Commission Bastarache

Charest joue et perd !

Pour ces messieurs, il est banal, normal et juste de favoriser parents et amis. Mais les collecteurs de fonds Fava et Rondeau, eux, dépassent l’artisanat dans le favoritisme.

Commission Bastarache




Au fur et à mesure de la diffusion des sessions de la Commission Bastarache, son caractère de manœuvre grossière pour éviter une véritable commission d’enquête se révèle de plus en plus clairement.
La perte de crédibilité de la commission se tisse au fil des objections des avocats du gouvernement, du PLQ et du premier ministre qui font tout pour éviter qu’un témoignage dépasse le cadre étroit du mandat confié sur l’examen de la nomination des juges. Les interventions biaisées du juge Bastarache minent également la crédibilité de la commission. Le juge permet aux avocats de la partie gouvernementale de mener des interrogatoires visant à discréditer les témoins favorables à Marc Bellemare. Mais il ne cesse de rappeler à l’ordre l’avocat de ce dernier ou il le menace d’interdire de poursuivre un contre-interrogatoire s’il s’écarte le moindrement du mandat de la commission. Charest a lui-même choisi le juge Bastarache pour présider la Commission et il apparaît de plus en plus clairement que le juge a très bien compris son mandat, de veiller à empêcher que de gênantes révélations puissent trop facilement s’y produire.
La banalisation satisfaite du favoritisme
On se souviendra que le ministre Normand MacMillan faisait partie des ministres libéraux qui affirmaient sans gêne que les entreprises pouvaient financer sans problème le PLQ, que c’était tout à fait légal. Il devait être ramené à l’ordre. Mais, M. MacMillan n’a guère appris de l’épisode. Il a présenté le favoritisme et les coups de pouce aux partisans du PLQ comme le travail d’un bon député. Le népotisme ne semble pas non plus faire partie du vocabulaire de l’ex-ministre Michel Després.
Pour ces messieurs, il est banal, normal et juste de favoriser parents et amis. Mais les collecteurs de fonds Fava et Rondeau, eux, dépassent l’artisanat dans le favoritisme. Entre août 2003 et mars 2004, Charles Rondeau s’est présenté 19 fois pour aider la responsable des nominations du gouvernement à constituer des banques de noms pour des nominations. Et cette responsable, Chantal Landry, n’y voit aucun problème. Elle se présente avec désinvolture comme l’instrument de la mainmise partisane et affairiste du PLQ sur les nominations gouvernementales. Cela serait dans l’ordre des choses.
Charest fait preuve d’arrogance pour tout justifier et tout dénier, mais il ne convainc pas
Les effluves du favoritisme que laissait, bien malgré elle, se répandre la commission Bastarache auraient pu en gêner plus d’un. Pas Jean Charest. Il défend son système de faveurs envers ses protégés du PLQ. Il jure, prête serment et dénie toutes les accusations en prétendant que les rencontres où il aurait tenu des propos que lui prête Marc Bellemare n’ont même pas eu lieu.
Mais, il ne convainc pas. Seuls quelques commentateurs et une petite minorité de la population impressionnés par la performance du premier ministre et son sans-gêne se laissent convaincre. La vaste majorité de la population ne croit pas ce qu’il affirme. Selon un sondage (Angus Reid) 27% trouve sa version des événements moins crédible après son témoignage et 43% ne change pas d’opinion sur cette dernière. 51 % de la population préfère croire la version de Marc Bellemare. Charest perd son pari. C’est pour lui une défaite, qu’il devra payer, qu’il paie déjà, car son parti ne fait que 26% des intentions de vote et à peine plus de 20% chez les francophones. 56% de la population croit qu’il doit partir.
Repenser la démocratie politique pour faire face à la délégitimation du pouvoir néolibéral
Les Québécoises et les Québécois n’ont pas besoin des remontrances de journalistes néolibéraux de Maclean’s pour reconnaître la corruption de leur régime politique. Ils n’ont surtout pas besoin du mépris antiquébécois qui ferait du Québec le champion de la corruption au Canada. Depuis des mois et des mois, la vaste majorité de la population du Québec réclame une commission d’enquête pour faire le ménage dans la corruption qui corrode les institutions politiques du Québec. Malheureusement, le pouvoir exorbitant accordé au premier ministre lui a permis jusqu’ici de rejeter cette volonté populaire.
La morgue antidémocratique du gouvernement Charest affaiblit la légitimité des institutions politiques. Les politiciens et politiciennes au pouvoir font la preuve qu’ils gouvernent dans leurs propres intérêts et pour ceux des couches privilégiées dont ils et elles sont issus.
Il faut en finir avec la domination despotique d’un premier ministre qui concentre trop de pouvoirs. Il faut bloquer les voies qui permettent aux représentants d’échapper au contrôle des représentés. Il faut augmenter une démocratie active et redéfinir les règles du financement des partis, instaurer un régime électoral proportionnel, limiter les pouvoirs d’influence des intérêts économiques privés sur les électeurs et les électrices, stimuler l’émergence des médias issus de la société civile pour favoriser l’information libre et pluraliste, bloquer la multiplication répétitive de mandat qui aboutit à monopoliser dans les mains de certains la représentation, imposer la parité de genre dans les candidatures et lutter contre les discriminations racistes en exigeant des partis politiques qu’ils présentent, un minimum de candidat-es- issues des minorités et des catégories sociales populaires... (1)
La restauration de la confiance dans les institutions politiques exige une démocratisation radicale de la politique. C’est là un impératif incontournable.
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voir, Thomas Coutrot, Jalons vers un monde possible, redonner des racines à la démocratie, Éditions Le Bord de l’eau, Paris, 2010


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