retenus. Par exemple, si on a trois entreprises qui doivent présenter des projets, ce sont trois équipes d'ingénieurs, d'architectes et de plein d'autres professionnels qui travaillent sur trois projets en même temps. C'est une perte de temps incroyable», a-t-il indiqué en suggérant qu'une seule équipe concentre toutes ses énergies dans le projet. Selon lui, la tâche des équipes qui conçoivent les plans et devis va bien au-delà de ce qui serait nécessaire pour commencer dès maintenant la construction d'un centre hospitalier universitaire. «Les équipes travaillent aussi à essayer d'évaluer les frais d'exploitation pour les 25 à 30 prochaines années et un paquet d'éléments dont on n'a pas besoin dans la vraie construction du projet, a-t-il expliqué. On est loin du syndrome de la pépine. Ça fait dix ans qu'on parle de ce projet-là. On n'a pas de temps à perdre!»
Des plans et devis utilisables
Quant au président de l'AAPPQ, Alain Fournier, il est d'avis que les plans et devis actuels, qui ont été élaborés par l'équipe maître après les consultations des médecins et des usagers, peuvent parfaitement conduire à la construction d'un CHUM qui réponde aux besoins de la population. «On pourrait commencer les travaux, par exemple l'excavation, et les plans se compléteraient au fur et à mesure. Si on y va en mode PPP et qu'on attend les propositions des consortiums, ça ne veut pas dire que les plans vont convenir», souligne-t-il.
Une façon de faire qui n'a rien de périlleux, assure André Bourassa. «Ça demande une expertise d'architecture très solide, car on commencerait à faire les fondations sans savoir comment le reste va être fait. Mais on l'a, cette expertise, au Québec», a-t-il assuré. Il a cité l'aéroport de Montréal, celui de Québec et les nombreux pavillons de l'Université de Montréal comme des exemples de projets réalisés en mode conventionnel qui ont été «livrés dans les temps et les budgets». «C'est tellement démotivant d'entendre dire qu'au Québec on n'a pas l'expertise. C'est plutôt l'Agence [des partenariats public-privé] qui ne sait pas comment gérer des projets», a-t-il insisté.
Les deux architectes, membres de la Coalition pour un CHU sans PPP, ont écorché au passage l'Agence des partenariats public-privé du Québec (PPPQ) qui, selon eux, n'a pas les compétences pour mener à bien un tel projet d'envergure. Ils ont également dénoncé son manque de transparence dans les processus d'appels d'offres. «Dans le cas de la salle de l'Orchestre symphonique, c'est la première fois que les propositions soumises ne sont pas présentées au grand public à l'issue d'un concours aussi important», a dit le président de l'AAPPQ. «Là, pour le CHUM, mis à part le petit bout qu'on sait sur le mode PPP, on est dans l'opacité totale.»
Ce n'est que l'année prochaine que le gouvernement se prononcera sur le mode de réalisation du CHUM, a maintenu l'attachée de presse de la présidente du Conseil du trésor. Au cabinet du ministre de la Santé, Yves Bolduc, on ne croit pas que la construction du CHUM pourrait commencer maintenant. «C'est faux de dire qu'on est capable de le faire. Les plans et devis sont préliminaires et on doit traduire ça en plans et devis définitifs. C'est ce que l'étape actuelle nous permet de faire», a soutenu Marie-Ève Bédard, attachée de presse du ministre. «Actuellement, on ne peut pas prendre la décision du mode d'organisation. Personne n'est capable de se projeter dans un an et dire ce que sera la situation économique. On passe par une étape qui, de toute façon, doit être faite.»


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