Cannabis: les producteurs canadiens à la conquête du monde

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Les amis de Trudeau vont s'en mettre plein les poches

Une poignée de producteurs de cannabis canadiens, les coffres remplis par des investissements spéculatifs totalisant des milliards de dollars, sont en train de s'imposer à grande vitesse dans une vingtaine de pays qui ont légalisé la marijuana thérapeutique. L'Allemagne est leur cible de prédilection.


Le plus récent exemple de la vague d'expansion internationale en cours : le producteur ontarien Aphria, qui fournira 12 millions de grammes de marijuana par année à la future Société québécoise du cannabis (SQDC), a acheté hier 25% des parts de l'hôpital privé Schöneberg, de Berlin. Avec sa filiale européenne Nuuvera Deutschland GmbH, Aphria compte utiliser cet investissement pour y exploiter le premier de plusieurs « centres de traitement de la douleur » qui auront pour mission d'« éduquer et améliorer la connaissance des médecins et des patients allemands entourant les propriétés thérapeutiques du cannabis médical ».


La transaction, évaluée à 1,8 million, ne représente qu'une infime fraction des 2,5 milliards de capitalisation boursière que détient Aphria.


Avec Canopy Growth, Aurora Cannabis et Tilray, Aphria fait partie d'une très courte liste d'entreprises dont la valeur dépasse le milliard en Bourse et qui détiennent des permis d'exportation de cannabis délivrés par Santé Canada.


Leurs ventes à l'étranger, pratiquement inexistantes en 2016, ont augmenté de 300 % en 2017, indique la firme New Frontier Data, spécialisée dans l'analyse économique de l'industrie du cannabis. Santé Canada n'a pas été en mesure de nous fournir de données plus précises à ce sujet hier. 


« La valeur en Bourse de ces entreprises a tout simplement atteint la stratosphère, estime Beau Withney, économiste sénior de New Frontier Data. Ce qui propulse cette valeur, ce n'est pas nécessairement le marché intérieur, mais plutôt les potentiels d'exportations. En voyant ce potentiel, les investisseurs jouent leur va-tout. »


D'ABORD L'ALLEMAGNE


Avec ses 80 millions de consommateurs potentiels, l'Allemagne est vue depuis quelques mois comme la principale porte d'entrée des entreprises canadiennes pour le marché européen du cannabis médical. Le Bundestag y a officiellement légalisé la consommation thérapeutique en mars 2017, permettant même aux patients allemands détenant une prescription de se faire rembourser leur marijuana par leurs assureurs privés. Mais les producteurs locaux, qui ont dû démarrer de zéro au lendemain de la légalisation, peinent à ce jour à obtenir les accréditations nécessaires pour exploiter leurs serres et alimenter le marché.


Les producteurs canadiens de cannabis, qui doivent déjà se conformer à de lourds standards industriels pour obtenir leur permis de production de Santé Canada, ont facilement pu obtenir l'accréditation Good Manufacturing Practices exigée par l'Allemagne pour desservir son territoire.


Pour l'instant, les entreprises canadiennes ont une large avance sur les producteurs américains, qui sont pris dans un système dont la légalité varie d'un État à l'autre, et qui n'est pas reconnue par Washington. « Les Américains vont mettre beaucoup de temps à les rattraper. Ils n'ont pour l'instant pas les infrastructures nécessaires pour viser le marché international », affirme M. Withney.


DE TROIS À CINQ ANS D'EXPORTATION 


L'Allemagne est une des 20 juridictions internationales qui ont ouvert leurs portes au potcanadien. Pour la plupart, ces pays n'ont pas encore leurs propres infrastructures de production, mais ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils en accréditent. Les producteurs canadiens, forts de leurs impressionnantes cagnottes boursières, ont déjà commencé à acquérir des parts importantes de ces entreprises étrangères. En Australie, le plus important producteur de cannabis médical, The Cann Group, a par exemple vendu 23 % de ses actions à la canadienne Aurora Cannabis dans le cadre d'un « partenariat stratégique ». Récemment, les médias australiens ont avancé qu'Aurora fait des démarches pour devenir l'actionnaire de contrôle de cette entreprise évaluée à 500 millions.


New Frontier estime que l'industrie canadienne en a pour « trois à cinq ans » à exporter ainsi une partie de sa production vers l'étranger avant que ces pays s'organisent et exigent que le cannabis provienne directement de leur territoire. « L'exportation est un jeu à court terme ; rapidement, notre attention ira à établir des installations dans ces juridictions », reconnaît Jordan Sinclair, de Canopy Growth.


« C'est un marché d'investisseurs précoces [early movers]. Il n'y a qu'une poignée d'entreprises qui ont le savoir-faire et les capacités de croissance suffisantes pour se positionner dans ce marché international », ajoute-t-il.


Une fois en position de force, les producteurs canadiens comptent aussi sur un certain assouplissement des moeurs qui pourrait mener à une légalisation de la consommation récréative dans ces pays. La Nouvelle-Zélande, où quelques entreprises canadiennes sont déjà présentes, s'apprête à mener un référendum en 2020 sur la décriminalisation de la marijuana.


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