Hydro-Québec: curieux bras de fer préélectoral

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Bryan Miles manque l'essentiel : le détournement d'Hydro par les libéraux !

Le conflit qui oppose le p.-d.g. d’Hydro-Québec, Éric Martel, et le gouvernement Couillard tombe à un bien mauvais moment. À l’approche des élections, voilà une distraction estivale qui fait mal paraître le mandarin de la société d’État et les libéraux.


Le projet Apuiat est rempli de nobles intentions. Ce parc éolien, réalisé en partenariat avec la nation innue, Boralex et RES, sur la Côte-Nord, pourrait générer à terme la production de 200 mégawatts d’énergie éolienne et soutenir 300 à 400 emplois (durant la phase de construction) dans une région qui en a bien besoin, et stimuler une communauté autochtone historiquement laissée pour compte dans le développement économique et l’exploitation des ressources naturelles.


À la veille d’un rendez-vous électoral qui s’annonce difficile pour eux, si l’on se fie aux sondages, les libéraux veulent enfoncer le projet dans la gorge des Québécois en court-circuitant au passage toute forme de débat. Sur ce terrain préélectoral fertile en rebondissements, les sources anonymes s’en donnent à coeur joie.


Le p.-d.g. Martel a remis en question l’utilité du projet dans une lettre adressée aux chefs innus, dont Le Journal de Montréal a révélé la teneur. En vertu de ce contrat, Hydro-Québec serait forcée d’acheter la production d’Apuiat pendant vingt-cinq ans, ce qui occasionnerait à la société d’État des pertes financières évaluées entre 1,5 et 2 milliards de dollars, alors qu’elle doit déjà composer avec des surplus importants d’électricité. L’attribution du contrat de gré à gré inquiète par ailleurs Hydro-Québec. Rien n’indique que les Innus seront véritablement partenaires à 50 % dans ce projet et qu’ils bénéficieront de ses retombées économiques.


Les critiques de M. Martel ne sont pas sans fondement, ce pour quoi la réponse des torpilleurs anonymes cités dans les médias est si virulente. Jamais un président de société d’État ne s’est livré à une attaque aussi frontale envers le premier ministre, dit-on. S’il n’en tenait qu’au ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Moreau, Éric Martel serait viré, renchérit-on.


Dans cette histoire, le silence du conseil d’administration d’Hydro-Québec rend la position d’Éric Martel plutôt inconfortable. Le p.-d.g. n’a guère aidé sa cause en s’affichant publiquement dans un salon privé d’un restaurant avec le chef de la Coalition avenir QuébecFrançois Legault, il y a quelques semaines. Le même François Legault qui accuse le premier ministre, Philippe Couillard d’enfoncer « un projet inutile et ruineux » dans la gorge d’Hydro-Québec, à la hâte, par crainte d’une défaite électorale. Le projet Apuiat est pourtant sur la table à dessin depuis 2015.


Même s’il a raison sur le fond, M. Martel n’est pas en bonne posture pour mener le débat sur l’utilisation d’Hydro-Québec à des fins de développement économique. Ce débat est pourtant essentiel. Le projet Apuiat viendra contribuer à la surcapacité d’Hydro-Québec, à qui on demande de subventionner indirectement l’entreprise privée et la nation innue. Au terme de la phase de construction, le parc de 48 à 57 éoliennes assurera le maintien de 10 à 15 emplois directs permanents.


Est-ce là un usage approprié des fonds publics ? Un moteur de développement de la Côte-Nord ? Une voie d’avenir pour les collectivités autochtones ? Non, non et non.


Dans son plus récent rapport, la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, a analysé l’impact de la filière éolienne. Le bloc d’électricité dit « postpatrimonial » a fait gonfler les coûts d’approvisionnement d’Hydro-Québec de 2,5 milliards de dollars entre 2009 et 2016. Hydro-Québec a ainsi déboursé 8,9 cents le kilowattheure (kWh) pour de l’énergie éolienne, alors qu’elle aurait payé 2,67 cents le kWh si elle avait puisé dans le bloc d’énergie hydroélectrique.


De toute évidence, le gouvernement Couillard n’a rien retenu de ce rapport édifiant. Le ministre Moreau continue de croire que le développement de la filière éolienne va de pair avec le développement économique des régions. L’essor des régions repose sur la diversification de leurs activités économiques et sur des initiatives visant à les sortir de leur isolement.


> La suite sur Le Devoir.



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