Philippe Couillard a promis de diriger le Québec au centre durant la campagne électorale. Un an plus tard, il a pris un virage à droite qui ne manque pas d’étonner.
Le Parti libéral de Philippe Couillard n’a rien à voir avec celui de Jean Lesage, père de la Révolution tranquille. Il ressemble davantage à une succursale provinciale du Parti conservateur.
Jean Charest, lui-même un disciple de l’ancien premier ministre conservateur Brian Mulroney, est le premier à avoir fait basculer le PLQ un peu plus à droite, au point où l’ancien chef libéral, Claude Ryan, avait dû lui pondre un manuel sur «les valeurs libérales» dans l’espoir de le recentrer. Charest doit observer avec satisfaction et envie son successeur.
«Charest le voulait, Couillard le fait», titrait samedi Le Devoir, dans son bilan de l’an 1 du gouvernement Couillard. En 2003, Jean Charest s’était lancé dans une impossible réingénierie de l’État, avec des idées de privatisation à tous vents et des partenariats public-privé (PPP) pour financer les grands ouvrages tels que le CUSM.
On connaît la suite. Même la passionaria des PPP, Monique Jérôme-Forget, reconnaît aujourd’hui que cette forme d’octroi des contrats publics n’était pas le rempart qu’elle imaginait pour prévenir la corruption.
Jean Charest a passé son premier mandat à se faire malmener dans les médias et les sondages, au point où les chroniqueurs parlaient de lui comme d’un candidat au titre peu enviable de «pire premier ministre» de l’histoire contemporaine du Québec.
Charest a pris acte de la grogne populaire afin de procéder à un repositionnement stratégique. Il a cessé de se prendre pour la version québécoise de Mike Harris, architecte de la «révolution du bon sens» en Ontario, et il a pu s’accrocher au pouvoir pour une décennie.
Philippe Couillard bénéficie d’un tout autre climat politique. La fatigue référendaire lui a permis de se défaire facilement d’une adversaire, Pauline Marois, qui a entretenu le flou sur l’atteinte de la souveraineté.
Jusqu’à présent, la course à la chefferie du PQ n’a pas permis aux candidats en lice d’offrir une option valable à l’austérité libérale. Les finances publiques sont dans le rouge, et les contribuables ne semblent pas du tout emballés par la perspective d’une hausse du fardeau fiscal pour maintenir les acquis du modèle québécois.
Il y avait bien des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Montréal, cette semaine. Étudiants, pompiers, professeurs et résidants en appelaient ni plus ni moins à l’abandon du modèle Couillard. Mais la majorité silencieuse ne suit pas. L’idéologie des lucides s’est imposée dans le débat public.
Si la tendance se maintient, les libéraux vont séduire les électeurs de la CAQ, parmi lesquels se trouvent de nombreux fédéralistes hostiles à l’interventionnisme étatique. Ils se reconnaîtront dans le discours néo-libertarien du président du Conseil du trésor, Martin Coiteux.
Comme tous les premiers avant lui, Philippe Couillard a laissé des esquisses sur la table à dessin. Il a renié des promesses, la plus significative étant d’accroître le budget du ministère de la Santé de 4 % et celui du ministère de l’Éducation de 3,5 %. En lieu et place, les hausses seront de 2,7 % pour la Santé et de 1,9 % pour l’Éducation.
Sa promesse de créer 50 000 emplois par année n’est pas piquée des vers non plus. Elle est passée d’un engagement à un objectif, et bientôt, on parlera d’un idéal ou d’un rêve.
Les modestes hausses à la Santé et à l’Éducation permettent au gouvernement libéral de faire des débats sémantiques. Selon les libéraux, on ne peut qualifier d’austérité la politique du gouvernement, puisque les deux plus grosses dépenses budgétaires de l’État sont toujours en croissance. Il y a de ces lignes de presse qui ne résistent pas au gros bon sens.
Les Québécois ont très bien compris qu’ils seront appelés à se serrer la ceinture. S’ils n’ont pas voté pour ça, comme le scandent les protestataires, ils semblent pourtant s’accommoder des politiques de rigueur.
La contestation étudiante, ce faux printemps érable, s’essouffle. Les syndicats, sages et prudents, n’ont pas voulu adhérer au projet de grève sociale porté par l’ASSÉ.
Philippe Couillard connaîtra son véritable test dans l’an 2 de son mandat, avec les négociations dans le secteur public.
Les boutefeux Gaétan Barrette et Pierre Moreau ont respectivement bousculé le monde de la santé et le municipal. Les syndiqués de la fonction publique savent exactement à quoi s’attendre du gouvernement Couillard.
L’an 2 sera marquant. En plus des négociations, le gouvernement devra trouver une réponse cohérente à des grands chantiers : charte de la laïcité, rapport de la commission Charbonneau, statut fiscal particulier pour Montréal et Québec, réformes des commissions scolaires…
La réingénierie de l’État est en marche. Il faudra plus que l’écho de la rue pour l’arrêter.
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