Beaucoup à perdre

Jean Charest a beaucoup à perdre d'un recul. Le PQ tout autant d'une fuite en avant.

Budget MJF - baisses d'impôts


Québec - Frustré d'être absent jour après jour de la joute médiatique, le PQ a décidé d'enclencher hier une lutte sans merci avec le premier ministre Jean Charest. Avec la balance du pouvoir, le PQ menace d'entraîner le Québec dans une autre campagne électorale, moins de deux mois après le dernier scrutin.
Hier soir, le ton du chef du PQ à l'Assemblée nationale, François Gendron, ne portait pas à confusion: il taxait d'irresponsabilité le premier ministre Charest qui, selon lui, se comporte comme si le 26 mars les Québécois lui avaient donné un mandat majoritaire.
En coulisses, les péquistes étaient ulcérés hier quand ils se sont rendu compte que le gouvernement ne leur avait pas donné la porte de sortie, si étroite soit-elle, qu'ils comptaient obtenir à la suite de discussions privées avec le premier ministre et sa titulaire des Finances, Monique Jérôme-Forget.
"François Legault était anéanti, il s'est senti trahi par rapport à ce qu'on lui avait laissé entrevoir", résumait quelqu'un qui s'était longuement entretenu avec lui en marge du huis clos budgétaire. La Presse, mercredi, avait d'ailleurs fait échos aux échanges entre le PQ et le gouvernement, des discussions jugées prometteuses dans les deux camps.
La fronde annoncée hier soir peut porter un coup très dur à Jean Charest, qui se trouve depuis deux semaines en position très vulnérable. Bien sûr, le mécontentement est tangible dans les rangs du caucus. Mais, depuis deux semaines à l'Assemblée nationale, il a déjà battu des retraites déshonorantes à deux reprises. Une première, sans trop d'importance, quand il a décidé 24 heures plus tard de suivre l'ADQ pour demander à Ottawa de retirer un projet de loi qui réduirait le poids démographie du Québec aux Communes.
Cette semaine, il a mis à peine deux heures à adopter la position de Mario Dumont qui réclamait que Québec lance un ultimatum, une date butoir pour la fin du conflit à la STM.
Le dénominateur commun de ces passes d'armes récentes: le PQ semblait éjecté du débat, disparu du radar et des reportages. En fait, sa seule victoire depuis le retour de l'Assemblée nationale, est d'avoir arraché de généreux budget de recherche, une décision prise par le gouvernement libéral, au grand dam de l'ADQ.
Un nouveau recul, sur une question cruciale comme le budget, scellerait le sort sinon du gouvernement, tout au moins de Jean Charest. Son ascendant sur ses troupes serait définitivement altéré.
Mais bien qu'il roule des mécaniques, le Parti québécois est aussi éminemment vulnérable. Jusqu'à il y a trois semaines, Pauline Marois n'avait aucun plan pour revenir à la politique. Sans organisation, sa garde rapprochée est encore à se former.
Surtout, la dégelée encaissée par le PQ lors des dernières élections suppose un long travail de réflexion. Ironiquement, un journaliste demandait à François Gendron s'il pensait faire campagne avec l'actuel programme du PQ, "un référendum le plus tôt possible dans le mandat". Au PQ, le programme ne peut s'amender sur les chapeaux de roues.
Dans l'entourage immédiat de Mme Marois, ses proches confiaient encore mercredi qu'il faudrait plusieurs mois, jusqu'à l'automne probablement, pour remonter la pente. Sur le plan financier surtout, le parti est profondément endetté - la dernière campagne électorale a été littéralement payée sur la carte de crédit. Les élus du PQ sont mortifiés d'être relégués aux strapontins à l'Assemblée nationale, et leur stratégie d'hier évoque la boutade épidermique de l'ancien chef Jacques Parizeau, exaspéré de voir ses conférences de presse laissées pour compte par les journalistes: "on existe nous aussi", ont voulu lancer hier les députés péquistes.
Pauline Marois sait lire les sondages. Elle sait bien que l'engouement constaté pour sa candidature dans les derniers coups de sonde est un sentiment qui risque d'être éphémère. Pour forcer des élections, il faut être sur une glace autrement plus solide, qui prend généralement beaucoup plus de temps à se former. Si elle reculait, l'aile parlementaire du PQ serait humiliée, mais il n'y aurait pas trop de dommage pour la chef-en-devenir, restée hier dans son manoir de L'Île-Bizard.
Jean Charest a beaucoup à perdre d'un recul. Le PQ tout autant d'une fuite en avant.


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