Campagne de crise

Tant d'opportunisme en période de crise désole et fait frissonner. Voilà de la petitesse.

Élection Québec - 8 décembre 2008

Après sept mois passés à La Haye, quotidiennement obsédé par les crimes contre l'humanité, les génocides et les guerres, pas facile de se passionner pour la campagne électorale qui se déroule au Québec.
Première constatation: en Europe, la crise économique a provoqué un sursaut de responsabilité dans les formations politiques. L'urgence est palpable et les partis, sans nier leurs différences, se serrent les coudes. En Belgique et aux Pays-Bas, pays gouvernés par des coalitions très larges et disparates, on a descendu les banderoles partisanes et on s'est mis au boulot. La bataille politique reprendra plus tard.
Ici, au Québec, Jean Charest pour mettre fin à la crise, déclenche une élection qui a pour effet de suspendre les dépenses pour le programme d'infrastructures, meilleur moyen, dit-il, de lutter contre la récession qui s'annonce. Tant d'opportunisme en période de crise désole et fait frissonner. Voilà de la petitesse. Un véritable homme d'État aurait convié les autres chefs de parti à une réunion d'urgence. Il aurait plaidé pour qu'on mette de côté les ambitions partisanes et qu'on s'entende sur un plan commun, sur une démarche unanime pour sortir de la crise. Faire preuve de responsabilité et de hauteur de vue: c'est peut-être trop demander à ces petits politiciens libéraux.
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Prendre le risque de tenir des élections pourrait se comprendre si le gouvernement avait concocté un plan audacieux requérant des bouleversements profonds dans l'organisation économique et sociale, des changements radicaux nécessitant un large consensus populaire. Mais ce n'est absolument pas le cas.
Le «plan» des libéraux pour lutter contre la crise monstrueuse ne prend pas en compte la crise financière, ne propose rien pour résoudre la crise larvée dans les régions ressources, ne s'attaque pas de manière radicale à la crise énergétique. En fait, à écouter les trois partis, on a l'impression de faire face à une petite crisette, un soubresaut temporaire de l'économie, un petit rhume du capitalisme international.
Depuis quand a-t-on besoin d'élections pour prolonger une promenade et construire un aréna à Québec ou un anneau de glace couvert? Cent millions par ci, 50 millions par là. Le gouvernement Charest lutte contre la catastrophe annoncée en faisant du saupoudrage dans toutes les régions.
Il faut dire que ça ne vole pas beaucoup plus haut dans les autres partis qui, comme les libéraux, n'ont rien trouvé de mieux pour nous sortir de la crise que de favoriser la foutue classe moyenne et la désormais sacro-sainte famille, même si les valeurs familiales s'étiolent, le mariage bat de la patte et la famille monoparentale est presque dorénavant la règle. Des places en garderie, un crédit d'impôt, une somme de 100 $ par mois. Mais, pour encadrer tous ces engagements épars, aucun des partis ne présente un projet cohérent, une vision différente de l'économie et de la société.
Et puis, il y a ce dont on ne parle presque pas: la crise des régions ressources et en particulier celle de l'industrie forestière. Personne ne propose une politique régionale qui s'appuie sur les régions elles-mêmes, qui donne du pouvoir et des ressources aux régions.
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On ne parle pas du déficit démocratique. Pas un seul mot depuis le début de la campagne sur la nécessité de refonder le mode de scrutin. De surcroît, on dirait qu'il n'existe plus de pauvres au Québec, plus de besoin de logements sociaux. On dirait que le Québec est une immense classe moyenne propriétaire de sa maison menacée par la crise hypothécaire.
La culture avait monopolisé le Québec contre le gouvernement Harper, mais elle ne fait pas recette au provincial. Pourtant, les trois partis ne sont-ils pas unanimes pour défendre l'identité québécoise et la faire s'épanouir ?
Mais Mario, qui n'a rien appris et qui ne parvient pas à devenir un adulte responsable, qui persiste à se complaire dans la démagogie et le populisme faciles, a quand même soulevé un problème fondamental, celui de l'école publique québécoise. Il invoque les mauvaises raisons: le bulletin pas vraiment chiffré, le cours d'éthique et d'histoire des religions, le sapin qui va disparaître ainsi que les oeufs de Pâques. Mais il a raison quand il dit à des élèves atterrés qu'ils sont programmés pour l'échec. Surtout s'ils sont francophones à Montréal.
Le Devoir a publié jeudi les résultats d'une étude dévastatrice pour les écoles francophones de Montréal. Les fréquenter, c'est avoir deux fois moins de chances d'obtenir un diplôme du secondaire que si on fréquente une école anglophone. En 2005, ont découvert trois chercheurs qui ont étudié cinq commissions scolaires montréalaises, 53 % des élèves obtenaient leur diplôme dans les délais normaux dans le secteur francophone. Dans le secteur anglophone, le pourcentage était de 72 %. Et cela ne tient pas aux différences de milieu socioéconomique, cela tient essentiellement à l'organisation respective des écoles des deux secteurs. Pire, l'écart entre les deux secteurs s'accroît au détriment du système francophone. Tous les facteurs de réussite ont été pris en compte: le sexe, le milieu socioéconomique, les retards scolaires à l'entrée au secondaire ou le nombre d'élèves en difficulté d'apprentissage. Rien n'y fait, les élèves qui fréquentent l'école francophone sont floués. Voilà un enjeu fondamental, mais tous les partis éviteront le sujet au nom, peut-être, de la fierté identitaire.


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