Le gouvernement a fait le choix de présenter un budget qui n’obtient d’aucune façon l’adhésion des deux partis d’opposition», a expliqué hier soir le chef intérimaire du PQ, François Gendron. Après une réunion de deux heures, «révoltés», les élus péquistes ont «à l’unanimité» décidé de voter contre le budget quand il sera soumis à l’Assemblée nationale, le 1er juin.
Comme l’ADQ a déjà annoncé qu’elle voterait contre, le gouvernement risque d’être renversé la semaine prochaine à moins que le premier ministre Charest ne recule et revienne avec un budget plus acceptable aux yeux du PQ.
Du côté de Jean Charest, on était loin d’être prêt à des amendements hier soir. «On est encore bien loin du vote. On compte faire des annonces sectorielles qui permettront à l’opposition de réévaluer leur position», a dit Hugo D’Amours, porte-parole du premier ministre.
Plus belliqueuse, Monique Jérôme-Forget remettait à l’opposition les conséquences de son vote. «S’ils veulent renverser le gouvernement, c’est là leur choix. Une élection coûte 72 millions, s’ils veulent dépenser simplement pour une petite fierté, une coquetterie, je ne suis pas d’accord», a-t-elle lancé. «C’est mon budget, c’est ce que j’ai déposé et on va travailler avec ça», a-t-elle dit à La Presse.
Mais le PQ ne retrouve pas les exigences qu’il avait posées pour appuyer le gouvernement : davantage d’argent pour les soins à domicile, l’aide aux élèves en difficulté et les régions.
Si le Québec est plongé dans une nouvelle campagne électorale, «c’est pas vrai qu’on va porter seul la responsabilité de la suite des choses… M. Charest était conscient de la réalité ; 70% (des gens) dit que ce n’est pas une bonne idée de mettre tout l’argent dans les baisses d’impôts ; il s’en fout royalement», a soutenu M. Gendron. Bien que minoritaire, «au lieu de venir chercher notre adhésion, le premier ministre a choisi l’affrontement. Demandez à M. Charest si c’est responsable de se foutre de la population», a-t-il renchéri.
Selon lui, le gouvernement a toute la marge de manœuvre nécessaire pour modifier son budget s’il le désire. L’insensibilité du gouvernement est d’autant plus surprenante que lors d’une rencontre privée, M. Charest avait indiqué qu’il comprenait parfaitement les attentes de l’opposition péquiste. «Quand je l’ai rencontré en privé, il m’a dit que nos demandes étaient précises, claires et qu’il comprenait bien la situation», a révélé M. Gendron hier.
Plus tôt, dans le huis clos budgétaire, le critique aux Finances du PQ, François Legault, avait laissé entrevoir ce coup de force, décrivant le budget comme un exercice «irresponsable et sans vision». Au même moment, l’ADQ avait confirmé son intention de s’opposer au budget.
Baisses d’impôts
Avec son budget hier, Monique Jérôme-Forget a sorti un milliard de dollars d’un chapeau, une cagnotte secrète qui, ajoutée à l’augmentation des transferts fédéraux lui permet, en même temps, de baisser les impôts et d’effacer l’important déficit prévu pour l’an prochain par son prédécesseur, Michel Audet. Comme promis en campagne électorale, le gouvernement hausse à 950 millions les baisses d’impôts fixées à 250 millions lors du budget la fin février.
Il y a trois mois seulement, Québec entrevoyait un déficit de 1 milliard pour l’an prochain, un gouffre comblé hier comme par magie. Mme Jérôme-Forget a pu compter, notamment, sur une « réserve» de 500 millions ajoutée à une hausse «inattendue» de 430 millions des recettes d’Hydro-Québec.
Elle ne s’attendait vraiment pas à ce que le PQ menace de voter contre.
Pour l’ADQ, Gilles Taillon était tombé à bras raccourcis sur un budget qui laisse augmenter la dette publique de 7 milliards en deux ans. «C’est une taxe différée pour les générations futures, on fait un party aujourd’hui et on refile la facture à nos enfants», a dit M. Taillon qui confirmait hier que son parti votera contre le budget à l’Assemblée nationale.
«On aurait été d’accord avec les baisses d’impôts à condition qu’il y ait une marge de manœuvre» qui n’existe pas selon lui.
Pour le contribuable, le budget d’hier ajouterait 700 millions aux 250 millions de baisses d’impôts promises par le budget de Michel Audet fin février. Comme cette mesure s’applique à compter de janvier 2008, elle coûtera 200 millions pour 2007-2008.
L’effet conjugué des deux baisses d’impôts signifie un allègement fiscal de 984$ par année pour un couple avec deux enfants et un seul revenu de 75 000$. La même famille avec deux salaires épargnera 640$ par année. Pour une famille monoparentale, avec un enfant, l’économie est de 360$ pour un revenu de 50 000$. Pour une personne vivant seule, à faible revenu, l’impact sera mineur, 55$ par année, pour un salaire de 30 000$. Le cadeau augmentera rapidement pour les hauts salariés, jusqu’au plafond de 969$ pour un revenu au-delà de 75 000$.
«Il était temps de donner des baisses d’impôts, d’aider tous les Québécois», a précisé la ministre, interpellée sur sa générosité pour les hauts salariés qui profiteront davantage du budget d’hier. Depuis quatre ans l’essentiel des efforts ont été dirigés vers les familles et les bas revenus, a-t-elle expliqué. Avec cette baisse d’impôts, le Québec sera la cinquième province au pays au palmarès du fardeau fiscal.
Pour les entreprises, Québec accélère la réduction de la taxe sur le capital, une mesure coûteuse – 889 millions par année –, mais qui n’aura aucun impact financier en 2007-2008 et ne coûtera que 34 millions l’an prochain. Mme Jérôme-Forget ne fait d’ailleurs ses projections que sur deux ans, plutôt que cinq.
Les dépenses totales atteignent cette année 61 milliards, une augmentation modérée à 3,9%. Elles sont compensées par des revenus totalisant 48 milliards plus 13 milliards de transferts fédéraux et de péréquation.
Conséquence d’une injection de 30 milliards en cinq ans pour rénover les infrastructures routières et entretenir les écoles et les hôpitaux, la dette publique continuera d’augmenter, passant de 122,4 milliards l’an dernier à 125,2 milliards cette année à 127,7 milliards l’an prochain. Mais, par rapport à la richesse collective, le poids de la dette continue de diminuer, passant de 43 à 41% sur cette période.
Pour présenter un portrait plus limpide des finances publiques, le gouvernement entreprend aussi des travaux avec le Vérificateur général du Québec qui visent à intégrer les établissements de la santé et de l’éducation dans le périmètre comptable du gouvernement, dès le prochain budget. «C’est le budget d’une nouvelle façon de faire», a promis hier la ministre
Parce que le financement de la santé est «de plus en plus problématique», Québec confiera à Claude Castonguay, le père du régime public d’assurance maladie, le mandat de se pencher à nouveau sur le financement public des soins.
Partisan avoué du recours au privé en santé, «il est la personne toute désignée pour jeter un regard critique sur nos façons de faire», a précisé la ministre. Son rapport est attendu pour l’automne et pourrait proposer des modifications à la Loi canadienne sur la santé.
Québec demandera aussi à Hydro-Québec de mettre l’accent sur les exportations. Les revenus supplémentaires permettront d’augmenter, à compter de 2010, de 400 millions annuellement, les versements au Fonds des générations, créé l’an dernier. D’ici 2026, 42 milliards seront ainsi engrangés pour rembourser la dette.
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