Paris -- Le premier ministre Jean Charest en visite hier à Paris a refusé de qualifier d'ingérence les propos très durs tenus la veille par Nicolas Sarkozy à l'endroit des souverainistes québécois. En remettant la Légion d'honneur à Jean Charest, le président français avait en effet associé, sans les nommer, les souverainistes à l'«enfermement sur soi», au «sectarisme» et à la «détestation» de l'autre.
Pendant toute la journée d'hier, ces déclarations ont suscité de vives réactions, au Canada comme à Paris. Mais le premier ministre affirme qu'elles ne l'ont «pas froissé». À sa sortie du Sénat français, où il prononçait une allocution devant une soixantaine de parlementaires, il a affirmé que «le président de la République est parfaitement libre de s'exprimer sur ces sujets».
Pour Jean Charest, il n'est pas question de parler d'ingérence, de réagir à ces propos ni de s'en distancer d'une manière ou d'une autre. «On n'a pas à entretenir de polémique avec le président de la République», dit-il. Même s'il refuse de se faire l'interprète du président, Jean Charest admet ne voir aucune ambiguïté dans les déclarations du chef de l'État. «Il n'y a pas d'ambiguïté. Monsieur Sarkozy, quand il s'exprime, s'exprime clairement.»
Le premier ministre québécois a cependant tenu à préciser du même souffle qu'il avait quant à lui «un très grand respect pour tous ceux qui défendent l'idée de la souveraineté. [...] En même temps, entretenir une polémique avec le président de la République française, à mes yeux à moi, c'est pas utile.» Jean Charest a répété à plusieurs reprises que l'avenir du Québec se décidera au Québec et que les interventions de l'extérieur n'y changeaient rien.
Présent à Paris où il participe à un salon d'entrepreneurs, le maire de Québec Régis Labeaume a lui aussi affirmé que «le président a droit à son opinion». Le maire va même jusqu'à préférer «l'honnêteté et la transparence d'un politicien comme Sarkozy». «Il a de l'estomac; dit le maire, que ceux qui ne sont pas d'accord le disent.»
En France, ce débat n'a pas encore suscité de réactions dans la presse. Il n'a cependant pas échappé au site Internet du journaliste de Libération Daniel Schneidermann, qui titrait «Sarkozy: non au Québec libre!» Plusieurs sites ont aussi repris les propos du chef bloquiste, Gilles Duceppe, qui accusaient Nicolas Sarkozy de faire preuve d'une «ignorance crasse du Québec».
Une entente en 2010
Cette polémique n'a pas empêché Jean Charest d'achever la dernière journée de son séjour à Paris comme prévu. Dans la matinée, il a rencontré le premier ministre François Fillon. Les deux hommes ont surtout discuté de l'entente franco-québécoise sur la mobilité de la main-d'oeuvre et du projet de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. Ils se sont entendus pour compléter d'ici 2010 les négociations déjà amorcées avec une vingtaine de corporations professionnelles, mais qui devraient toucher bientôt une centaine de métiers et de professions. L'année 2010 coïncide avec la prochaine visite alternée d'un premier ministre français au Québec. À terme, ce processus permettrait à un ingénieur québécois de travailler en France et vice versa. Il implique cependant l'adoption de nouvelles lois dans les deux pays afin de modifier les codes du travail et des professions. Jean Charest a demandé aux élus français qu'il rencontrait au Sénat de s'en faire les avocats. Le processus pourrait être «long» a reconnu l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
Au Sénat et devant la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, le premier ministre s'est livré à un plaidoyer pour la libre circulation des personnes entre le Québec et la France, entente qui pourrait un jour être incorporée, dit-il, dans un traité de libre-échange canado-européen. Devant la Chambre de commerce, Jean Charest s'adressait à un parterre de 200 hommes d'affaires et représentants politiques français et québécois comprenant notamment le secrétaire d'État à la Francophonie, Alain Joyandet.
Un incident cocasse s'est produit lors de l'arrivée de Jean Charest au Sénat. Il a été accueilli par des mots d'une étonnante grossièreté: «J'espère que nous n'avez pas la plotte à terre!», a lancé le député UMP Pierre Lasbordes, tout souriant devant la soixantaine d'élus rassemblés. Le député a dit tenir ces mots d'un ami québécois qui l'aurait assuré qu'ils n'avaient absolument rien de vulgaire.
Charest prend la défense de Sarkozy
Le premier ministre refuse de voir dans les propos du président français une forme d'ingérence
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