Ah! ce Québec des grands espaces et des éternels recommencements! Il s’en passe des choses sur ce vaste territoire et dans la vie des gens dont la majorité a le cœur sur la main, l’abord très chaleureux. C’est vrai tout de même que ces Gaulois d’Amérique ne font rien comme les autres. Après les dernières élections, un peu déconcertantes et pour le moins humiliantes pour le parti souverainiste, voilà que le tenace Bernard Drainville, parrain du défunt projet de Charte québécoise sur la laïcité, remet de l’avant son projet de 2013 qui a tant fait couler d’encre et soulevé l’émotivité collective à son paroxysme. Il faut bien l’avouer, cet ex-ténor du gouvernement Marois a de l’ambition et s’active stratégiquement dans la présente course à la chefferie de son parti aux prises avec d’éprouvants tiraillements.
Les récents événements troublants dans l’Hexagone ont aidé à ressusciter le projet de charte des valeurs à peine empoussiérée dans les officines gouvernementales et qui somme toute, a plus que du mérite. Même si le prétendant s’en défend bec et ongles, les derniers attentats au pays et en France, les horreurs commises par le sunnite Boko-Harran et les menaces de l’organisation salafiste djihadiste État islamique favorisent le remake de cette charte tant controversée.
Il ne fait aucun doute, majoritairement les Québécois sont favorables à une séparation entre les affaires de l’État et celles des religions. La question fondamentale sera toujours dans la manière de faire les choses, d’amorcer cette délicate opération nécessaire, mais aussi respectueuse des enjeux fondamentaux en présence. Le Québec n’est pas né avec la Révolution tranquille quoiqu’en pensent certains iconoclastes à la langue bien pendue. L’histoire de notre coin de pays est fascinante à bien des égards, loin d’être banale, et elle mérite qu’on s’y attarde un tantinet pour s’en inspirer largement. Certains pourfendeurs, au discours ronronnant, ont malheureusement stigmatisé négativement notre histoire en la qualifiant de Grande noirceur.
Ce n’est pas d’hier que l’on débat de la laïcité dans la belle province. Il s’avère heureux que ce débat de fond demeure bien vivant et qu’il se réalise le plus possible dans la civilité et l’harmonie. Avec la résurgence du religieux un peu partout sur la planète et chez nous, il est évident que la présence de la religion sera plus que visible dans l’avenir. Tous ceux qui avaient souhaité reléguer les religions à la sphère privée en prendront pour leur rhume. Le politologue Sami Aoun dans son récent livre, au titre fort évocateur d’ailleurs, Le retour turbulent de Dieu signale : « Si la religion a semblé, à une époque, s’éclipser de l’espace public, elle resurgit en Occident et persiste en Orient. Dieu réapparaît sur la scène mondiale, au risque d’être happé par les idéologies et instrumentalisé au profit de conflits violents.
«En fait, faut-il opposer laïcité et religion ou au contraire peut-on s’enrichir de leur contribution respective? Ce sont l’intransigeance et l’inflexibilité des tenants du projet de la Charte québécoise des valeurs en 2013 qui en ont causé sa perte et son abandon fatal aux calendes grecques. C’est triste, car son contenu ralliait une grande majorité de gens et malheureusement elle a été stigmatisée à jamais comme le symbole de la chicane. Quel échec et que de cicatrices encore à panser! Ce projet aurait tellement pu être rassembleur pour le présent et le devenir du Québec. Le pouvoir aveugle toujours!
Les religions sont un fait social, elles sont une affaire éminemment publique. Il faut tout de même le reconnaître et agir en conséquence. Pour les croyants, elles constituent un référent essentiel, vital à leur parcours de vie, à leur agir dans la société. Pour un bon nombre de Québécois, le catholicisme demeure une source identitaire et éthique. Ici, nous ne parlons pas de la messe, du chapelet et de pieuses rencontres bondieusardes. Le christianisme fait partie de nos racines et de notre culture qu’on le veuille ou non. Notre imaginaire collectif est même profondément marqué par cette histoire religieuse de notre coin de pays et, quoi qu’on en dise, influence encore inconsciemment notre agir en famille et en société. On ne peut reléguer le religieux, entre autre le christianisme, au privé; c’est contre nature.
Le christianisme est fondamentalement communautaire, collectif. Être un chrétien tout seul et sans agir, cela ne s’envisage même pas. « La foi sans les œuvres est une foi morte. » souligne le grand saint Paul. L’histoire du Québec est fabuleuse à cet égard. C’est hallucinant tout ce que les chrétiens d’ici ont réalisé au sein de notre société pour les démunis, les immigrants, les handicapés, les réfugiés, les personnes âgées, les questions environnementales et j’en passe. C’est manifestement visible et public. Combien de militants s’inspirent encore des grandes valeurs éthiques et spirituelles issues du christianisme pour s’engager dans des actions de solidarité et pour interpeller les pouvoirs publics sur leurs responsabilités humanitaires? Tout ceci n’enlève rien à la laïcité toute légitime, porteuse d’harmonie et de cohésion dans une société de plus en plus cosmopolite.
La réputation du Québec sur la scène internationale en est une d’ouverture et de dialogue. Cela ne signifie nullement du laisser-faire ou de la mollesse. Il revient, à chacun de nous, dans tous ces débats, de développer dans nos espaces citoyens des solidarités qui édifient, des carrefours réels de dialogue et d’éducation civique qui créent des liens durables et bénéfiques. Charte, laïcité et religions!
_
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé