C'est ça, le Canada

Accommodements - Commission Bouchard-Taylor


C'est sûr, cette commission d'enquête sur les accommodements consentis aux minorités culturelles clarifiera les choses.
Mais les changera-t-elle?
Elle va très vite se cogner le nez sur le multiculturalisme. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Au fond de cette coulée de boue qui nous a tous salis un petit peu, ce que les deux commissaires vont trouver, c'est le multiculturalisme que M. Trudeau a implanté au Canada au début des années 70. Et j'ai bien peur que ce multiculturalisme, essence même de la nation canadienne, ne soit pas corruptible. Dans ses grands principes, du moins.
Par définition, le multiculturalisme n'a rien à foutre de la culture dominante, il se fonde dans la diversité. Il va se braquer bien raide dès qu'il va voir se profiler cet entonnoir par lequel certains souhaiteraient faire passer les nouveaux arrivants pour qu'ils se fondent dans un grand tout canadien... qui n'existe pas, d'ailleurs.
Les gens qui m'ont envoyé la déclaration de M. Sarkozy cette semaine - tiens, mets ça dans ta pipe - n'ont rien compris. L'intempestif et lapidaire avertissement du candidat de la droite à la présidence de la République française, que les immigrants se le tiennent pour dit, la France c'est la France et en France on n'égorge pas de moutons dans les maisons, ici, c'est du vent.
Le souhaiteraient-ils que nos deux commissaires ne pourraient se permettre un tel coup de trompette. Aucun politicien canadien ne le pourrait. Et cela au regard même des valeurs canadiennes. Le Canada revendique son pluralisme ethnique, s'en glorifie, ne croit pas une seconde qu'il menace sa cohérence comme nation. Si des citoyens prétendent égorger un mouton sur leur balcon, il est possible - pas certain, mais possible, envisageable - qu'on les accommodera. C'est ça, le Canada.
Je ne vous dis pas c'est merveilleux, je ne vous dis pas que c'est nul même si je le pense. La question n'est pas là. Je vous dis que c'est ça, le Canada, et que je ne vois pas très bien ce qu'une commission d'étude pourra y changer.
Il y a trois grands systèmes d'intégration des immigrants. Le melting pot américain et le modèle républicain français, qui visent tous deux à l'assimilation des immigrants à une culture hégémonique (dominante). Le troisième système, le nôtre, ne vise justement pas à l'assimilation des immigrants. On veut qu'ils restent comme ils sont, avec leur kirpan, avec leur turban. Alors que dans les deux autres systèmes la diversité va finir par se dissoudre dans la culture dominante en la changeant sans doute un tout petit peu, à dose homéopathique, dans notre système, la diversité EST la culture dominante.
Lequel des systèmes est le meilleur? Quand les banlieues françaises ont explosé à l'automne 2005, tout le monde s'est moqué du modèle républicain, qui n'assimile peut-être pas aussi bien qu'il le prétend.
Chez nous, on commence à ressentir les inconvénients de la diversité à tout prix. On s'avise tout à coup que ces gens qu'on a accommodés au nom de la liberté religieuse en leur permettant de tuer leur mouton sur le balcon; ces mêmes gens, tout à fait logiquement, d'ailleurs, au nom de cette même liberté religieuse, dénoncent certains symboles religieux de la majorité, qui, disent-ils, font de l'ombre aux leurs - l'arbre de Noël, par exemple.
Alors lequel des systèmes est le meilleur? Qu'importe, je veux juste souligner ici qu'on n'en change pas comme de chemise. Le Canada ne changera pas son multiculturalisme pour le melting pot ou le modèle républicain. Et ce n'est pas non plus une cafétéria. Tu ne choisis pas. Tu ne peux pas dire ouais, c'est pas pire, mais pas le kirpan, pas dans mon école. Au nom des valeurs canadiennes, un juge va venir te rappeler que ton école est au Canada. Hérouxville aussi.
Qu'on aime ou qu'on n'aime pas, le Canada est multiculturel pour le meilleur et pour le pire. Cela signifie qu'à la limite on pourrait retourner comme une chaussette la morronerie du morron de Hérouxville et lui dire regarde, chose, c'est ça, le Canada, si t'aimes pas tu peux toujours déménager chez les Papous.
Le troupeau
M. Drainville rapporte que, lorsqu'il a annoncé qu'il serait candidat pour le Parti québécois, de nombreuses personnes lui ont témoigné leur surprise: j'aurais juré que vous étiez libéral! Je ne connais pas M. Drainville autrement que par le Téléjournal et, franchement, moi aussi, je le croyais libéral. C'est dire combien je trouve malhonnêtes ces gens qui prétendent aujourd'hui que son jupon dépassait.
Je partage chaque virgule de la chronique que mon collègue Yves Boisvert a signée hier à la défense de M. Drainville sous le titre [« Il n'y a pas d'affaire Drainville »->4324]. Mais à bien y penser, c'est un titre désolant. C'est notre métier de « raconter des histoires », au sens le plus noble de l'expression. Or, de plus en plus souvent, nous voilà dans l'urgence d'avoir à vous tirer par la manche: hé, ho, les amis, y en a pas, d'histoire.
La non-histoire Drainville est symptomatique de cette hystérique et perpétuelle quête du sens qui vous agite et que certains prennent pour "un débat".
Qu'en pensez-vous, M. Foglia?
Rien, crisse.
Avez-vous lu celui-là dans les pages des lecteurs: « L'histoire de Bernard Drainville est la goutte qui fait déborder le vase, pas étonnant que les gens fassent de moins en moins confiance aux journalistes. » Et gnagnagna. Un débat, les bêlements du troupeau? Des idées, ce dépotoir de lieux communs?


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