Hydro-Québec, un monopole. Et puisqu’on se méfie d’un monopole, on réglemente ses tarifs. Et pas à peu près. La société d’État doit annuellement plaider sa cause devant la Régie de l’énergie. Elle doit justifier ses faits et gestes devant un tribunal.
La Régie passe ses prévisions financières au peigne fin et s’assure que son profit est raisonnable. En dépit de ces contrôles, Hydro-Québec a mieux performé que ce qui était attendu.
Le gouvernement en a tiré des dividendes et a payé des écoles, des médecins et des CPE avec l’argent. La majeure partie de ces gains est déjà retournée à la société.
Malgré cela, le ministre Julien vient d’annoncer qu’Hydro-Québec doit « rembourser » ces sommes.
Des sommes qui, en grande partie, ne sont pas restées chez Hydro-Québec. Résultat : on fait payer la société d’État en double. Quand on parle de vache à lait...
Un discours incohérent
Dans le secteur privé, on applaudirait une entreprise qui dépasse les prévisions. La valeur de l’action augmenterait. Les dirigeants obtiendraient des primes. On la donnerait en exemple. Mais pas au Québec.
Au Québec, un groupe de pression réussit à convaincre le public qu’Hydro-Québec l’a volé. Qu’une société d’État performante ne devrait pas en faire profiter son actionnaire. Il fait signer une pétition. Et le gouvernement plie.
Ceux qui hurlent au vol sont incohérents. Ces mêmes groupes s’opposent à la taxation des profits des sociétés dans le secteur privé. Ils aiment nous rappeler qu’une entreprise qui ne garde pas ses profits n’a pas d’incitatif à devenir performante. La même logique devrait s’appliquer à Hydro-Québec.
Dans le cadre réglementaire actuel, les trop-perçus sont une bonne nouvelle.
À Terre-Neuve, la mauvaise gestion de projets hydroélectriques et les dépassements de coûts font scandale. Les tarifs d’électricité doubleront. Les Terre-Neuviens rêvent la nuit de trop-perçus.
Des trop-perçus à venir
Le ministre de l’Énergie vient de geler les tarifs pour l’an prochain et d’en fixer l’augmentation à l’inflation pour quatre ans. Or, depuis cinq ans, les tarifs d’électricité ont augmenté moins rapidement que l’inflation. Il y a fort à parier qu’Hydro-Québec en tirera des profits supplémentaires.
Le ministre répète que c’est au rythme de l’inflation que nos factures d’électricité ont augmenté depuis 40 ans.
Mais dans les 40 dernières années, les augmentations de tarifs ont servi à financer de grands projets, comme la Romaine.
Et des dérives éoliennes.
Le gouvernement vient-il donc d’augmenter secrètement nos factures d’électricité ?
On n’en est pas certain, puisque la Régie de l’énergie sera laissée sur les lignes de côté et n’aura plus son mot à dire.
Mais c’est fort possible.
Et que fera Hydro-Québec ?
Que fera une entreprise dont les tarifs sont gelés pendant cinq ans ? Elle fera des gains d’efficacité, réduira ses coûts et augmentera ses profits sans que la Régie de l’énergie baisse ses tarifs en conséquence. Elle sera doublement encouragée à performer. Et à générer des... trop-perçus. Et nous devrons revivre cette saga dans cinq ans. À suivre.
♦ Jean-Denis Garon est professeur à l’ESG UQAM
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