Le PQ pourrait replonger le Québec en élections

Budget MJF - baisses d'impôts



Geste inattendu hier : le Parti québécois a mis en joue le gouvernement Charest et menacé de voter contre le budget déposé par Monique Jérôme-Forget, un exercice «irresponsable et sans vision» a lancé, avec une virulence surprenante, le critique du PQ aux Finances, François Legault.



En caucus, les députés péquistes auront à décider s’ils appuieront ce budget qui n’accorde, selon lui, que des miettes en argent supplémentaire pour la santé et l’éducation. D’ores et déjà, le PQ a demandé au président de l’assemblée nationale si le budget pouvait être amendé. Pour la ministre Jérôme-Forget, il n’en est pas question. «C’est mon budget. Je l’ai déposé. C’est avec ça qu’on va travailler», a-t-elle déclaré à La Presse.
Le vote à l’Assemblée nationale est prévu pour la semaine prochaine. Étant donné que l’ADQ a confirmé hier son intention de s’opposer au budget, le vote conjugué des deux partis d’opposition pourrait, en théorie, replonger le Québec en campagne électorale.
Dans son budget, Monique Jérôme-Forget a sorti un milliard de dollars d’un chapeau, une cagnotte secrète qui, ajoutée à l’augmentation des transferts fédéraux, lui permet, en même temps, de baisser les impôts et d’effacer l’important déficit prévu pour l’an prochain par son prédécesseur, Michel Audet.
Comme promis en campagne électorale, le gouvernement hausse à 950 millions les baisses d’impôts fixées à 250 millions lors du budget la fin février.
Mme Jérôme-Forget soutenait ne pas craindre que le gouvernement Charest soit défait en Chambre sur son budget, ni que les partis d’opposition replongent le Québec en campagne électorale. «La dernière campagne a coûté 70 millions, c’est du gros argent», rappelle-t-elle soutenant que les deux partis d’opposition allaient devoir «collaborer» et montrer leur sens des responsabilités. «C’est le Parti libéral qui est au pouvoir», laisse-t-elle tomber.
Pour l’ADQ, Gilles Taillon est tombé à bras raccourci sur un budget qui laisse augmenter la dette publique de 7 milliards en deux ans. «C’est une taxe différée pour les générations futures, on fait un party aujourd’hui et on refile la facture à nos enfants», dira M. Taillon qui confirmait hier que son parti votera contre le budget à l’Assemblée nationale.
«On aurait été d’accord avec les baisses d’impôts à condition qu’il y ait une marge de manœuvre», ce qui n’existe pas selon lui.
François Legault aussi croit que le Québec ne peut se payer ces baisses d’impôts, mais pour lui c’est parce qu’on nie des besoins criants en santé et en éducation.
Baisses d’impôts
Pour le contribuable, le budget d’hier ajoute 700 millions aux 250 millions de baisses d’impôts promises par le budget de Michel Audet fin février. Comme cette mesure s’applique à compter de janvier 2008, elle coûtera 200 millions pour 2007-2008.
L’effet conjugué des deux baisses d’impôts signifie un allègement fiscal de 984$ par année pour un couple avec deux enfants et un seul revenu de 75 000$. La même famille, mais avec deux salaires, épargnera 640$ par année. Pour une famille monoparentale, avec un enfant, l’économie est de 360$ pour un revenu de 50 000$. Pour une personne vivant seule, à faible revenu, l’impact sera mineur, 55$ par année, pour un salaire de 30 000$. Le cadeau augmentera rapidement pour les hauts salariés, jusqu’au plafond de 969$ pour un revenu au-delà de 75 000$.
«Il était temps de donner des baisses d’impôts, d’aider tous les Québécois», a dit la ministre, interpellée sur sa générosité pour les hauts salariés, qui profiteront davantage du budget d’hier. Depuis quatre ans, l’essentiel des efforts ont été dirigés vers les familles et les bas revenus, a-t-elle expliqué. Avec cette baisse d’impôts le Québec sera la cinquième province au pays au palmarès du fardeau fiscal.
Pour les entreprises, Québec accélère la réduction de la taxe sur le capital, une mesure coûteuse – 889 millions par année –, mais qui n’aura aucun impact financier en 2007-2008 et ne coûtera que 34 millions l’an prochain. Mme Jérôme-Forget ne fait d’ailleurs ses projections que sur deux ans, plutôt que cinq.
Dépenses et dette
Québec garde le cap sur une croissance modérée de ses dépenses, 3,9%, tout en ouvrant les goussets pour les réseaux de la santé (plus 6 % et de l’éducation (plus 5%). Les dépenses totales atteignent cette année 61 milliards, équilibrées par des revenus totalisant 48 milliards et 13 milliards de transferts fédéraux et de péréquation.
Conséquence d’une injection de 30 milliards en cinq ans pour rénover les infrastructures routières et entretenir les écoles et les hôpitaux, la dette publique continuera d’augmenter, de 122,4 milliards l’an dernier à 125,2 milliards cette année et 127,7 milliards l’an prochain. Mais par rapport à la richesse collective, le poids de la dette continue de diminuer, passant de 43 à 41% sur cette période. «Personne ne paie sa maison comptant», dira Mme Jérôme-Forget.
Pour présenter un portrait plus limpide des finances publiques, le gouvernement entreprend aussi des travaux avec le Vérificateur général du Québec qui visent à intégrer les établissements de la santé et de l’éducation dans le périmètre comptable du gouvernement, dès le prochain budget. «C’est le budget d’une nouvelle façon de faire», a promis hier la ministre.
Parce que le financement de la santé est «de plus en plus problématique», Québec confiera à Claude Castonguay, le père du régime public d’assurance maladie, le mandat de se pencher à nouveau sur le financement public des soins. Partisan avoué du recours au privé en santé, «il est la personne toute désignée pour jeter un regard critique sur nos façons de faire», a expliqué la ministre. Son rapport est attendu pour l’automne et pourrait proposer des modifications à la Loi canadienne sur la santé.
Québec demandera aussi à Hydro-Québec de mettre l’accent sur les exportations. Les revenus supplémentaires permettront d’augmenter, à compter de 2010, de 400 millions annuellement, les versements au Fonds des générations, créé l’an dernier. D’ici 2026, 42 milliards seront ainsi engrangés pour rembourser la dette.


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