Les libéraux sont mal partis

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La question éthique plombera la campagne de Trudeau

Les libéraux se lancent sur la route électorale en traînant des casseroles incommodantes émanant de leur piètre gestion de l’affaire SNC-Lavalin.

Le Globe and Mail a révélé que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) est bloquée par le gouvernement Trudeau dans ses efforts pour faire la lumière sur cette affaire. La police fédérale a rencontré l’ex-ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould pas plus tard que cette semaine pour discuter d’allégations d’entrave à la justice dans les plus hautes sphères de l’État.

Voilà beaucoup d’intrigues emboîtées les unes dans les autres, mais comment pourrait-il en être autrement ? L’enquête du commissaire à l’éthique sur les pressions exercées sur Mme Wilson-Raybould était minée dès le départ. Le greffier du Conseil privé a renoncé à lever le secret du cabinet pour neuf témoins qui auraient pu traiter des circonstances ayant entouré le remaniement ministériel qui a coûté son poste à Mme Wilson-Raybould. Celle-ci a refusé d’une manière catégorique de négocier un accord de réparation qui aurait permis à SNC-Lavalin d’éviter des poursuites criminelles, en dépit des interventions répétées de M. Trudeau et de sa garde rapprochée.

Le conseiller à l’éthique, Mario Dion, a blâmé le premier ministre Trudeau pour ses tentatives d’influence « troublantes », mais il n’a pas été en mesure de faire le tour de la question. Le remaniement découlait-il de la piètre performance de Mme Wilson-Raybould comme ministre de la Justice ? Après tout, elle n’a pas livré la réforme des peines minimales attendue d’elle. Son passage à la Justice n’a eu rien de flamboyant. Ou était-ce le dernier acte d’une stratégie visant à la faire plier dans le dossier SNC-Lavalin ?

Ces grandes questions demeureront sans réponse pour le moment puisque la GRC se retrouve dans la même situation que le commissaire à l’éthique. Les mêmes documents des mêmes témoins lui sont inaccessibles.

Cela étant dit, la GRC devrait jouer de prudence en campagne électorale. Elle ne doit surtout pas se placer dans une situation telle qu’elle puisse influencer le processus électoral par des fuites ou des déclarations malencontreuses. Laissons Trudeau battre Scheer, ou vice-versa, sur le terrain des idées et des programmes, et non sur celui des insinuations.

Si — et c’est un gros si — les remaniements ministériels s’apparentent désormais à de l’entrave à la justice, la GRC aurait dû s’y prendre plus tôt et lancer une enquête aux premières heures de l’affaire SNC-Lavalin. Qui plus est, il sera toujours temps d’y revenir après l’élection. Nous n’en sommes pas là. La GRC n’a pas encore ouvert une enquête officielle sur cette affaire, ce qui rend d’autant plus suspectes les récentes fuites dans les médias. Le chef conservateur, Andrew Scheer, ne cesse d’associer la conduite de Justin Trudeau à de la corruption. Entre l’ingérence et l’entrave à la justice, il y a quand même toute une marge.

M. Trudeau ne mérite aucune félicitation pour sa gestion de l’affaire SNC-Lavalin. Sa conduite n’a d’égale que sa désinvolture. Il ne s’excusera pas d’avoir défendu des emplois au Québec. L’autorité du premier ministre et de son cabinet a pourtant servi « à contourner, à miner et, en fin de compte, à tenter de discréditer la décision de la directrice des poursuites pénales ainsi que l’autorité de Mme Wilson-Raybould en tant que première conseillère juridique de la Couronne », a conclu le commissaire Dion.

Oui, le premier ministre se devait de défendre les 9000 emplois de SNC-Lavalin au Canada et son siège social de Montréal, qui sont à risque dans l’éventualité où la firme de génie serait condamnée pour fraude et corruption pour ses pratiques d’affaires en Libye. La volonté de sauver des emplois n’autorise pas le premier ministre à se moquer de la primauté du droit.

M. Trudeau a déclaré qu’il respectait la décision du greffier du Conseil privé de ne pas lever le secret du cabinet en totalité. C’est une affirmation trompeuse puisque le greffier agit sur recommandation du premier ministre. M. Trudeau avait le pouvoir de lever le secret, mais il n’a pas voulu le faire. Il prétend qu’il a levé le secret du cabinet « de la façon la plus expansive dans l’histoire du Canada » pour permettre au conseiller à l’éthique de faire son enquête. Cela est faux. Lors du scandale des commandites, qui a coûté au premier ministre Paul Martin sa réélection, les procureurs avaient obtenu un vaste accès aux documents du cabinet. Tous les ministres impliqués de près ou de loin dans le programme avaient témoigné devant le juge John H. Gomery.

Justin Trudeau est le seul premier ministre à avoir enfreint deux fois la Loi sur les conflits d’intérêts (la première fois pour son séjour chez l’Aga Khan). Il a choisi de balayer l’éthique sous le tapis pour la durée de la campagne. Ses adversaires ne manqueront pas de la lui rappeler, mais ils devront se résoudre à mener la bataille sur le terrain de leurs propres idées et projets. Les électeurs en savent déjà suffisamment sur l’affaire SNC-Lavalin pour se faire une idée sur lui.

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